Un monologue adressé à un inconnu Les indices de la situation d’énonciation : « je » s’adresse ici à un personnage avec familiarité : « Tu tournais le coin de la rue ».
Publié le 17/04/2017
Extrait du document
«
4.
Le locuteur principal se dessine peu à peu par fragments, il ne se présente pas.
Il est
visiblement marginal.
Sans domicile précis, (« chez moi […] je ne peux pas y rentrer
», (l.10) ; il « cherche une chambre », l.
12).
Il semble seul et n’a pas de famille
puisqu’il évoque « les appartements où il y a des familles » (l.26 ).
Sa situation de
marginalité le pousse vraisemblablement à habiter dans des hôtels : « je vis à l’hôtel
depuis presque toujours » (l.19).
Mais il se définit ainsi par cette stabilité dans l'errance « et si je rentre dans une
chambre d’hôtel, c’est une si ancienne habitude, qu’en trois minutes j’en fais vraiment
un chez-moi, par de petits riens, qui font comme si j’y avais vécu toujours, qui en font
ma chambre habituelle, où je vis, avec toutes mes habitudes, » et une maison qui
l’enracinerait deviendrait une chambre d’hôtel, « rien que d’y vivre » , par habitude.
(26-27)
5.
un sentiment de menace
Il semble avoir un problème : « car chez moi impossible, je ne peux pas y rentrer —
pas pour toute la nuit cependant » Mais cela reste mystérieux, pas de réponse.
la présence de personnes « dans le dos ».
« les cons, qui stationnent [qui] guettent
dans le dos » (l.
7), pluralité dans la désignation « les cons », le pronom personnel
« ils » qui se distinguent de deux individualités « je » et « tu » en dehors du
troupeau.
(l.
6-7)
le propre reflet du locuteur : « il est difficile de ne pas se regarder, tant ici il y a de
miroirs, dans les cafés, les hôtels, qu’il faut mettre derrière soi, comme maintenant
qu’on est là, où c’est toi qu’ils regardent, moi, je les mets dans le dos » (l.
17).
→ L’identité et l’altérité se mélangent donc pour créer le sentiment dérangeant d’être «
observé » par « cent mille glaces » (l.18) Hyperbole et personnification traduisent ce
malaise et soulignent une impression d’éclatement de la personne par ces images qui se
reflètent à l’infini.
Idée de fuite : mettre « dans le dos »
6.
La présence d’autrui est ici profondément ambiguë :
le locuteur s’adresse à un inconnu pour l’arrêter dans la rue ou dans un café.
≠ « les autres » et leur regard, les miroirs sont vécus comme une menace multiple.
→ importance du regard avec l’expression « il pleut, cela ne met pas à son avantage
quand il pleut sur les cheveux et les fringues » = peur de déplaire ?
→ la présence de l’autre est le seul moyen de contrecarrer la menace des autres.
Comme
le discours est le seul moyen de le faire exister : La présence de l’autre se construit par
petites touches, éléments de récit (« je t’ai vu… »), par adresse directe (« maintenant qu’on
est là »…) et par projection vers des événements à venir (« dès qu’on sera installé quelque
part …»).
Une prose entre poésie et folie
7.
Sonorités et rythmes sont importants →dimension poétique.
Les échos sonores entre « vu » et « rue » (l.
1), entre « pleut » et « cheveux » (l.
2),
entre « et maintenant qu’on est là » et « retourner là, en bas » (l.
3) créent une
impression de régularité
les rythmes des phrases : « Tu tournais (3) le coin de la rue (5) lorsque je t’ai vu (5)
», ou les segments de phrases de longueur semblable : « mais quand même j’ai
osé (7) et maintenant qu’on est là (7), que je ne veux pas me regarder (8) ».
→rythme litanique
8.
le ressassement de certains thèmes.
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