Bossuet et Fénelon
Publié le 13/02/2012
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Je ne puis jamais me figurer sans émotion Bossuet, en pleine gloire,
et la tête déjà couverte de cheveux blancs (1), se promenant dans les belles
allées de Versailles ou de Saint-Germain, à la façon des grands philosophes
de la Grèce, au milieu d'un cortège d'admirateurs et de disciples. Dans ce
groupe, figuraient Pellisson, l'abbé Fleury, La Bruyère et un Jeune homme
de vingt-cinq ans, beau, noble et dans la première fleur d'une renommée
naissante : l'abbé de Fénelon....
Esquisser un rapide parallèle entre le génie, la carrière et les oeuvres de Bossuet et de Fénelon.

«
de contrastes! Fierte du gentilhomme et humilite du, prkre, une part de
chimere et beaucoup de sens pratique, une souplesse quasi feminine et une
force toute virile, une douceuf inSinuante et parfois, n'en deplaise au pre
jugs, une vehemence presque durel » Enfant du Midi et d'une famille aristocratique, it unit aux goats &heats de sa classe la riante imagination
de sou pays.
L'education, qui ne l'a guere contraint, laisse entieres, dans
son ame de pretre et de poke, une tendre sensibilite, une inclination a
l'independance, qui furent son, charme et son cote vulnerable, la source
de ses disgraces pendant sa vie, et, aujourd'hui, l'occasion de reproehes
amers, et souvent injustes.
Bossuet et Fenelon n'ont guere de commun, d'une part, que la beaute du
genie et la noblesse des sentiments; de l'autre, les fonctions d'un royal, pre- ceptorat: Uri premier fait digne de, reinarque, c'est que ces deux grands
hommeg'sont comnie saisis du melte tremblement devant la perspective d'un
roi keirer, d'un roi qui doit, suivant l'un, continuer les traditions de Louis
le Grand, et ,qui, selon l'autre, n'a rien de mieux faire qu'a porter remede
aux vices caches sous cette gloire.
Tons deux se refont d'abord gives' pour
etre plus chgnes d'etre ma ties; puis ils composent une serie d'ouvrages oft
se traduisent leurs theories d'eciticatiOn intellectuelle et morale.
La appa-
raissent.
des oppositions et des contrastes.
C'est au nauplun que Bossuet consacre et &die le Traite de la Connati-
sance de-Dieu et de soi-meme, la Politique selon rEcriture, le Discours sur
rilistoire universelle, ouvrages d'un philosophe et qui ont fait l'admiration
de la postCrite, mais qui demeurerent incompris de celui a qui Es kaient
destines.
La metaphysique n'a rien de plus elev.& la philosophie de l'histoire
rien de plus hardi, la politique rien de plus decidement autoritaire.
Nous devons au duc de Bourgogne les Fables et les ApoIogues, oa Fenelon
s'ingenie a rendre sensibles lei premieres notions de la morale; les Dialogues des worts, qui dramatisent les grandes legions de l'histoire; le Telemaque
qui, sous sa forme romanesque, dolt offrir au royal eleve un ideal du sou-
verain et; dans la constitution de Salente, le tableau d'une France a refaire;
le Traite de l'Existence de Dieu enfin, cal tout est effusion et amour, on les
raisonnements se penetrent de tendresse et se resolvent dans la belle prier&
de la seconde partie, qui semble etre un prelude des Meditations de La-.
martine.
La methode pedagogique de Bossuet est d'un penseur; it en a exposé le
plan dans l'admirable Lettre a Innocent XI, 1 traits complet des etudes fait
par un homme de genie ».
Le systeme employe par Fenelon n'a Hen de dopnatique : ii verse a pleines mains les tresors de son imagination; it se-
durt, captive son eleve, comine it en usa envers tous ceux qui l'approcherent.
Il entre dans son esprit et dans son cceur par /a persuasion, l'autorite et d'ingenieux expedients de reprimandes; et du due de Bourgogne, violent,
orgueilleux, indomptable et terrible, ii &gages le prince aimable et bon
dont la mort prematuree fut un deuil universel.
Quels contrastes entre ce prince et son pere! Les lettres de Bossuet nous
apprennent tenths les tortures de sa lutte contre l'ineptie de son eleve.
II
souffre, non dans son amour-propre, mais dans son amour pour la France.
Et quand, apres dix ans de soins, it n'a rien obtenu de ce qu'il voulait, it
s'ecrie :
« Seul, je pourrais le defendre; mais le monde! les exemples! les
flatteries! les courtisans! 0 mon Dieu, sauvez-le! sauvez-moi! » Le due de
Bourgogne ne voulut jamais etre appele, par Fenelon, que mon petit prince; le Dauphin ne visita qu'une seule fois Bossuet a Meaux, le temps de souper
et de coucher a l'eveche...
Meaux, Cambrai! Quelles oppositions encore dans ces deux carrieres epis-
copates si remplies de vertus, exercees avec taut de zele pastoral! Partout les
succes et Padmiration accompagnent Bossuet.
A la cour, it avait travaille
an depart de Mlle de La Valliere et de Mme de Montespan : Louis XIV s'etait
incline devant lui; a Meaux, it demeure le conseiller ecoute, et c'est lui
que Pon appeile pour jeter sur les royales victimes de la mort, avec les
(lots de son eloquence, un dernier rayon de gloire qui doit les preserver de I'oubli.
Sur les dix-neuf annees de l'episcopat de Fenelon (1695-1714),
l'inflexible rigueur de Louis XIV en transforme seize en rigoureux exit.
A
ce prelat, qui avoue ne vivre « que par le cceur », defense est faite de
sorbs de son, diocese; defense a ses arms d'aller le von.
a Cambrai; defense
de prononcer son nom devant le roi.
de contrastes! Fierté du gentilhomme et humilité du prêtre, une part de· chimère et beaucoup de sens pratigue, une souplesse quasi féminine et une force toute virile, une douceur in~muante et parfois, n'en déplaise au pré jugé, une véhémence presque dure!» Enfant du Midi lill d'une famille aristocratique, il unit aux goûts délicats de sa classe la riante imagination de so_n pays.
L'éducation, qui ne l'a guère contraint, laisse entières, dans son âme de prêtre et de poète, une tendre sensibilité, une inclination à I'indépenclanee, qui furelilt son, charme et son côté.
vulnérable, Ja source de ses disgrâces 1?endant sa vie, ·et, aujourd'hui, l'occasion qe .reproches amers, et souvent mjustes.
Bossuet.
et Fénelon n'ont guère de comn:mn, d'une part, que la beauté 'du génie ët.
.la noblesfoe des sentiments; de l'autre, les fonctions d'UIJ.
fdyal pré ceptm'a~ Uri.
.premier fait digne de, r~emarque, c'est que c-es deux grands 'hommes sont comme 'saisis.
du même tremblement devant la perspective d'un roi.
à élèv.èr, d'un roi qui doit, suivant-l'un, continuer les traditions Cie Louis le Grali(J,-.et .qui', selon l'autre, n'a 'rien.
de mieux.
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