CABANIS José : Fiche de lecture
Publié le 20/11/2018
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CABANIS José (né en 1922). Pour connaître José Cabanis ou, plutôt, pour le découvrir, il faut lire les Profondes Années (1976) et Petit Entracte à la guerre (1981 ), ses journaux intimes des années 1939-1945, véritable introduction à une œuvre orientée dans plusieurs directions, que ce soit le roman, l’essai littéraire ou le document historique. A l’époque de ce journal, Cabanis a seize ans, et, déjà, toute la personnalité de l’homme éclate au grand jour : stendhalien de cœur et mauriacien d’âme, il est partagé entre sa passion pour la littérature et son goût prononcé pour le droit, déchiré entre l’angoisse de la mort et la ferveur spirituelle. Né à Toulouse, José Cabanis, après des études de philosophie et de droit, part pour l’Allemagne en 1943 au S.T.O. Période qu’il décrit, dans sa complexité et sa souffrance, dans ce journal. Au lendemain de la guerre, Cabanis trouve un rythme de vie qui lui convient : l'écriture et le droit y ont la meilleure part.
«
Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)Le narrateur était prisonnier en Allemagne pendant la dernière guerre.
J'ai travaillé à la chaîne deux ans.
J'étais assis à une machine en fonte, scellée au sol, d'où descendait un grandbalancier au bas duquel je mettais le pied, appuyant fortement.
Il en résultait un mouvement de va-et-vient, et lehaut de la machine basculait, imprimant un numéro sur une petite pièce que je glissais dans une gorge, puis enlevaisprestement, à raison de mille à l'heure, en ayant soin de ne pas y laisser les doigts.
Par une fenêtre où je pouvaisregarder en me penchant un peu, j'ai vu passer, au long des jours, les saisons.
Je devinais l'approche du printempsgrâce à des saules pleureurs, qui se trouvaient dans le cimetière, à quelque cent mètres de l'usine.
Les premiers ilsse couvraient d'une sorte de mousse verte.
Les après-midi de l'été, dans la chaleur, étaient intolérables.
Lesfemmes allemandes chantaient en chœur.
Les messieurs qui nous dirigeaient entraient brusquement, tout le mondese taisait, et ils nous observaient longuement.
Ils étaient élégants, parfois en tenue de ville, avec pochette etsouliers vernis, parfois en blouse blanche, mais impeccables.
Ils ne disaient rien et assortaient, le front soucieux,graves et importants, ou bien faisaient une colère effroyable dont je ne comprenais pas toujours la raison : j'étaisarrivé sans connaître un mot d'allemand.
Ils vociféraient, et le mot sabotage, je le comprenais.
Il n'y avait qu'àbaisser la tête, et à attendre.
Jamais les heures ne m'ont paru plus longues.
J'ai découvert ce que peuvent être desjournées où l'on n'a rien fait que quatre gestes imbéciles, systématiquement répétés, rien vu, qu'un coin de la salledes machines, rien entendu que les cris des contremaîtres, le ronflement et le bruit soudain strident des machines,et ces mélopées tristes qu'aimaient les femmes allemandes.
Et cela, comme la veille, comme le lendemain, commetoujours, pendant que s'écoule l'année et que reviennent des saisons qui ne signifient plus rien et ne peuvent rienapporter.
J'étais condamné aux travaux forcés, et ce n'était pas la peine de compter les jours : cela durerait autantque la guerre, et bien après si nos vainqueurs y trouvaient leur compte, ce n'étaient pas des sentimentaux.
José Cabanis, Des jardins en Espagne.
Dans un commentaire composé, vous pourriez étudier, par exemple, la double condition de prisonnier et de travailleurdu narrateur, en même temps que les moyens par lesquels il souligne l'absurdité de cette condition.
Mais cesindications ne sont pas contraignantes..
»
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