C’est reposant, la tragédie, parce qu’on sait qu’il n’y a plus d’espoir. Jean Anouilh in Antigone
Publié le 19/03/2020
Extrait du document
«Et voilà. Maintenant le ressort est bandé. Cela n’a plus qu’à se dérouler tout seul. C’est cela qui est commode dans la tragédie. On donne le petit coup de pouce pour que cela démarre, rien, un regard pendant une seconde à une fille qui passe et lève les bras dans la rue, une envie d’honneur un beau matin, au réveil, comme de quelque chose qui se mange, une question de trop qui se pose un soir... C’est tout. Après, on n’a plus qu’à laisser faire. On est tranquille. Cela roule tout seul. C’est minutieux, bien huilé depuis toujours. La mort, la trahison, le désespoir sont là, tout prêts, et les éclats, et les orages, et les silences, tous les silences : le -silence quand le bras du bourreau se lève à la fin, le silence au commencement quand les deux amants sont nus l’un en face de l’autre pour la première fois, sans oser bouger tout de suite, dans la chambre sombre, le silence quand les cris de la foule éclatent autour du vainqueur — et on dirait un film dont le son s’est enrayé, toutes ces bouches ouvertes dont il ne sort rien, toute cette clameur qui n’est qu’une image, et le vainqueur, déjà vaincu, seul au milieu de son silence...
«Et Créon avait raison, c’est terrible, maintenant, à côte de cet homme (le garde), je ne sais plus pourquoi je meurs. J’ai peur... »
«
45 • TRAGÉDIE / 341
Le Chœur prélude, par ses commentaires, à la venue
d'Antigone, dont le garde nous apprend qu'elle vient de
récidiver.
Déjà
le Prologue nous avait avertis, en guise de
préambule à l'action proprement dite, que la jeune fille
s'apprêtait à devenir elle-même
(«Elle s'appelle Antigone
et il
va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout»).
Les propos du Chœur signalent donc que la crise tragi
que est sur le point de se nouer.
C'est le Chœur qui,
par sa présence constante, main
tient l'unité de la pièce de Sophocle.
Anouilh emprunte au
dramaturge grec le Chœur
et le Prologue, auxquels il ne
confie cependant
qu'un rôle limité de témoins.
Antigone,
chez Sophocle, est investie d'un devoir sacré, jugé supé
rieur au devoir purement humain de Créon.
Comme l'indique le Chœur,
la« vraie fille de l'intraitable
Œdipe
» entre en conflit avec le tyran Créon, qui se veut le
gardien inflexible des lois de la Cité.
Le duel des deux
personnages revêt ainsi, chez Sophocle, le caractère d'un
drame religieux qui met en cause le ciel
et la terre.
Se considérant comme
«saintement criminelle», dans le
Prologue, Antigone
«brave l'ordre de la cité», comme le
constate sa sœur Ismène et, de ce fait, la désobéissance
d'Antigone envers son oncle se trouve justifiée.
L'héroïne
ne meurt pas désespérée car elle dénonce, par sa mort,
l'injustice des hommes.
Ce serait, à ses yeux, un sacrilège
inexpiable que de laisser son frère Polynice sans sépulture.
Quant à Créon, n'est-il pas condamné par les dieux? Sa
punition est, en tout cas, annoncée
par le devin Tirésias,
dont la cécité est, symboliquement, le signe d'une clair
voyance surnaturelle.
Créon fait machine arrière, mais trop
tard.
Le Chœur tire la leçon des événements, à la fin de la
pièce, en condamnant l'orgueil
et la démesure des hommes.
Anouilh donne une tout autre signification à la tragédie
d' Antigone, dans la mesure où
il se passe de toute réfé
rence significative au sacré.
Si le Chœur invoque le ciel
(«on est pris avec tout le ciel sur son dos», par exemple)
ce n'est que
par métaphore car c'est avant tout l'absurdité
du comportement d'Antigone qui confère à cette pièce
son caractère tragique..
»
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- « C'est reposant, la tragédie, parce qu'on sait qu’il n'y a plus d'espoir, le sale espoir ; [...] et qu'on n'a plus qu'à crier [...] à pleine voix ce qu'on avait à dire, qu'on n'avait jamais dit et qu'on ne savait peut-être même pas encore. Et pour rien : pour se le dire à soi. Dans le drame, on se débat parce qu'on espère en sortir. C'est ignoble, c'est utilitaire. Là, c'est gratuit. C'est pour les rois. » Jean Anouilh, Antigone, le Choeur. (1942). Dans quelle mesure cette célèbre déf
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- Vous commenterez la conception du tragique que nous propose Jean Anouilh dans la préface de ses œuvre : « Finalement, c'est reposant la tragédie parce qu'il n'y a plus d'espoir, de sales espoirs… D'une manière ou d'une autre les jeux sont faits ». Vous commenterez la définition tu tragique en vous inspirant de vos lectures personnelles.
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