Breton et l acte surréaliste
Publié le 14/09/2015
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Tout est à faire, tous les moyens doivent être bons à employer pour ruiner les idées de famille, de patrie, de religion. La position surréaliste a beau être, sous ce rapport, assez connue, encore faut-il qu’on sache qu’elle ne comporte pas d’accommodements. Ceux qui prennent part à la tâche de la maintenir persistent à mettre en avant cette négation, à faire bon marché de tout autre critérium de valeur. Ils entendent jouir pleinement de la désolation si bien jouée qui accueille, dans le public bourgeois, toujours ignoblement prêt à leur pardonner quelques erreurs «de jeunesse», le besoin qui ne les quitte pas de rigoler comme des sauvages devant le drapeau français, de vomir leur dégoût à la face de chaque prêtre et de braquer sur l’engeance des «premiers devoirs» l’arme à longue portée du cynisme sexuel.
Je crois à la vertu absolue de tout ce qui s’exerce, spontanément ou non, dans le sens de l’inacceptation et ce ne sont pas les raisons d’efficacité générale dont s’inspire la longue patience prérévolutionnaire, raisons devant lesquelles je m’incline, qui me rendront sourd au cri que peut nous arracher à chaque minute l’effroyable disproportion de ce qui est gagné à ce qui est perdu, de ce qui est accordé à ce qui est souffert. Cet acte que je dis le plus simple, il est clair que mon intention n’est pas de le recommander entre tous parce qu’il est simple et me chercher querelle à ce propos revient à demander bourgeoisement à tout non-conformiste pourquoi il ne se suicide pas, à tout révolutionnaire pourquoi il ne va pas vivre en U.R.S.S.

«
On imagine mal, à première vue, apologie plus radicale
de la violence, justification plus explicite de ce que
l'on
nommait au siècle dernier « anarchisme» et que notre
époque nous a rendu familier sous
le nom de « terro
risme».
Conscient, sans doute, de ce que peut avoir d'inaccep
table -moralement plus que juridiquement -cette
«incitation au crime» dont il est l'auteur, Breton
éprouve
le besoin, dans les lignes qui suivent, de
s'expliquer.
Il vient juste, à la page qui précède, de défi
nir
le surréalisme comme une forme d'expérience inté
rieure : tension vers
ce «point suprême» où
s'abolissent
les contradictions.
Or à cette présentation
succède une autre, on ne peut plus opposée, qui vise à
présenter
le crime comme l'acte surréaliste le plus sim
ple.
Il n'y a là, poursuit Breton, nulle contradiction car
tels sont
les deux visages opposés mais complémentai
res du surréalisme: élan vers une forme d'illumination
intérieure, refus radical du monde tel qu'il est:
«La légitimation d'un tel acte n'est, à mon sens, nulle
ment incompatible avec la croyance en cette lueur que
le surréalisme cherche à déceler au fond de nous.
J'ai seulement voulu faire rentrer ici le désespoir humain,
en deçà duquel rien ne saurait
justifier cette croyance.
Il est impossible de donner son assentiment
à l'une et
non à l'autre.
Quiconque feindrait d'adopter cette
croyance sans partager vraiment ce désespoir, aux
yeux de ceux qui savent ne tarderait pas à prendre
figure ennemie.
>>
Cette mise au point, semble-t-il, ne fut pas suffisante.
Répondant à la publication du
Second Manifeste dans
le numéro 12 de la revue La Révolution surréaliste, les
adversaires de Breton -dissidents ou réfractaires du
surréalisme comme Prévert, Desnos ou Bataille -
publièrent un texte intitulé
Un Cadavre par lequel ils
reprenaient et le titre et le ton du pamphlet consacré par
les surréalistes au trop officiel romancier Anatole.
»
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