BENOÎT DE SAINTE-MAURE : sa vie et son oeuvre
Publié le 18/11/2018
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BENOÎT DE SAINTE-MAURE (xiie siècle). Clerc tourangeau (Sainte-Maure est une localité située entre Tours et Poitiers), Benoît de Sainte-Maure fait partie de la nuée d’intellectuels et d’hommes de lettres qui gravitait autour d’Henri II Plantagenêt. C’est à la cour de celui-ci qu’il composa, aux alentours de 1165, le Roman de Troie (le plus long des romans antiques avec ses 30 316 octosyllabes) qui comporte un vibrant éloge d’Aliénor d’Aquitaine [Troie (roman de)]. Il est possible qu’avec ses prédécesseurs, le Roman de Thèbes et le Roman d'Eneas , le Roman de Troie constitue un énorme prélude au Roman de Brut ou Geste des Bretuns de Wace et fasse ainsi partie de la préhistoire de la maison des Plantagenêts. En effet, ces trois romans antiques ont pu revêtir pour la maison anglo-normande une valeur politique en s’opposant aux prétentions des rois de France qui se réclamaient d'ascendances troyennes : on sait qu’Eneas, troyen, est le grand-père du Brutus de Geoffroy de Monmouth (le Brut, de Wace).
A la différence des auteurs de Thèbes et d'Eneas qui s’appuient sur d’illustres sources littéraires, la Thébaïde et l'Enéide, Benoît préfère avoir recours à deux récits alors considérés comme véridiques :
«
[voir
ENEAS et THÈBES (roman de)].
le Roman de Troie
constitue un énorme prélude au Roman de Brur ou Geste
des Bretuns de Wace [voir WACE] et fasse ainsi partie de
la préhistoire de la maison des Plantagenêts.
En effet,
ces trois romans antiques ont pu revêtir pour la maison
anglo-normande une valeur politique en s'opposant aux
prétentions des rois de France qui se réclamaient d'as
cendances troyennes : on sait qu'Encas, troyen, est le
grand-père du Brutus de Geoffroy de Monmouth (le Brut,
de Wace).
A la différence des auteurs de Thèbes et d' Eneas qui
s'appuient sur d'illustres sources littéraires, la Thébaïde
et l'Enéide, B1:noît préfère avoir recours à deux récits
alors considéré> comme véridiques : le De excidio Trojae
Historia, du Phrygien Darès (vt• siècle a p.
J .-C.), et
l' Ephemeris bt-lli Trojani, du Crétois Dictys (tv• siècle
ap.
J.-C.).
Darès et Dictys auraient été tous deux des
témoins oculaires des événements, le premier chez les
assiégés, le sec:ond dans le camp des Grecs.
La caution
de ces deux relations pourtant fort sèches lui paraît préfé
rable à celle d'Homère; ce choix relève d'une préoccupa
tion d'historier ..
La plus grande partie de ce roman consiste en une
succession de batailles interrompues par des trêves et
des scènes de c·onseil, mais Benoît ne fait pas que déve
lopper, d'une manière qui fait encore songer aux chan
sons de geste, les maigres indications de ses sources.
Il
a enrichi son canevas de nombreuses additions où il
manifeste une profonde érudition et une réelle inspira
tion romanesque.
Parmi ses apports les plus notables, il
faut évoquer ce qui relève du registre amoureux.
Plus
que les auteur; de Thèbes et d' Eneas.
Benoît exploite
jusqu'à l'extrême les diverses virtualités que peut pré
senter la relation amoureuse.
Dans le Roman de Troie,
l'amour peut •!tre décrit à ses débuts.
lorsque Medea
s'éprend de Jamn.
Ce peut être une passion réciproque
comme celle qui unit Paris à Heleine, et finalement Bri
séida à Diomedès, mais il peut décevoir (Briséida trahit
Troïlus) et mëme être tragique et fatal comme celui
d'Achillés pour Polixena.
La peinture de l'amour est à
la fois influencée par Ovide et par certains éléments
propres à la fin' a mor.
Mais en même temps, cette œuvre
aux dimensions colossales possède un caractère encyclo
pédique avec, ·J ar exemple, la description de l'Orient et
des Amazo nes.
Benoît ne manque pas une occasion de
faire étalage de ses connaissances en matière historique,
géographique, cosmologique.
Il accorde en même temps
une place très importante au surnaturel et à l' extraordi
naire : les éléments magiques pour Medea, la présence
du « Saietaire , au combat, les « merveilles >> comme la
« Chambre de Beautés» avec ses automates, le tombeau
d'Hector.
La vogue dt: Roman de Troie est attestée pendant tout
le Moyen Age, et son succès fut immédiat puisqu'il valut
à Benoît de supplanter Wace comme historiographe de
la dynastie anglo-normande.
Wace avait été chargé en
1160 d'écrire l'histoire des ducs de Normandie, qui
deviendra la Geste des Normans connue sour le nom de
Roman de Rou.
En 1174, il doit céder sa place de poète
de cour à Benoît de Sainte-Maure, dont le style plus
raffiné est désormais à la mode.
Dans sa Chronique des
ducs de Normandie rvoir CHRONIQUES MÉDIÉVALES),
Benoît s'inspire à son tour des chroniques latines de
Oudon de Saint-Quentin et de Guillaume de Jumièges,
ainsi que d'Orderic Vital, de Guillaume de Malmesbury
et même de Wace.
Il développe et amplifie les données
de ses sources en romancier.
Cette œuvre gigantesque
(elle compte 44 544 octosyllabes) se termine à la mort
d'Henri 1•r, elle est donc inachevée.
L'hypothèse de
L.
Constans, qui se refusait à voir dans 1' auteur de la
Chronique celui du Roman de Troie, doit être abandon
née, après les travaux de C.
Fahlin.
Benoît sait d'ailleurs faire
preuve de son talent de romancier pour donner vie
et couleur à un ouvrage plus explicitement historique
pour nous que le précédent, où il lui arrive à plusieurs
reprises de s'exprimer en courtisan en faisant le panégy
rique de son souverain.
On retrouve dans la grande intro
duction de cene Chronique la démarche encyclopédique
déjà sensible dans le Roman de Troie, les deux œuvres
de Benoît illustrant l'indissociabilité de J'histoire et du
roman au xu• siècle.
[Voir aussi ROMANS ANTIQUES].
A.
PETIT.
»
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