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BERNARD Tristan : sa vie et son oeuvre

Publié le 18/11/2018

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BERNARD Tristan, pseudonyme de Paul Bernard (1866-1947). Écrivain, né à Besançon. D’abord avocat à Paris, il fut directeur d’une usine d’aluminium à Creil, puis du vélodrome Buffalo, à Montrouge. Ses premiers textes parurent en 1891 dans la Revue blanche, qui publia en 1899 son roman les Mémoires d’un jeune homme rangé, et dans l’En-dehors de Zo d’Axa, où écrivent Mirbeau et Saint-Pol Roux. Son œuvre dramatique, commencée en 1895 avec les Pieds Nickelés, illustre à merveille les théories de son contemporain Bergson (le Rire, 1899). Évoluant du vaudeville à quiproquos à la comédie de mœurs, elle tire son efficacité comique du contraste entre le mécanique et le vivant, le comportement social attendu d’un personnage et celui qu’induisent sa situation « réelle » ou son caractère : interprète d’hôtel qui, en fait, ignore tout des langues étrangères (l’Anglais tel qu’on le parle, 1899); fiancé malgré lui, cherchant à fuir sa prétendue (Triplepatte, 1905); bourgeois respectable que sa passion des affaires acoquine avec une cocotte (Monsieur Codomat, 1907); garçon de café à qui un héritage permet de mener dans le « civil » une vie de millionnaire (le Petit Café, 1911); nouveau marié profitant de son voyage de noces pour vendre des goudrons (Jules, Juliette et Julien, 1927). Ni dédoublement ni duplicité, mais simplement un « engrenage de

« circonstances » qui contraint l'individu à sortir d'un rôle sans qu'il ait le courage d'en inventer un autre, à flotter dans une sorte d'indétermination : on reste marié (Mémoires d'un jeune homme rangé).

La durée de vie de ces pantins naïfs ou ridicules, célèbres dont le pessimisme ironique («L'homme n'est pas fait pour Je travail, la preuve, c'est que ça le fatigue>>) touche parfois au sublime.

Emprisonné comme juif en 1943, T.

Bernard eut cette formule : «Nous vivions dans la crainte, nous vivrons maintenant dans l'espoir >>.

Le rire de l'humoriste qui avait fait s'esclaffer la Belle Époque devenait ainsi l'ultime défense de l'homme seul face à tous les totalitarismes.

BIBLIOGRAPHIE Q uelq ues rééditions réc en te s.

- Théâtre choisi, 2 vol ., Paris.

Calmann-Lévy, 1966: Tristan Bernard en verve (morceaux choi­ sis).

prés.

F.

Caradec.

Paris.

Hora y , 1971; Amants et voleurs.

Paris, Rombaldi, 1975; Contes de Pantruche er d'ailleurs.

Paris.

Garnier.

1979.

A consulter.

-J.-J.

Bern ard , Mon père Tristan Bernard, Paris, Albin Michel, 1955; P.

Blanchart, Tristan Bernard, son œuvre, P ar is , Éd .

de la Nouvelle Revue cr itiq ue , 1932 (comporte une bibliographie de l'œuvre à cene date); Olivier Merlin, Tristan Bernard ou le Temps de vivre, Calmann-Lévy, 1989.

J.-P.

DE BEAUMARCHAIS BERNARDIN DE SAINT-PIERRE Jacques-Henri (1737-1814).

Ses admirateurs l'ont sans doute plus des­ servi que ses détracteurs.

Ils ont réduit une production complexe et hétérogène à un seul récit, Paul et Virginie, et fait de ce H:xte un conte moral aux couleurs de chromo et aux situations saint-sulpiciennes.

Des autres œuvres, on ne retenait qu'un finalisme affligeant qui découpait le melon en tranches pour aider les pères de famille dans leur partage.

L'opération assurait le succès du roman dans la France bien-pensante, qui en multiplia les édi­ tions, mais elle risquait de faire du livre l'expression d'une société paternaliste et cléricale.

Elle compromet sa lecture aujourd'hui.

L'ensemble de la production de Bernardin, connue à travers l'arrangement suspect qu'en a fait Aimé Martin au début du xrx• siècle, reste à découvrir.

La recherche d'une place L'homme a de quoi déplaire.

Il hérita d'une prétention à la noblesse, sans la fortune qui lui aurait permis de la soutenir.

Il parvint à imposer à la postérité la transforma­ tion de son patronyme Saint-Pierre en un plus aristocra­ tique Bernardin de Sctint-Pierre, mais il indisposa long­ temps ses contemporains par ses requêtes, quémanderies et ce qu'Anatole France nomme son «humilité impé­ rieuse».

Sa jeunesse d'enfant né au Havre se partagea entre les études et J'aventure maritime qui le mena à douze ans à la Martinique, entre J'aisance et la misère.

Fort de son titre de chevalier, de son savoir d'ingénieur des Ponts et Chaussées et de ses projets foisonnants, il frappa à toutes les portes et bourlingua, dans des postes variés, du régiment du comte de Saint-Germain, durant la campagne d'Allemagne, à l'île de Malte; de la Hol­ lande à la cour de Catherine II, de la Pologne à 1 'île Maurice, alors île de France.

Moins que des expériences, il semble accumuler durant ces années rancœurs et res­ sentiments.

Nulle part, il ne fut reconnu ni ses multiples projets de réforme pris au sérieux.

La célébrité lui vint par la littérature, non pas de son premier livre, lç Voyage à l'île de France, publié en 1773, mais des Erudes de la nature, qui parurent de 1784 à 1788 et furent accueillies par des applaudissements dans les milieux antiphilosophiques.

Les advelfsaires des encyclopédistes virent en Bernardin leur champion, qui collectionna dès lors gratifications et pensions.

Paul et Virginie, publié à la fin des Études, remporta un large succès dans Je public.

Après le temps des épreuves était venu celui des honneurs.

Sensibles aux accents antiescla­ vagistes de 1' œuvre, les gouvernements révolutionnaires nommèrent l'écrivain, qui avait perdu ses pensions de l'Ancien Régime, intendant du Jardin des Plantes en 1792.

professeur de morale républicaine à l'École nor­ male supérieure en l'an III, membre de l'Institut dès sa fondation.

Napoléon à son tour tenta d'annexer Bernar­ din, mais, prudent, celui-ci préféra gérer sa fortune et sa renommée.

Il épousa la fille des imprimeurs Didot, appela ses enfants Paul et Virginie, exploita le succès du roman en organisant une souscription pour une édition de luxe, augmentée d'un préambule inédit et illustrée par Girodet, Moreau le Jeune et Prud'hon.

Mais il ne parvint pas à empêcher les éditions pirates.

Il s'identifia au sage vertueux et solitaire dont il avait véhiculé l'image.

A la dispersion géographique du jeune homme en mal de carrière s'oppose un repli, savamment publicitaire, sur quelques arpents de terre.

La recherche d'un style Le Voyage à 1 'fie de France appartient à la littérature des voyages qui prospère au xvm• siècle, mais il fait également la critique du genre.

Tandis que les voyageurs des Lumières, confiants dans la connaissance et le com­ merce, s'empressaient de mesurer le monde, d'accumu­ ler les renseignements sur chaque lieu et d'exporter la civilisation occidentale, Bernardin hésite entre les char­ mes du dépaysement et une nostalgie qui valorise la mère patrie, entre la constitution d'un savoir positif et l'abandon à la sensibilité.

L'information scientifique voisine avec la critique d'une science incapable de voir la main de Dieu derrière la beauté des choses.

De telles contradictions expliquent la discontinuité du texte et l'émergence d'un style neuf qui, au détail concret de l'observateur scientifique, mêle l'impression de l'homme sensible.

L'auteur du Voyage prépare sa palette, essaie des couleurs et des I)Uances que notre littérature ignorait et que révèlent les Etudes de la nature.

Les paysages ne sont plus prétexte à expérience scien­ tifique et à exploitation économique, ils donnent d'abord à voir une providence et parlent à l'âme.

A une histoire naturelle qui décompose et isole les éléments, Bernardin oppose une approche globale de la nature comme un tout indivisible, tissé d'harmonies, de convenances et de proportions.

De la description objective on glisse au souvenir personnel, de l'hypothèse théorique à l'effusion lyrique.

Le modèle privilégié de cette écriture nouvelle est Jean-Jacques Rousseau, dont Bernardin se vante. »

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