Candide de Voltaire: chapitre 6 du début à « fracas épouvantable »
Publié le 18/06/2012
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L'enjeu du texte.
Ce texte introduit la question religieuse dans le conte sous la forme aiguë de l'intolérance. La critique du clergé avait déjà été abordée de façon allusive ; elle est située ici au coeur d'un épisode qui dénonce les pratiques de l'Inquisition. À travers cet alerte petit récit, le narrateur montre que la décision de l'autodafé est absurde, que les chefs d'accusation sont sans fondement, que l'exécution des condamnés relève du spectacle et que tout cela n'aura servi à rien. Ces divers aspects seront envisagés successivement. L'Inquisition est l'organisme judiciaire de l'Église chargé de réprimer l'hérésie, c'est-à-dire toute opinion ou doctrine contraire au catholicisme ; très active au XVIe siècle, elle s'en prenait aux adeptes de la Réforme et surtout aux Juifs. Elle ne fut abolie au Portugal qu'en 1820.

«
L'intolérance du catholicisme à l'égard des autres religions est dénoncée dans le traitement
réservé aux Juifs.
- Ils sont les premières victimes de l'Inquisition : les deux Portugais ont
pratiqué un rite de la religion judaïque (l'interdiction de consommer du porc), puisqu'ils ont
retiré la barde de porc qui était autour du poulet.
- L'énoncé simplificateur du grief, «deux Portugais qui en mangeant un poulet en avaient
arraché le lard», accentue la futilité de ce grief.
Cette pratique juive ainsi réduite à un geste, «arrach[er] le lard», souligne l'inconsistance du
jugement, le rite étant dépouillé de sa signification spirituelle d'interdit alimentaire.
Cette
formulation est polémique, elle n'est certainement pas celle de l'acte d'accusation.
La même
simplification caricaturale apparaît dans le motif de l'arrestation de Candide et Pangloss.
Dans sa réduction polémique, ce motif se ramène à rien : ils sont arrêtés «l'un \
pour avoir parlé
et l'autre pour avoir écouté avec un air d'approbation», le contenu des propos n'étant pas pris
en compte.
À s'en tenir à la lettre d'une telle formulation, il suffit de bien peu, ouvrir la bouche,
cela vous perd.
Candide c'est pire, il n'a rien dit, écouté seulement ! Ce choix d'expressions qui
vont jusqu'au non-sens fait bien sentir l'étendue de l'arbitraire, qu\
i rejoint le bon plaisir des
lettres de cachet.
L'Inquisition ne reconnaît aucune garantie aux personnes : un geste, un
propos et c'est la prison.
Les motifs réels s'appuient sur des délits d'opinion concernant deux des dogmes du
catholicisme.
Le premier est celui du péché originel, la fauté commise par Adam et Eve qui leur a fait perdre
le paradis terrestre.
Le péché originel ne se conçoit pas dans un monde où tout est bien : «si
tout est au mieux, il n'y a donc eu ni chute ni punition».
Pangloss philosophe optimiste refuse
donc ce dogme de l'Église.
Le deuxième dogme refusé par les tenants de l'optimisme est celui du libre arbitre, qui postule
la liberté pour l'homme de choisir entre le bien et le mal : «Monsieur ne croit donc pas à la
liberté ?» (fin du chapitre précédent).
Où est en effet la liberté humaine dans un système
déterministe, dans un monde où tout s'enchaîne nécessairement ?
Ces deux prises de position font de Pangloss un libre penseur, ou un hérétique, aux yeux de
l'officier de l'Inquisition.
On retiendra de ces commentaires l'extrême simplification apportée
pour des raisons polémiques à la formulation des chefs d'accusation.
L'ironie
Une exécution traitée en spectacle.
Comment dénoncer la cérémonie des supplices ? Le narrateur choisit de la\
présenter sur le
mode ironique, comme un spectacle brillant, une pompeuse mise en scène pour impressionner
le bon peuple.
C'est en valorisant à l'excès ce qu'elle montre que l'ironie produit un effet de
contestation.
Le faste des costumes dénature l'exécution en un spectacle divertissant pour les yeux : ces
habits sont pittoresques (un san-benito, vêtement jaune dont on revêtait les condamnés ; des
mitres de papier), ils offrent un attrait chatoyant, une certaine étrangeté.
La religion a sa
couleur locale, l'Église son folklore.
Ces cost umes sont aussi fort bien décorés, avec des
figures porteuses d'une signification naïve, des ornements de flammes et de diables avec ou
sans griffes et queues.
Le symbolisme est puéril : les flammes droites et les diables de
Pangloss avec griffes et queues proclament la gr avité de la faute qui le voue au bûcher et à
l'enfer.
Toutes ces figures réduisent la religion à une superstition de niveau primaire, comme
une fresque pour faire peur sur les murs d'une église de campagne.
Le ton de l'éloge hyperbolique contribue aussi à dénaturer la scène ; le recours constant à
l'ironie est ici manifeste, il réside dans le décalage entre le ton admiratif de la description et la.
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