« J'appelle caractère d'un homme sa manière habituelle d'aller à la chasse du bonheur », écrira Stendhal dans son roman autobiographique, Vie de Henry Brulart.
Publié le 30/03/2020
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« J'appelle caractère d'un homme sa manière habituelle d'aller à la chasse du bonheur », écrira Stendhal dans son roman autobiographique, Vie de Henry Brulart. Pour cet auteur, le bonheur est donc une composante essentielle de l’Homme, faisant partie intégrante de son quotidien, et non un principe abstrait, Léon Blum le représentera très bien dans son ouvrage Stendhal et le Beylisme : «Le bonheur n'est pas, à ses yeux, une conception chimérique ou une notion idéale, mais bien un objet tangible et qu'il nous appartient d'atteindre. » Compte tenu de l'importance que semble prendre la recherche du bonheur pour Stendhal,on peut se demander si l’on retrouve cette problématique dans ses écrits. Peut-on considérer que Le Rouge et le Noir présente le parcours d'un personnage en quête du bonheur ? Si le roman semble présenter des personnages en quête de leur vision du bonheur, ce dernier se révèle difficile à atteindre autant qu’illusoire, et le véritable bonheur n’apparaîtra qu’à la fin du livre Il est vrai que le roman semble présenter des personnages en quête de leur vision du bonheur. Cependant ce dernier se révèle difficile à atteindre autant qu’illusoire et ce n’est qu’à la fin du récit que l’on semble toucher du doigt le véritable bonheur. Stendhal, pour son roman, choisit le cadre d'une petite ville du Jura, Verrière, dans laquelle nous rencontrons le personnage de Julien Sorel, fils d'un charpentier. Julien, malheureux à sa place, est en quête d’un bonheur, qui pour lui, commence par une volonté d'ascension sociale. Celle ci apparaît comme un but ultime pour le héros. Selon le narrateur « il eût fait pour arriver à la fortune des choses bien autrement pénibles ». Ce personnage, partant d'une classe sociale basse et se vouant à une ascension sociale, pourrait être comparé au personnage de Bel Ami, de Maupassant, même si Julien se révélera être moins opportuniste que Georges Duroy, sa volonté d'ascension représentant plus une quête de revanche sociale, que défendra le personnage tout au long du roman par des pensées telles que « aux yeux de cette femme, moi, se disait-il, je ne suis pas bien né ». Mais au-delà de la réussite sociale, Julien est en quête d'une figure paternelle. Étant rejeté par son père, car trop différent, Julien cherchera tout au long de l'histoire des mentors, des pères de substitution. L'un des principaux se révélera être l'abbé Chelan, le curé du village, ou, dans la suite du récit, l'abbé Pirard, son supérieur au séminaire, qui l'appellera dès sa première rencontre « mon très cher fils ». Toutes ces figures, ainsi que d'autres tels que le vieux chirurgien major, qui apportera à Julien la majorité de ses idées politiques, ont une importance capitale dans la construction du personnage, car c'est à partir d'eux que Julien va concevoir sa vision du bonheur, et comment y arriver. Quand le vieux chirurgien major lui transmettra ses idées politiques bonapartistes, ou encore un attrait martial pour la gloire, l'abbé Chelan et l'abbé Pirard lui donneront les clés de l'avancement, qui en l'instruisant, qui en l'introduisant dans une famille haut placée. La vision du bonheur de Julien inclut également l'amour, mais ce dernier, si l'on devait se fier aux définitions de De l'amour, essai de Stendhal, serait un amour de vanité, le bonheur en ressortant tenant plus de la satisfaction personnelle que du véritable amour : « Son amour était encore de l'ambition : c'était la joie de posséder, lui pauvre être si malheureux et si méprisé, une femme aussi noble et aussi belle &...
«
actions les plus héroïques, que le manque d'occasion ».
En effet, dans les années 1820 où se déroule
l'action, Julien se retrouve confronté à ce que Alfred de Musset théorisera comme "le mal du siècle",
cette nostalgie de l'ère napoléonienne ou l'avancement était plus simple, par rapport à cette période
bourgeoise vide de perspective qu'est la Restauration.
L'avancement ne se fait plus par le mérite,
l'abbé Chélan le lui signifiera : « vous pourrez faire fortune, mais il faudra nuire aux misérables,
flatter le sous-préfet, le maire, l'homme considéré, et servir ses passions : cette conduite, qui dans le
monde s'appelle savoir-vivre »
De plus, les objectifs de Julien sont toujours désapprouvés par ces figures paternelles, que ce
soit son vrai père qui des approuvera violemment son attrait pour la lecture et la connaissance, qui
nourrit son ambition, ou encore l'abbé Chélan, qui qualifiera cette même ambition d' « ardeur
sombre », et qui le met en garde contre ses aspirations : « si vous songez à faire la cour aux hommes
qui ont la puissance, votre perte éternelle est assurée.
».
Bien que ces figures paternelles aient une
importance pour ce Julien, leur désapprobation n'empêchera pas l'ambitieux de poursuivre ses
objectifs.
Mais Julien n'est pas le seul à viser un bonheur difficile d'accès.
À l'instar de Julien Madame
de Rênal recherche un bonheur qu'elle sait condamné.
En effet, cette femme pieuse, qui va tomber
amoureuse de Julien, et donc commettre un adultère.
Lorsqu'elle se rend compte de ce qu'elle a
commis, va « pour la première fois se reprocher son amour », ce qui ne l'empêchera pas de
continuer à aimer Julien, qui déclarera lorsqu'il sont rendra compte : « Elle croit tuer son fils en
aimant, et cependant la malheureuse m'aime plus que son fils ».
On voit encore une fois que malgré
tout, Les personnages ne reculent devant rien dans leur quête du bonheur selon eux.
Pourtant, de nombreux obstacles se dressent entre eux et leur bonheur.
En ce qui concerne la
quête d’amour de Julien, le principal obstacle se révèle être l’éternelle insatisfaction de ce dernier.
On pourrait se dire que cela est lié avec sa volonté d’ascension sociale, mais en réalité, même lors
des passages du roman où le héros est honnête avec lui-même, par exemple lors de son passage dans
la grotte, sur le chemin de la maison de son ami Fouqué, il déclarera « qu’il s’imaginait rencontrer
un jour à Paris I femme bien plus belle et d’un génie bien plus élevé que tout ce qu’il avait pu voir
en Provence.
» Ici c’est certes la vision d’un jeune provincial ignorant du monde, mais cette vision
de l’insatisfaction de Julien dans ses conquêtes amoureuses se confirme un peu plus tard dans le
récit, lorsque venant de quitter Madame de rénal, dont il était l’amant depuis des mois, et qui se
révélera être son seul véritable amour, il cherchera à courtiser une jeune serveuse, à peine arrivé à
Besançon.
Cela l’empêche donc d’être véritablement heureux en amour.
En ce qui concerne ses ambitions sociales, Julien se freine lui-même à cause de ses idées
politiques.
En effet, sous la restauration monarchique, notre ambitieux est un bonapartiste
convaincu.
Il doit donc en permanence masquer ces idées, avec l’hypocrisie constante qui
caractérise ce personnage.
On le voit par exemple dans l’épisode du portrait de Napoléon, où, alors
qu’il commence à courtiser Madame de rénal, et qu’il a trouvé sa place au sein de la maison, il est
pris de panique que l’on découvre le portrait de l’empereur qui cache dans sa chambre et demande à
sa maîtresse de le détruire.
Il ne peut s’être n’être qu’avec les parias, tels que le compte Altamira,
qui lui donnera un avertissement à propos de la société dans laquelle Julien cherche à s’intégrer :
«on hait la pensée dans vos salons».
Chose que Julien sera tenu de se rappeler tout au long de sa
quête d’ascension.
Toutefois, même après avoir accompli de nombreuses choses, avoir gravi un à un les
barreaux de l’échelle sociale, la basse extraction de Julien représente également un obstacle.
Alors
même qu’il est intégré au cercle de la haute société, qu’il brille par son savoir il lui est toujours
difficile d’être reconnu comme un père par les gens qu’il côtoie.
Julien est conscient de cette mise à
l’écart « moi que le duc de Chaulnes appelle un domestique !».
Cela l’empêche d’atteindre
totalement ce statut de réussite sociale qu’il vise, comme il exprimera au cours de son procès «.
»
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