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BUFFON (1707-1788) EXTRAITS. - DISCOURS SUR LB STYLE

Publié le 04/05/2022

Extrait du document

L'écrivain : ses théories et le « Discours sur le
style». - C'est dans son discours de réception à l'Académie,
inexactement appelé Discours sur le style, que
Buffon a formulé son idéal. Indiquons dans quelles
circonstances fut composé cet opuscule, qu'on a souvent
regardé depuis comme un résumé de la doctrine classique
en matière de style.
Le 23 juin 1753, les membres de l'Académie française
élurent Buffon, sans qu'il eût posé sa candidature
et sans qu'il eût fait les visites ordinaires. C'était absolument
contraire à tous les usages, et le naturaliste ne
fut pas le moins surpris de celle dérogation àla règle (i ).
Il avait conseillé, en effet, à ses amis de voter pour
Piron, son spirituel compatriote (2). Mais le poète de la
llfétromanie n'était pas en faveur à lacour. Sur un ordre
de Louis XV on l'écarta, et c'est à Buffon qu'échut le
fauteuil alors vacant.
Le lendemain de cette élection, le nouvel académicien
se réfugia dans sa retraite de Montbard. Il voulait se
recueillir pour écrire son discours de remerciements. Co
n'était pas une petite affaire et il sentait bien qu'on
attendait de lui quelque rare morceau d'éloquence. Mais,
par malheur, Languet de Gergy, dont il fallait prononcer
l'éloge, n'avait rien fait de remarquable. L'archevêque
de Sens avait été un digne prélat qui avait bataillé
contre les jansénistes et gui avait publié quelque􀅄 ouvrages
de piété (3). La vie de ce brave homme, excellent
(i) « C'e.:1t la première fois, écrivait-il, que quelqu'un a été élu sans avoir fait
aucune ,·isite ni aucune démarche, et j'ai été plus flatlé de la manière agréable et
distinguée dont cela s'est fait que de la chose même que je ne désrais en aucune
façon. n (Lettre au président de Ruffey, 4 juillet i 753).
(2) Piron, né à Dijon, en 1689, fut un joyeux littérateur, doat la verve el l'esprit
sont légendaires. Il écrivit des tragédies médiocres. La Alétromanie, petit chefd
'oeuvre comique, a sauvé son nom de l'oubli.
(3) Jean-Joseph Langue! de Gergy (1677-1753), d'abord évèque de Soissons, puis
archeYèquc de l:iens, laissa des écrits de polémique, une Vie de la vénérable mir,
pasteur de l'Église mais Lrès médioc1·e littérateur
n'était point de nature à inspirer Buffon, et c'est men
sincèrement qu'il écrivait au président de Ruffey, son
ami : « Je ne sais trop encore ce que je leur- dirai. "
Il se 5ouvint à propos que des auteurs célèbres, négligeant
l'éloge de leurs prédécesseurs, avaient dans
leurs discours de réception traité quelque question de
critique littéraire: Voltaire, par exemple, avait parlé de
l'influence de la poésie sur le génie des langues. Buffon
s'autorisa de ces précédents. Leslyleélait, avec la science,
la grande occupation de sa vie : ce fut du style qu'U
entretint ses collègues, lorsqu'il prit séance le 25 août de
la même année. M. de Moncrif lui répondit, en sa qualité
de directeur, et par une ironie singulière l'auteur maniéré
de l'ffistoire des chats reçut, au nom de la compagnie,
l'éloquent auteur de !'Histoire naturelle (1). Ce fut une
brillante séance. Grimm, si souvent injuste pour le naturaliste,
ne peul s'empêcher de le louer et de constater
son succès:
M. de Buffon, dit-il, ne s'est point borné /J. nous rappeler que le
chancelier Ségilier était un grand homme, que le c,1rdinal de Richelieu
était un très grund homme, que les rois Loui•XIV et Louis XV
élaient de très grands hommes aussi, que Mgr l'archevêque de
Sens élait un grund homme, et qu'enfin tous los quarante étaient
de grands hommes. Cet ho:nme célèbre, dédaignant les éloges
fades et pesants, qui font ordinairement le sujet de ces sortes de
discours, a jugé à propos de traiter une matière digne de sa plume
et digne de l'Académie. Ce sont des idées sur le style, et l'on a dit
à ce sujet que l'Académie avait pris un maitre à écrire. On pourrait
ajouter, après avoir lu la réponse de M. de Moncrif, qu'elle a
bien fait et qu'elle en avait besoin. Le discours de M. de Buffon,
qui vient d'être imprimé, fut interrompu à l'assemblée de l'Académie
troi􀄔 ou quatre fois par les applaudissements du public (2).
Tel était le sentiment des philosophes. De son côté,
leur vaillant adversaire, le journaliste J.1'réron, n'hésitait
Marguerite-Marie .AlacoquP, qui suscita les r&illeries de Volta.ire, et unTraiU de
la confiance rn la miséricorde de Dieu.
(t) François-Augustin Paradis de Moncrif (1687-1770), lecteur de la reine, avait
pour tout bagage littéraire des opéras-ballets, des poébies religieuses, son Histoire
ries chalj el un Essai sur la nécessité et les moyens de plaire.
(t) Gnmn:, /,'orreipo11dance littéraire, 1" sepleQlbre 17􀁍3.
pas à proclamer ce discours·: « l'un des meilleurs qui
aient été faits dep1Iis la fondation de l'Académie » (i).
Que contenaient donc ces quelques pages pour réunir
les partis en présence dans une commune admiration? ..•
Analyse du« Discours sur le style ,,. -- Le récipiendaire
commence par remercier " les hommes éminents " qui l'ont
« comblé d'honneur " en l'admettant dans leur " illustre
compagnie ,,_ ll les exalte, et, suivant la coutume, il se
rabaisse, avec une modestie exagérée. Puis, par une transition
vive mais adroite, il annonce le sujet de son discours:
« Je n'ai, Messieurs, dit-il, à vous offrir que votre p.ropre
bien; ce sont quelques idées sur le style que j'ai puisées
dans vos ouvrages; c'est en vous lisant, c'est en vous admirant
qu'elles ont été conçues; c'est en les soumettant à vos
lumières qu'elles se produiront avec quelque succès. »
Après cet exorde insinuant, Buffon distingue la fausse éloquence
- c'est-à-dire l'éloquence pratique et populaire, dans
laquelle « le corps· parle au corps " - et la véritable éloquence,
l'éloquence littéraire et académique, celle qui plaît
aux gens « d'un goû.t délicat,, et« d'un sens exquis ,,_ Celte
dernière suppose une culture raffinée et un long exercice du
style. Mais que faut-il entendre par le style? Buffon entreprend
de le définir. o
,, Le style, déclare-t-il, n'est que l'ordre et le mouvement que
l'on met dans ses pensées. " L'ordre surtout est la qualité
essentielle. Avant d'é.crire quoi que ce soit, il faut s'être fait
un plarl qu'on aura longuement médité et qui permettra de
déterminer les «idées principales ,, et« les idées accessoires"
on« moyennes"· « Ce plan n'est pas encore le style, mais il
en est la base. » Sans lui, on s'égare ; on manque d'unité; on
divise trop sa matière; « on ne sait par où commencer à
écrire )) . li « soutient " l'auteur; il le « dirige ,, ; il " règle "
le mouvement du style et ,. le soumet à des lois "· Composons,
par conséquent, d'après un plan mû.rement préparé !
Imitons la nature, qui atteint la perfection dans ses ouvrages,
parce qu' « elle travaille sur un plan éternel, dont elle ne
s'écarte jamais "·
De l'ordre, ainsi obtenu, naîtra la chaleur, ou le 1,;;;uvement.
Mais tout n'est point fini et il y a encore bien des écueils à
éviter : « le désir de mettre partout des traits saillants »,

« BUFFON (!707-1788) BXTRA.11'S.

- DISCOURS SUR LB STILB Notice biographique. LEs ExTRAITS.

- Historique.

- Le penseur et le savant : les qua• lités du savant.

- La doctrine.

- L'influence.

- L'écrivain: ses th6ories et le Discours sw· le style.

- Son style. Notice biographique (i).

- Georges-Louis Leclerc de Buffon naquit à Montbard, près de Semur, dans le départe­ ment acluel do la Côte-d'Or, le 7 septembre 1707.

Son père, ancien commissaire général des maréchaussées de France, puis conseiller au Parlement de Bourgogne, lui fit donner une ·instruction solide et complète chez les Jésuites de Dijon. Là, le futur auteur de !'Histoire naturelle se prit d'une vive passion pour les sciences; mais, chose étrange, il ne songeait alors qu'à la géométrie, et, s'il pratiquait beaucoup les Elé­ ments d'Euclide, il ne lisait point Pline l'Ancien. Au sortir du collège, il mena tout d'abord une existence aventureuse et dissipée.

Il s'était lié fort intimement avec un seigneur anglais de son âge, le duc de Kingston, qui expiait à Dijon quelques péchés de jeunesse.

Les deux étudiants parti­ rent un beau matin de 1730 pour un voyage au long cours. Sous la conduite de son joyeux compagnon, Buffon visita l'ouest et le midi de la France, et parcourut toute l'Italie jus­ qu'à Rome; il traversa la Suisse et se rendit à Londres, où il séjourna.

Ce furent trois années de plaisirs et de folies; (1) Consulter sur 13uffon: Flourens : Buffon, histoire de ses idées; Brunetière, Revue des Deux-lllondes, 15 septembre 1888 ; Hémon, Eloge de Buffon; Mon­ légut, Souvenirs de Bourgogne ; R.

Doumic, Littérature française.. »

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