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CANDIDE: Voltaire - Le nègre de Surinam (Chapitre 19ème)

Publié le 28/01/2011

Extrait du document

voltaire
 
 Généralités :
- Voltaire dramaturge du 18ème siècle (1694-1778), philosophe français qui écrivit contre l'intolérance. - Candide ou l'optimisme, 1759. - Candide est un conte en prose où Voltaire critique la vision optimiste. Ceci est une réaction envers certains philosophes de l'époque comme Leibniz. Introduction
Le nègre de Surinam constitue une dénonciation de l'esclavage et l'exemple même de l'atteinte aux droits de l'homme et à la liberté. La rencontre de Candide avec le nègre au sortir de l'Eldorado constitue un choc brutal et un retour à la réalité du mal: Candide ne peut plus se laisser aller à une quelconque croyance optimiste. Les lecteurs, à travers cet épisode vont être confrontés à une réalité historique que Voltaire intègre à sa démonstration avec efficacité. L'extrait :
-Candide et Cacambo rencontrent un nègre au bord d'un chemin, il leur raconte sa misérable vie qui se résume à peu de choses. Ses malheurs sont dus à un commerçant blanc. 
Télécharger cet extrait du chapitre III de Candide - Voltaire en version mp3 (clic droit - "enregistrer sous...") Lu par Laetitia - source : litteratureaudio.com
   La première journée de nos deux voyageurs fut assez agréable. Ils étaient encouragés par l'idée de se voir possesseur de plus de trésors que l'Asie, l'Europe et l'Afrique n'en pouvaient rassembler. Candide, transporté, écrivit le nom de Cunégonde sur les arbres. À la seconde journée deux de leurs moutons s'enfoncèrent dans des marais, et y furent abîmés avec leurs charges ; deux autres moutons moururent de fatigue quelques jours après ; sept ou huit périrent ensuite de faim dans un désert ; d'autres tombèrent au bout de quelques jours dans des précipices. Enfin, après cent jours de marche, il ne leur resta que deux moutons. Candide dit à Cacambo : « Mon ami, vous voyez comme les richesses de ce monde sont périssables ; il n'y a rien de solide que la vertu et le bonheur de revoir Mlle Cunégonde. -- Je l'avoue, dit Cacambo ; mais il nous reste encore deux moutons avec plus de trésors que n'en aura jamais le roi d'Espagne, et je vois de loin une ville que je soupçonne être Surinam, appartenant aux Hollandais. Nous sommes au bout de nos peines et au commencement de notre félicité. «
   En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n'ayant plus que la moitié de son habit, c'est-à-dire d'un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite. « Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais- tu là, mon ami, dans l'état horrible où je te vois ? -- J'attends mon maître, M. Vanderdendur, le fameux négociant, répondit le nègre. -- Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t'a traité ainsi ? -- Oui, monsieur, dit le nègre, c'est l'usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l'année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur la côte de Guinée, elle me disait : " Mon cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux, tu as l'honneur d'être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la fortune de ton père et de ta mère. " Hélas ! je ne sais pas si j'ai fait leur fortune, mais ils n'ont pas fait la mienne. Les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous. Les fétiches hollandais qui m'ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfants d'Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste ; mais si ces prêcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de germains. Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user avec ses parents d'une manière plus horrible. Extrait du chapitre 19 de Candide ou l'optimiste - de Voltaire Etude
I - Un constat Le récit de la rencontre avec le nègre est fait par le narrateur qui semble ne pas prendre partie et donner les choses telles quelles se sont passées. Les paroles de l'esclave ont cette même tonalité d'acceptation de son sort en fonction d'une même réglementation. a) Un constat dans le récit - Le " ils " désigne Candide et son valet Cacambo. Rencontre de trois personnages, Candide et Cacambo en mouvement et le nègre qui est étendu par terre. Il y a donc opposition entre liberté de mouvement des uns et immobilité de l'autre. - La présentation du nègre est faite sans apitoiement d'abord à travers des détails vestimentaires " la moitié de son habit " puis indication de sa mutilation. Tout est mis sur le même plan. b) Constat dans les paroles de l'esclave - Affirmation d'une attitude de soumission, de passivité "j'attends mon maître" - Explication calme et détaillée de " l'usage ". Symétrie de la construction de la phrase et résultat obtenu sans aucune émotion. - La constat n'est pas seulement de sa situation personnelle mais il établit l'histoire de tous les esclaves. Cependant après la parole résignée de l'esclave, le nègre va donner la parole à sa mère (Rappel des propos de sa mère en employant le style direct). c) Cependant, présence d'une parole vivante, la mère au style direct. Ce n'est pas un constat, c'est un rappel émouvant du passé. II - L'ironie Cette ironie se révèle dans le décalage entre la l'objectivité du constat et l'horreur de la situation décrite. - Dans la logique de l'usage. - Dans la relation établie entre l'esclave et l'économie. a) Une priorité aberrante, l'accent est mis sur " l'absence de la moitié de l'habit ". Il y a là une distorsion ironique qui insiste sur la situation réelle de l'esclave. b) L'ironie apparaît aussi dans le choix de certains termes à double sens " fameux " différent au terme valorisant illustre, célèbre : il est dépréciatif. Vandedendur est rendu célèbre par sa cruauté. c) Insistance détachée sur les closes du contrat établit par l'usage (= mutilation systématique) " je me suis trouvé dans les deux cas ". C'est un formalisme administratif que met en relief Voltaire par le ton faussement détaché, l'horreur n'en n'est que plus perceptible. d) Relation entre l'esclave et le sucre. Raccourci efficace " c'est à ce prix que vous manger du sucre en Europe ". Ici aussi distorsion, décalage entre notion de plaisir en Europe et vie inhumaine pour les esclaves. e) Insistance sur l'hypocrisie des prêtres. Le mot "fétiche" est une impropriété de terme afin d'éviter la censure. Voltaire met en évidence la contradiction " nous sommes tous enfants… " alors qu'on pratique l'esclavage. Cette contradiction trahit l'hypocrisie des prêtres. III - Les différents éléments de la dénonciation L'émotion de Candide souligne l'horreur de l'état dans lequel se trouve l'esclave et cette horreur ne peut inspirer que de la pitié. Voltaire fait ainsi appel à la sensibilité de son héros et à travers lui à celle du lecteur. a) Pourquoi dénoncer l'esclavage - parce que l'esclavage est un traitement dégradant - dégradation sur le plan social, l'esclavage est la propriété d'un autre homme. - dégradation sur la plan moral et spirituel : la langue, la religion. b) Dénonciation de l'illusion Optimiste qui conduit à l'esclavage à cause de l'attitude de sa mère. L'esclave renverse même le système des valeurs fondamentales : Esclave = honneur. Il est recommandé par la mère. c) Dénonciation de l'esclavage qui est un système brutal et cruel parce qu'il exploite la souffrance pour la plaisir de quelques privilégiés : " c'est à ce prix ….. en Europe ". Quelques figures de style à éventuellement commenter :
Ironie Euphémisme
(l.15) "C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe "
Voltaire montre l'horreur de l'esclavagisme : on mutile pour faire baisser le prix du sucre ->argument déjà prit par Montesquieu
Champ lexical de l'Eglise
(l.5) "mon dieu" (l.18) "bénit" (l ;20) "seigneur" (l.27) "Adam" (l.29) "fétiches"
Voltaire met en valeur les contradictions entre les fondements de la religion et le traitement des noirs.
Patronyme à double sens Allitération Assonance
(l.9) " Venderdendur "
Van düren, libraire hollandais, avec lequel Voltaire s'est accroché. "Vendeur à la dent dure" souligne le caractère cruel du négociant.
Champ lexical du négociant
(l.7) "maître" "Venderdendur" (l.8) "négociant" (l ;19) "fétiches" (l.20) "seigneur" (l.21) "Les blancs"
Forte présence du négociant     exprime la domination du blanc sur le noir ; à l'époque.
Paradoxe
(l.19) "ils te feront vivre heureux" <-> (l.13-14) "attrape le doigt coupe la main, on s'enfuie coupe la jambe"
Contradiction entre les idées de leurs parents et le traitement du nègre.
Voltaire fait passer à travers le nègre un message très fort. Il montre bien les difficultés rencontrées par les esclaves. Vision du noir :
Citation péjorative, vision réductrice.
(l.2) "moitié habit" (l.4) "pauvre Homme" (l.3-11) "caleçon de toile" (l.6) "état horrible"
Nègre dénigré ? emploi d'adjectifs péjoratifs.
Litote Ton implicite
(l.2) "n'ayant plus" (l ;17) "ma mère me vendit dix écus patagons" (l.3-11) "un caleçon de toile"
Traite des noirs En ce temps-là , la toile était faite pour envelopper la marchandise.
Enumération
Litote
(l.23) " les singes , les chiens , les perroquets " (l ;24) "sont mille fois plus heureux que nous"
Les noirs sont moins bien traités que les animaux qui eux sont respecté pour leur obéissance.
Ironie
(l.29 à 30) "Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user d'une manière plus horrible avec ses parents"
Cela montre qu'un noir n'est pas respecté en tant qu'homme .
Parallélisme
(l .12à14) "quand la meule nous attrape le doigt on nous coupe la main , quand nous voulons nous enfuir on nous coupe la jambe"
Code noir de 1685 Cela va à l'encontre des préceptes de la bible
Répétition expressive
(l ;1,8,10) "le nègre"
Voltaire insiste une fois de plus sur le thème de l'esclavage.
La vision du noir est très sombre, morbide. On se demande comment ils font pour vivre. Conclusion :
  Cet extrait de Candide est basé sur le constat de l'infamie de la traite négrière. Il décrit de manière authentique la cruauté des négociants. Au premier abord, le fait que le point de vue soit externe tend à nous faire penser que le constat est neutre. L'étude de ce texte nous montre que c'est Voltaire qui s'exprime à travers le nègre. C'est pourquoi on peut dénoter de l'ironie, notamment quand Voltaire traite de la religion. Comme nous l'avons dit auparavant, le constat paraît neutre. Pourtant la description très crue de la mutilation des nègres et du négoce de ceux-ci suscite un sentiment de révolte et d'indignation chez le lecteur. Toutes les figures de style montrent une très bonne organisation du texte. C'est pourquoi nous pouvons déduire que ce texte participe fortement au combat de Voltaire contre l'intolérance et l'injustice.
 

voltaire

« malheureux que nous.

Les fétiches hollandais qui m'ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfantsd'Adam, blancs et noirs.

Je ne suis pas généalogiste ; mais si ces prêcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus degermains.

Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user avec ses parents d'une manière plus horrible. Extrait du chapitre 19 de Candide ou l'optimiste - de Voltaire Etude I - Un constat Le récit de la rencontre avec le nègre est fait par le narrateur qui semble ne pas prendre partie et donner les choses telles quellesse sont passées.Les paroles de l'esclave ont cette même tonalité d'acceptation de son sort en fonction d'une même réglementation. a) Un constat dans le récit- Le " ils " désigne Candide et son valet Cacambo.

Rencontre de trois personnages, Candide et Cacambo en mouvement et lenègre qui est étendu par terre.

Il y a donc opposition entre liberté de mouvement des uns et immobilité de l'autre.- La présentation du nègre est faite sans apitoiement d'abord à travers des détails vestimentaires " la moitié de son habit " puisindication de sa mutilation.

Tout est mis sur le même plan. b) Constat dans les paroles de l'esclave- Affirmation d'une attitude de soumission, de passivité "j'attends mon maître"- Explication calme et détaillée de " l'usage ".

Symétrie de la construction de la phrase et résultat obtenu sans aucune émotion.- La constat n'est pas seulement de sa situation personnelle mais il établit l'histoire de tous les esclaves.

Cependant après la parolerésignée de l'esclave, le nègre va donner la parole à sa mère (Rappel des propos de sa mère en employant le style direct). c) Cependant, présence d'une parole vivante , la mère au style direct.

Ce n'est pas un constat, c'est un rappel émouvant du passé. II - L'ironie Cette ironie se révèle dans le décalage entre la l'objectivité du constat et l'horreur de la situation décrite.- Dans la logique de l'usage.- Dans la relation établie entre l'esclave et l'économie. a) Une priorité aberrante , l'accent est mis sur " l'absence de la moitié de l'habit ". Il y a là une distorsion ironique qui insiste sur la situation réelle de l'esclave. b) L'ironie apparaît aussi dans le choix de certains termes à double sens " fameux " différent au terme valorisant illustre, célèbre : il est dépréciatif.

Vandedendur est rendu célèbre par sa cruauté. c) Insistance détachée sur les closes du contrat établit par l'usage (= mutilation systématique) " je me suis trouvé dans les deux cas ".

C'est un formalisme administratif que met en relief Voltaire par le ton faussement détaché, l'horreur n'en n'est que plusperceptible. d) Relation entre l'esclave et le sucre. Raccourci efficace " c'est à ce prix que vous manger du sucre en Europe ".

Ici aussi distorsion, décalage entre notion de plaisir en Europe et vie inhumaine pour les esclaves. e) Insistance sur l'hypocrisie des prêtres.Le mot "fétiche" est une impropriété de terme afin d'éviter la censure.Voltaire met en évidence la contradiction " nous sommes tous enfants… " alors qu'on pratique l'esclavage.

Cette contradictiontrahit l'hypocrisie des prêtres.. »

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