Chanson (Livre 1, 10) - Hugo - Les Chatiments
Publié le 23/10/2013
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Il s'agit du premier poème intitulé « Chanson « qui apparaît dans le recueil ; on sait en effet que les chansons sont très présentes dans Les Châtiments, comme si ce genre populaire était une des expressions privilégiées pour mieux se faire entendre du peuple plongé dans la torpeur depuis le coup d'État de Louis Napoléon Bonaparte. Cette chanson offre le spectacle de l'orgie qui accompagne l'installation de l'Empire et qui tente de faire oublier les crimes commis.

«
Structure de la chanson
Le poème est composé de quatre strophes, chacune comprenant cinq alexan
drins suivi de deux hexasyllabes ; du point de vue du sens, ces deux derniers vers,
qui fonctionnent comme des refrains, s'opposent
à l'ensemble des alexandrins qui
précèdent et qui figurent les couplets ; l'opposition rythmique est aussi marquée
par la
ponctuation : points de suspension et tiret.
On peut noter le renversement
d'esthétique qui veut ici que le vers noble serve à l'ironie amère tandis que le vers
court, habituellement dynamique et sautillant, traduit le ton lourd et grave de celui
qui ne transige pas avec les valeurs essentielles.
Le schéma des rimes est complexe
(aabcccb) et permet des effets
d'attente et de résolution en fin de strophe pour
mettre précisément en valeur
la passion simple de la «vérité » (v.
7), de la «pro bité» (v.
14), de la «gloire» (21) et de la «liberté» (v.
28).
À ces quatre valeurs
universelles s'oppose, au début de chaque strophe, le comportement indigne de
chaque classe du haut en bas de la société(« Courtisans», financiers,« soldats»,
«
peuple des faubourgs » ).
La dénonciation d'une société
Le poète, celui qui ditle dans un mélange d'orgueil et de modestie, décline ses
valeurs qui sont celles du peuple luttant pour défendre la république : ces quatre
valeurs sur lesquelles on ne transige pas sont associées
à quatre images du pain
(dur, sec, bis, noir) qui sont emblématiques de la véritable situation du peuple en
même temps qu'elle sont porteuses
d'une situation révolutionnaire.
Hugo
cherche à représenter ici un clivage social justifiant une révolution à travers le
thème
de« la splendide orgie» (v.
1).
Cette thématique est représentée dans toutes
les strophes à travers un vaste champ lexical de la table, de la nourriture et de la
boisson ; elle est dénoncée par la
caricature ( « la bouche par le rire et la soif élar
gie », v.
2), les associations -ou attelages -satiriques (« ventrus, coquins et
riches», v.
9).
Surtout, le poète déplore l'alliance du peuple des faubourg avec ses
ennemis de classe à travers de nouveaux éléments : le choix de la dernière strophe
pour traiter du peuple vendu à l'empereur; l'inversion de l'ordre des termes, le
poème se terminant sur la valeur essentielle : liberté ; la forte opposition des termes
à la rime (sublime/crime); le vocatif en forme(« Ô peuple»).
L' esthéti9lle ironique
Attaquer précisément le peuple des faubourgs
à travers un genre populaire re
lève évidemment
d'une stratégie ironique.
Par ailleurs le vocatif (Courtisans ...
)
peut faire croire d'emblée que
le poète partage les mêmes valeurs que ceux qu'il
stigmatise, d'autant plus qu'il utilise
le pronom indéfini« on»(« on trinque, on
boit, on roule
à terre », v.
19) et qu'il parle par antiphrase, encourageant par là ses
destinataires
à redoubler d'ardeur pour commettre leur bassesse ( « Engraissez
vous, vivez, et faites bonne chère
», v.
12).
Le ton ironique est naturellement per
ceptible
à travers tous les effets d'insistance et d'emphase : rythme ternaire
(«très-bon, très-grand, très-pur», v.
3), vocatif en tête de strophe, exclamations
(v.
18, 26), anaphore
(v.
26), opposition (passé composé/présent, v.
22-23).
Conclusion.
Cette chanson du Livre I dénonce ceux qui oppriment
et ma
nipulent
le peuple.
Mais derrière le Je du poète ne se rencontrent que les
quelques milliers d'hommes et
de femmes qui se sont élevés contre l'im
posture
et la tyrannie: les condamnés, les proscrits et peut-être l'ombre des
morts du
« boulevard Montmartre »..
»
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