"ces voix qui m'assiègent "la quête identitaire
Publié le 20/12/2023
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«
Université Sorbonne
Voix assiégés,
La problématique post coloniale dans « Ces Voix qui m’assiègent »
d’ Assia Djebar
Réalisée par :Benachour Nouria
Sous direction :M.
Fonkoua
Année universitaire : 2023-2024
INTRODUCTION :
La littérature postcoloniale est un mouvement de pensée qui a émergé après la période
de décolonisation, généralement à partir de la seconde moitié du XXème siècle et qui
s’enracine dans les anciennes colonies et s’alimente des traumatismes causés par les années
noires de la colonisation.
La question postcoloniale est donc complexe.
Tout d’abord le terme
même de« postcolonial » implique une cassure, il se divise en trois espace-temps :
précolonial, colonial et postcolonial.
Les auteurs francophones postcoloniaux tels que Franz Fanon, Kateb Yassine, Assia
Djebar reflète dans leurs œuvres les traces encore visibles de cette période au sein de leurs
sociétés, ainsi que les relations de pouvoir asymétrique entre colonisé et colonisateur.
Ils ont
contribués à façonner ce mouvement en instaurant une urgence et un engagement concret des
perspectives critiques sur l’héritage colonial et en mettant en lumière les méandres qui agitent
l’esprit de l’écrivain francophone, explorant
les conflits culturels, la problématique de
l’identité, la résistance et les transformations sociales dans le contexte de la post colonie.
Ces
écrivains deviennent ainsi les portes paroles de tout un peuple qui a subi l’oppression du
colonisateur au sein de son propre pays.
Leur approche est profondément ancrée dans le réel,
mettant en avant les expériences locales et les réalités spécifiques à leur contexte, souvent en
se concentrant sur les communautés marginalisées et les effets durables du colonialisme sur
ces communautés.
L’écriture féministe n’a pas été exemptée de ce champ de pensée, pour Jean-Marc
Moura le post colonialisme « […] [P]our les femmes par exemple, […] la fin de la
colonisation n’a pas souvent été l’avènement de l’émancipation, ou pour les auteurs qui
combattaient le colonialisme et avaient déjà rejeté ses catégories, alors que leur pays était
encore sous la tutelle coloniale(Césaire).
Certains critiques ajoutent que le concept
chronologique pourrait être prématuré, masquant de ses accents optimistes le néocolonialisme de l’époque actuelle.1»
Assia Djebar est l’une ces femmes qui ont eu le courage d’affronter un monde
bouleversé après la colonisation, c’est figure emblématique de la littérature francophone
féminine.
Elle a laissé une empreinte considérable dans le champ littéraire, ayant vécue une
grande partie de sa vie dans une Algérie colonisée, et étant témoin des transformations
politiques et sociales majeures de son pays, elle a pu explorer dans son œuvre les effets de la
colonisation, les luttes pour l’émancipation, ainsi que la condition de la femme dans la société
algérienne.
Dans son recueil de nouvelles « Ces voix qui m’assiègent », publiée en 1999
Djebar s’arrête et réfléchit sur son parcours d’écriture, son statut et son identité.
Elle examine
les répercussions de la colonisation sur la société à travers une mosaïque de voix variées,
accordant une place centrale aux femmes mettant en lumière leurs expériences souvent
marginalisées.
Cette écriture représente un style à la fois riche et variée, qui parvient à
concilier esthétique littéraire et propos idéologiques et politiques, en se situant aux carrefours
du passé coloniale et du présent problématique qui malgré l’indépendance, reste marqué par
les expériences vécues par le peuple algérien, dont les séquelles persistent encore.
Dans ce
roman l’écrivaine révèle les voix étouffées et les récits effacés au fil de l’histoire coloniale,
par le billet d’une prose poétique, elle parvient à déconstruire les héritages coloniaux,
exposant les cicatrices persistantes de la domination, essayant ainsi de reconstruire sa propre
identité culturelle.
L’intitulé du recueil est capital « ces voix qui m’assiègent » puisqu’il oriente la
lecture en
1
évoquant dès le début la multiplicité des voix qui entourent l’auteure avec un
MOURA, Jean-Marc, Littératures Francophones et théorie postcoloniale, Paris, Presse Universitaire de France,
1999, p.
3.
siège, le siège des expériences traumatiques issus de la colonisation.
Les nouvelles explorent
la mémoire collective, la résistance, et les complexités des identités dans un contexte de
décolonisation.
L’usage de la langue est significatif, reflétant une hybridité linguistique et un
métissage culturel avec l’entrelacement du français et de l’arabe.
Cette fusion linguistique
devient un moyen de déconstruction des héritages coloniaux et de réappropriation de la
narration, chaque nouvelle offre une perspective unique, contribuant à une représentation
polyphonique de l’histoire et de la culture algérienne.
Dans « Ces voix qui m’assiègent » nous essayerons de voir comment l’auteure explore
t’elle les dynamiques postcoloniales à travers la représentation des
voix multiples qui
résonnent dans l’espace du métissage linguistique et culturelle, tout en mettant en lumière la
spécificité de l’impact de la voix féminine dans un contexte complexe et diversifié.
Dans un premier temps, nous plongerons dans la complexité de la quête identitaire à travers le
prisme des voix plurielles, par la suite, nous essayerons d’analyser les subtilités du métissage
linguistique qui caractérisent ce processus.
Enfin, nous nous pencherons sur la voix féminine, examinant son impact singulier au sein de
ce contexte riche en diversité linguistique tout en éclairant cette méthode de dénonciation
chez l’écrivaine.
Une quête identitaire :
D’abord, la littérature francophone d’expression française est la progéniture du viol de
la terre ancestrale, des droits de l’humain et des massacres, qui ont troublé les psychologies et
les mémoires et ont fait naitre une identité confuse, faite de tous les éléments de la tragédie
coloniale, qui ne cessera de s’affirmer à travers les œuvres littéraires.
La quête identitaire est
l’une des thèmes majeurs qui découle de cette période, et qui s’impose aux écrivains.
Dans cette étude le moi féminin dévoile une identité brouillé et confuse qui se dégage
à travers l’acte d’écrire et qui se charge de se forger une image de son être par le billet du
discours, et plus précisément le discours du je qui laisse apparaitre à travers les détours de
l’art d’écrire dans cet ensemble d’Essais, une identité galvaudé d’une écrivaine exilée dans la
langue et dans l’espace, qui exalte les malheurs d’une période des plus équivoques et des plus
inconfortables ,marquant ainsi la trajectoire de Assia Djebar et d’un nombre considérable
d’écrivains de la francophonie.
Cette identité est définit par Amine Maalouf dans son livre
« Les identités meurtrières », ou il souligne la complexité d’une notion fluide et statique en
constante évolution, influencée par des facteurs historiques et culturelles :
« L’identité ne se compartimente pas, elle ne se répartit pas ni par moitié, ni par tiers, ni par
plages cloisonnées.je n’ai pas plusieurs identités, j’en ai une seule, faite de tous les éléments
qui l’ont façonnée selon un dosage particulier qui n’est jamais le même d’une personne à
l’autre.2 ».
L’identité des écrivains de la francophonie est en perpétuel mouvement entre
acceptation et rejet des circonstances historiques et la réalisation de leur affranchissement
symbolique.
Ils reconnaissent que l’identité, comme la culture (et l’imaginaire qui en
découle), n’est ni figée, ni définitive : « Pour l’ensemble du nouveau roman africain de
langue française, […] les identités ne peuvent être que des identités de relation et non de
racines.3»
Après l’indépendance, les écrivains ont cherché à réaffirmer, réinventer et célébrer
leurs identités culturelles souvent marginalisés, et le style de Djebar en fait preuve de cette
esthétique de l’hybridité qui met à nu son existence en tant que femme au sein d’une société
ou règne la domination masculine.
La structure de son livre « Ces voix qui m’assiègent » ne
saurait échapper aux pesanteurs d’un système de représentation de type sociologique,
ethnologique et anthropologique qui manifeste son altérité dans le temps et dans l’espace.
Ses
poèmes concilient à la fois le chant, la pulsion de l’écriture et le lyrisme exprimant la perte et
la douleur intérieur de l’expatriation.
L’écrivaine recourt à l’écriture du je afin de tisser un
discours complexe où se mêlent plusieurs genres : poésies, narrations ,analyses et dans
lesquels elle présente une image de soi , de l’autre en soi ,de l’autre devenu partie intégrante
de sa pratique littéraire en langue française ,même si cette écriture dans la langue du
colonisateur est considérée comme une forme de trahison, mais qui s’impose à l’écrivaine :
« Ecrire en langue étrangère devenait presque faire l’amour hors le foie ancestral.»4
En effet, l’écriture dans la langue du colonisateur représente plus qu’une simple
utilisation linguistique ; c’est une question d’identité et de résistance culturelle .Etant donné le
contexte colonial, écrire dans la langue de l’oppresseur pourrait être interprété comme un
2
Amin Maalouf, Les identités meurtrières, Paris, Editions Grasset, 1998, p.10.
MBEMBE, Achille, « France-Afrique : ces sottises qui divisent », Section de Toulouse de la Ligue des Droits
de l’Homme, 10 août 2007
4
Djebar Assia, Ces voix qui m’assiègent, 1999, p.70.
3
déracinement et une adhésion aux normes et aux valeurs imposées, entrainant ainsi une
dilution de la culture indigène.
Mais, l’usage de cette langue s’est imposé comme une
contrainte, puisqu’il représente la stricte réalité des auteurs du fait de la situation de territoire
colonisé du pays auquel ils appartenaient.
Et Comme explique Assia Djebar, « [é]crire dès
lors une fiction a constitué pour moi à peupler ce vide […].», le....
»
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