BOILEAU: CRITIQUE LITTERAIRE
Publié le 27/06/2011
Extrait du document
On affirme que Boileau est notre premier critique littéraire : « On Savait guère vu, écrit Gustave Lanson, un homme se donner mission de dire au public ce qu'il devait penser des écrivains et des œuvres... Faire du bruit et faire du mal, c'est en deux mots la définition de la critique avant Despréaux. Il fut, lui, un vrai critique, et le premier, en exceptant toutefois l'abbé d'Aubignac. « Il y a beaucoup à redire là-dessus. Boileau est-il un vrai critique, c'est-à-dire un juge qui prononce en vertu d'un code d'idées ou d'un goût éclairé ? N'y a-t-il pas chez lui, au début de sa carrière tout au moins, un écrivain qui cherche à « faire du bruit et faire du mal « ? N'existe-t-il pas avant lui, en dehors de l'abbé d'Aubignac, une critique littéraire qui n'est pas aboiement de rival ou entreprise de chantage ? Ne s'est-il pas seulement appliqué avec plus de continuité, avec peut-être plus de sincérité et de franchise, et certainement avec plus de bonheur, à une tâche qui était celle de maint écrivain français depuis Malherbe ?
«
C'est un esprit sans envergure, formaliste, au goût hésitant.
Mais il a tenu de la place en son temps.Saint-Evremond est à part.
C'est le contraire d'un cuistre.
Grand seigneur amateur de lettres, il est libre de touteprévention ; il a digéré ses lectures ; il est apte à philosopher ; il aime les idées générales, appuyées surl'expérience.
Son intelligence est vive et son caractère intrépide.
Il est détaché des coteries.
Son goût original, sonesprit railleur, son style alerte font de lui le grand critique du siècle et l'établissent au-dessus de Boileau même.
Maisson œuvre est discontinue, peu abondante et, mal connue des contemporains, elle a eu peu d'action.Cette rapide recension de la critique au XVIIe siècle suffit pour montrer toute l'injustice de l'opinion qui fait deDespréaux « le premier écrivain à se faire conseiller du public dans le jugement des écrits et à entreprendre, sanspassion personnelle, pour de pures raisons de goût, de démolir ou d'élever les réputations littéraires ».
Boileau n'estpoint sans passion personnelle ; Chapelain avant lui a conseillé son temps ; d'Aubignac n'a pas été plus partial : lavraie critique littéraire était pratiquée bien avant qu'elle n'apparût dans les Satires.Boileau a créé, ou à peu près, la satire littéraire, non la critique littéraire.
La première ne fait qu'attaquer ; ladeuxième juge.
L'une dit : ceci est mauvais ; l'autre doit dire pourquoi.
Celle-ci peut être incluse en celle-là ; cen'est point une obligation.
Mais Boileau a-t-il vraiment fait office de critique dans les Satires ? Lanson n'en doutepas, puisque le satirique est pour lui à l'origine du genre.
D'autres refusent aux Satires toute valeur critique.
Lesdeux affirmations nous paraissent excessives.On a raison de remarquer que Despréaux souvent prononce des arrêts à peu près dépourvus de considérants :
Faut-il d'un froid rimeur dépeindre la manie ?Mes vers comme un torrent coulent sur le papier.Je rencontre à la fois Perrin et Pelletier...(Sat.
VII)
Si je pense exprimer un auteur sans défaut, La raison dit Virgile et la rime Quinaut.(Sat.
II)
C'est ainsi qu'il exécute les « froids rimeurs » : Perrin, Pelletier, Bardou, Mauroy, Boursault, Fr.
Colletet, Fran-cheville ou Titreville ; les prédicateurs sans succès : Cotin et Cassagne ; les pédants qui font les galants : l'abbé dePure et Ménage ; l'ennuyeux Le Pays ; ceux qui n'ont que le tort d'écrire dans un recueil qu'il n'aime pas, commeMontreuil.
Deux fois, l'attaque est un peu plus précise : dans le Discours an Roi, si Charpentier est d'abordsimplement traité de fat, on l'accuse ensuite d'avoir heurté les bienséances en habillant trop richement une églogue; dans la Satire III, le poète nous fait entendre que La Serre n'est point un auteur charmant, que son style poétiqueest sans beauté, sa prose rocailleuse.
Deux ou trois fois la satire reste même sur le terrain des mœurs ou ducaractère : pour Pelletier ou G.
Colletet, à qui Boileau reproche leur gueuserie ; pour son frère Gilles, à qui il en veutde flatter les puissants.Il n'y a que quatre écrivains qui font le sujet d'une vraie critique d'ordre littéraire dans le recueil de 1666.
Chapelainest d'abord condamné sommairement : « fléchir sous Chapelain », « rimeur tutélaire » (Sat.
I).
Ce qui est enquestion, c'est son rôle de « dictateur aux lettres ».
Pourtant le même poème contient une attaque différente àpropos de la Pucelle.
La Satire VII parle avec plus de précision des vers « forcés » de cette épopée ; la IVe estencore plus nette :
...ses durs vers d'épithètes enflés......ces vers et sans force et sans grâces,Montés sur deux grands mots comme sur deux échassesCes termes sans raison l'un de l'autre écartés,Et ces froids ornements à la ligne plantés...
Ménage, dans la Satire II, est d'abord l'objet d'un trait sans conséquence.
Mais plus loin, nous trouvons une critiqueassez nette de son Eglogue intitulée Christine :
Encor si, pour rimer, dans sa verve indiscrèteMa Muse au moins souffrait une froide épithète...Si je louais Philis en miracles féconde,Je trouverais bientôt : à nulle autre seconde ;Si je voulais vanter un objet non pareil,Je mettrais à l'instant : plus beau que le soleil...
Gilles Boileau, dans son Av\s à Ménage, s'était déjà moqué de ces clichés : ici encore Nicolas est écolier.La même satire harcèle Scudéry pour son intempérante fécondité, ses extravagances, son manque de goût, sonstyle languissant.
La Satire III se moque des lecteurs du Grand Cyrus.Quinault, traité d'abord par ironie d'« auteur sans défaut », voit critiquer son Astrate avec quelque précision : c'estune tragédie mal faite ; l'action y manque de continuité ; l'épisode de l'anneau est invraisemblable (Sat.
III)..
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