BORNE Alain : sa vie et son oeuvre
Publié le 18/11/2018
Extrait du document


«
Vincensini
un manuscrit au titre presque trop transpa
rent, la Dernière Ligne.
Quelque temps plus tard, comme
par hasard, sa voiture s'écrase contre l'arrière d'un
camion, non loin de Montélimar, où le poète résidait et
où il avait vécu sa jeunesse.
Peu importerait, au demeu
rant, si chaque ligne de l'œuvre d'Alain Borne ne disait
ce désir de se déprendre de la vie, de se retirer pour
s'anéantir, pour disparaître d'un monde où jamais, si ce
n'est dans l'enfance, peut-être, il ne parvient à trouver,
au-delà des réussites matérielles.
intellectuelles, affecti
ves qu'il refuse lorsqu'elles s'offrent, une place où
demeurer.
On envisage donc mal qu'il eût pu mourir
ailleurs que « sur la route >>.
Malheureusement, cette
route énigmatique où, égaré, il erre, ne débouche que sur
Je rien: «plus j'avance et plus m'échappe le chiffre
de l'énigme et plus l'énigme m'est dérisoire» (Encore,
1959).
«Dans Je château illuminé dans l'attente du bal >>
de cet autre Grand Meaulnes, dans le jardin solitaire et
glacé que hantent les ombres de jeunes vierges irréelles,
derrière la grille rouillée du parc fardé de trop de fleurs,
il est toujours trop tard, la blessure semble de toujours,
que le songe, en vain, cherche à cicatriser (Cicatrices de
songes, 1939).
Car le réel fuit Alain Borne, à moins qu'Alain Borne
n'esquive le réel devant lequel il achoppe lorsqu'il tente
- rarement -de l'affronter.
Son univers, peuplé de
fantômes, refu e toute reconnaissance de corps, toute
respiration d'air apaisant, toute naissance du jour.
Au
point que l'on peut soupçonner celui que l'on a parfois
considéré comme l'un des grands poètes de J'amour
d'avoir tout fait pour ne pas quitter l'abandon de son
âme, pour ne pas rencontrer le bonheur, en sorte que la
promesse d'amour, inlassablement, s'invalide, et qu'au
cune dénégation ne réussit à dissimuler la peur, voire le
refus du contact charnel :
Le temps est venu de pre ndre le corps de la femme, sors-la
de ses vêtements et ne sois pas trist e de la voir parmi eux
ainsi qu'une chenille su r une ro se .
Et toi, larve, sors aussi de tes feuill e s , sois nu, c'est l'ins
tant : enfonce ton plaisir dans ce ravin, mords le bégaie
ment, touche les sources du lait.
(Demain la nuit sera parfaite, 1954)
Sans doute, n'écrit-on jamais que sur une absence.
Mais le drame d'Alain Borne se cerne, d'abord, du fait
que les mots, par-delà toute métaphore, ne font pas illu
sion, restent des mots, que de dire : > ne fait
rien se lever, m: comble rien, que le poème n'est, ne reste
que mots sur 1 'absence, ce qui, bien entendu, l'invalide :
Que m'importe que dans mon poème ton corps
soit un sole il en fo rme de femm e
si ton corps ·:le glaise et de sang
reste aussi loin que l'astre dont je te pétris.
Que m'importe le poème
s'il n'est que mots sur l'absence.
(Treize, 1955)
Aussi voit-on, de recueil en recueil, Je lyrisme d'Alain
Borne.
teinté d'un mysticisme tragique («Un Dieu, très
lent, cruel, hagard, décidé, écrasant ses vendanges » ),
mais d'abord foisonnant, luxuriant comme les terres de
l'enfance qu'il espère encore rejoindre, et très proche du
surréalisme (cf Neige et vingt poèmes, 1941; Terres de
l'été, 1945; Poèmes à Lislei, 1946; l'Eau fine, 1947),
se resserrer peu à peu, s'atrophier, comme si les mots
eux-mêmes se raréfiaient, auxquels il devient totalement
impossible de s'ancrer, si peu longtemps soit-il (En.
une
seule injure, 1953; Or1ies, 1953; Adresses au vent, 1957,
et les recueils posthumes les Fêtes fanées et le Plus Doux
Poignard) : «Je sais que tout est néant.
Mais j'aime ce
néant et je le chante.
»
Chanté lui-même par Aragon, dans les Yeux d'Elsa,
dès la parution de son premier recueil, salué par Char
comme un compagnon, Alain Borne, peut-être parce qu'étranger
à toute école et délibérément provincial, est
resté relativement méconnu, puis a été presque oublié.
Cette mise à l'écart semble cependant révolue : on édite
aujourd'hui ses Œuvres complètes.
BlBLIOGRAPHIE Les Œuvres poéti ques complètes (I et TI) d'Alain Borne ont
été publ iée s par les
Ed.
Curandera (1980-1981 ).
Les pre m iè res
éditions des recueils som dispersées chez Seghers.
Laffont, Gal
l i ma rd , Roug erie , Chambelland ou Club du poème et au x Éd.
Saint-Germain-des-Prés.
On co nsu lte ra le n• 25 de la revue Poé sie /, qui est entière
ment consacré à Alain Borne, et on lira l'érude de Pau l Vincen
sini, parue dans la co llecti o n «Poète s d'a ujo urd 'h ui >>, chez
Seghers.
Voir aussi le n• 56-57 de la revue Sud (1985).
L.
PINHAS.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Vie et oeuvre d'ALAIN
- JOUFFROY Alain : sa vie et son oeuvre
- GRANDBOIS Alain : sa vie et son oeuvre
- ROBBE-GRILLET Alain : sa vie et son oeuvre
- BOSQUET Alain : sa vie et son oeuvre