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BECKETT Samuel : sa vie et son oeuvre

Publié le 18/11/2018

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beckett

BECKETT Samuel (1906-1989). L’œuvre de Beckett est une œuvre-limite. Elle s’avance dans une totale solitude : elle ne semble hériter de rien, n’a ni voisinages ni épigones. Elle ne vient de nulle part. Elle ne cesse de tarauder un espace infime, totalement clos sur lui-même, saturé et bouclé, et pourtant elle est d’une densité étonnante : nouvelles, romans, pièces de théâtre, montages de radio, cinéma, textes pour magnétophone... Paradoxalement, c’est l’œuvre la plus commentée de ce siècle, mais c’est aussi une de celles qui font porter la plus grande suspicion à l’égard de la démarche critique et des mécanismes de l’interprétation. Ce long et rigoureux sabordage lui confère peut-être sa seule vraie portée : celle de l’humour. Vouloir la commenter sans la trahir consiste donc, à l’arpenter le dos tourné à toutes les herméneutiques. Fidèle aux migrateurs beckettiens, la lecture doit ainsi se laisser porter au fil d’un certain vagabondage.

Un « lamentable gâchis »

 

La vie de Beckett est elle aussi une longue dérive. Naissance en 1906 dans la petite bourgeoisie protestante de Dublin, enfance feutrée, adolescence studieuse, et pourtant, déjà, cette intuition d’être « peu doué pour le bonheur »... C’est que l’Irlande natale, avec sa langue et son décor, est trop étouffante. Très tôt, Beckett fuira donc le nid familial : à vingt-deux ans, en 1928, on le retrouve à Paris, où il devient lecteur d’anglais à F École normale supérieure. Commence alors une longue amitié avec Joyce, dont les livres ne cesseront plus de l’interpeller. A cette époque, il découvre aussi Descartes, Arnold Geulincx, Giordano Bruno, Vico, Proust. Tout cela avec le même enthousiasme que celui qui lui avait fait dévorer Dante, pendant l’adolescence.

 

Après deux années de vie parisienne, c’est le retour à Dublin, et le début des années noires. Beckett se sent de plus en plus mal dans sa peau, il ne parvient pas à se sédentariser, épuise son temps à « partir » (France, Allemagne : toute sa vie, il aura ainsi la bougeotte). De 1933 à 1937, le voici à Londres : c’est là qu’en pleine misère, il s’attaque à Murphy. Refus des éditeurs. « Maintenant, je me détériore avec la plus grande rapidité », dira-t-il de cette période.

 

La veille de la Seconde Guerre mondiale, Beckett est à Paris. Pour échapper à la Gestapo, il s’enfuit dans le Vaucluse, où il compose un autre récit, Watt. L’après-guerre correspondra à la plus intense phase de création. Coup sur coup, il écrit en français sa grande trilogie romanesque : Molloy, Malone meurt et l’Innommable. Aux Éditions de Minuit, Jérôme Lindon est séduit. Beckett semble pouvoir enfin sortir de son enfer. Entretemps, fin 1948, il se met au théâtre, écrit En attendant Godot, qui sera monté cinq ans plus tard par Roger Blin avec le succès que l’on sait. Pour Beckett, une seconde vie commence : il lui faudra désormais échapper sans cesse à son mythe et à sa célébrité. Les choses vont alors très vite : première de Fin de partie et de la Dernière Bande à Londres en 1957-1958, Oh les beaux jours à New York en 1961, puis un foisonnement de textes entre 1960-1970, le tout couronné par le prix Nobel en 1969. Malgré le succès, Beckett restera un étranger, tournant le dos à sa vie, « lamentable gâchis ».

 

Quant à l’œuvre, elle n’est qu’une tache sur le silence, comme il l’a dit. Depuis le ressassemcnt étouffant des premiers récits jusqu’aux borborygmes des derniers textes, Beckett n’a pas cessé de radiographier la misère humaine. Mais cette plongée a connu des avatars bien différents, dont il faut préciser les principales étapes.

 

Le cycle romanesque : le fiasco de la parole

 

Le premier volet de l’œuvre, qui va des années 1935 au seuil des années 1950, est aussi le plus impressionnant, celui qui descend sans doute le plus profond dans cette archéologie de la débine qu’est l’écriture becket-tienne : il s’agit des textes romanesques. Une demi-douzaine de récits, à mi-chemin entre la nouvelle et le roman. Beckett les a écrits alors que son existence oscillait entre la misère et l’exil intime. Exil au large de l’Irlande natale d’abord, exil de la langue maternelle ensuite, et, surtout, exil de l’intérieur, comme si l’écrivain était chassé de lui-même. Cette déportation commence avec Murphy, écrit en anglais pendant les années noires. C’est un récit lacunaire, qui nous montre un reclus prisonnier de la Cité et de ses mirages. Enfermé dans un asile psychiatrique où il attend la mort, Murphy, qui est « né-re:raité », s’irréalise peu à peu du monde des vivants. Il s’installe alors dans une posture qui reviendra très souvent chez Beckett : la position fœtale, cette « supination » où l’être revêt soudain l’aspect d’une larve. Murphy est donc le livre du solipsisme intégral, et si nous ne sommes qu’aux tout premiers moments de l’œuvre, celle-ci pourtant semble déjà close, définitivement close. C’est cela, Beckett : un achèvement qui n’en finira pas.

 

Les deux romans qui suivent, Mercier et Camier et Watt, ne feront qu’amplifier la déréliction. Watt est la chronique fantasmatique d'une dérive clochardesque. On y suit un « tortigrade emballé » qui déblatère d’interminables litanies afin de meubler le silence et de saturer une réalité devenue insensée. Quant à Mercier et Camier, il faut y voir l'odyssée aberrante d’un couple déchiré qui parle, parle et parle encore pour ne pas mourir : pour Beckett, le langage est le seul matériau capable de boucher ces chiffes vides que sont le corps et l’esprit, le seul qui puisse en colmater les trous. Comme si les mots n’étaient plus les instruments du sens ou de la communication, mais une sorte d’hypertrophie du gâchis existen

 

tiel. Une hypertrophie qui sape la parole à son fondement pour la liquider en parlotes, bavardages et babils; si le réel n’est pas rationnel, au moins est-il saturable.

 

Voilà donc plantés les décors pour que puisse s’écrire la grande trilogie romanesque : Molloy, Malone meurt et l'innommable. Plus acculée que jamais à l’aporie généralisée, c’est une voix ininterrompue qui parle ici, à la première personne désormais. Et, à ce moment précis où Beckett rencontre le «je », face au miroir, il se trouve définitivement expulsé de cet ego qui constitue la sécurité de toute littérature. Aussi, derrière ce « je », faut-il entendre sourdre l’anonymat d’un « il » sans amarre : comme chez Rimbaud, les personnages assistent, impuissants, à leur propre éclosion, l’éclosion de la négativité en eux. La première personne n’a donc rien d’une maîtrise spectaculaire : c’est une aliénation, une écoute passive, un abandon à ça qui parle : « Quelque part on parle », dira plus tard le narrateur des Textes pour rien.

 

En ce sens, les récits de cette époque, d’un point de vue strictement textuel, sont d’une remarquable modernité : passage d’une littérature réaliste à une fiction sérielle, télescopage de la linéarité traditionnelle, écriture du fragment, utilisation des virtualités ludiques du langage, crise du narrateur et de son identité, rupture de l’économie générale du texte, qui va jusqu’à s’autoréfé-rer, multiples mises en abyme, écoute des voix neutres du dehors, exhibition des mécanismes de la production romanesque — Molloy, par exemple, est à la fois le héros d’une histoire et l’écrivain en train d’écrire cette histoire. Mais il y a plus encore. Ces livres mettent en scène la littérature en une zone frontière au-delà de laquelle il ne serait plus possible d’écrire. Paradoxalement, en accumulant les mots jusqu’à la dérision, ils célèbrent la mort de toute narration. « Dire je. Sans le penser. Appeler ça des questions, des hypothèses. Aller de l’avant, appeler ça aller, appeler ça de l’avant », tels sont les premiers mots de l'innommable, long monologue d’un sbire coincé dans sa jarre : l’échec comme procédé heuristique. Et, plus loin, on peut lire : « Cependant, je suis obligé de parler. Je ne me tairai jamais. Jamais. »

 

On comprend que l’œuvre de Beckett atteigne à ce moment-là son degré zéro : nous sommes dans les années 1950, et de cette époque datent aussi les Textes pour rien, le dernier maillon de la chaîne romanesque où le rien s’installe pour toujours. Maintenant, ce n’est plus seulement l’aventure humaine qui est invalidée, mais c’est aussi l’entreprise de raconter. La parole ne décrit pas le fiasco en le surplombant de sa cohérence sécurisante, elle est elle-même rongée, décapitée. Elle ne saurait être un séjour. Une seule issue : se laisser porter au hasard de ce langage auquel nous sommes condamnés. « Il faut dire des mots, tant qu’il y en a », lit-on dans l'innommable. Mais les mots n’ont plus cette extériorité qui assurait les bases de l’édifice littéraire, ils se retournent sur eux-mêmes, livrés lamentablement à leurs propres redondances. D’abord profération, l’œuvre devient accumulation, elle se voue maintenant à l’écoute. Une écoute médicale, stéthoscopique des micropulsations du dedans. Tout ne sera que répétition, ressassement, lambeaux de syntaxe, litanies interminables. Un disque rayé. Commencé avec Murphy en 1935 et poursuivi jusqu’aux Textes pour rien, le cycle romanesque ne peut pas aller au-delà. Non qu’il soit « accompli » ni achevé : il s’est irrémédiablement détruit.

 

La tentative orale

 

C’est alors au théâtre de prendre le relais, pour tenter de sortir de l’ornière. Après l’aventure écrite, l’aventure orale. L’œuvre connaît à ce moment-là une sorte de pause, et peut-être même de régression, par rapport à la violence du cycle romanesque. Avec des récits comme Molloy ou l'Innommable, le garde-fou spatio-temporel était radicalement fracassé, au point de donner à l’ensemble une structure schizoïde : espace démagnétisé, temps désorienté sous la fuite des mots. Le recours à la théâtralité permettra donc de recoller pour un instant les morceaux : la topologie stable de la scène est une reconquête spatiale, et le dialogue une adhérence appréciable au présent. Et puis le théâtre beckettien est un théâtre du couple. Vladimir et Estragon, dans En attendant Godot, Hamm et Clov dans Fin de partie, Willie et Winnie dans Oh les beaux jours, voilà autant de lueurs en direction d’une fraternité brièvement entrevue, chose qui eût été bien difficile à concevoir dans la solitude romanesque. Cela dit, ce théâtre reste noir, somptueusement nocturne : le discours au présent est ici une illusion, et, quand on croit l’avoir enfin capturé dans les rets d'une dramaturgie salvatrice, on se rend vite compte qu’il s’enferme en une rigoureuse tautologie. Au lieu de déboucher sur une présence, il s’engloutit dans l’absence.

 

Ainsi, En attendant Godot, construit sur une série de matrices circulaires, s’abîme parmi les échos d’une temporalité immobile. Même perversion du support espace-temps dans Fin de partie. Quant à une pièce comme Oh les beaux jours, elle vient à son tour rebondir sur cette parole impossible où s’était fracassée la tentative romanesque : comme dans l'Innommable, Winnie et Willie n’auront plus qu’à s’abandonner au mouvement perpétuel d'un lexique déstructuré. Hurlant, haletant, il leur faudra ramper en suivant les sursauts d’une langue étranglée qui ricoche à l’infini : «Tout... ta-la-la... tout s’oublie... la vague... non... délie... tout ta-la-la tout se délie... la vague... non... flot... oui... le flot sur le flot s’oublie... replie... oui... le flot sur le flot se replie... », tel est le « récitatif » de Winnie.

 

Mais Beckett va faire un pas encore. Si le matériau de l’écriture (récit ou comédie) est consumé, au moins lui reste-t-il la voix. Une voix nue, dépouillée des vraisemblances existentielles. Une voix, des voix, toutes surgies d'une extériorité affolante. Rien à voir, on le devine, avec cette petite musique du dedans que certains ont voulu appeler la conscience. Aucun appel ici, aucune stéréophonie des profondeurs, mais tout simplement cette « inquiétante étrangeté » dont a parlé Freud : elle galope sur les surfaces vitrifiées de la monade. Écoutons la Dernière Bande : dans sa turne sinistre, Krapp débobine ses spasmes lamentables devant un magnétophone. Il ne parle pas, il s’écoute, et seul le ricochet de sa voix lui laissera un bref sursis. Là encore, Beckett convoque les hasards d’une parole «qui sort du noir». Nous ne sommes pas des sujets parlants, mais des objets parlés. Même psittacisme dans des pièces radiophoniques comme Cendres ou Tous ceux qui tombent, une farce qui rappelle parfois Watt. Seul ici l’écho permet de remplir la surface mentale, mais pour peu d’instants : prisonnière d’un espace carcéral et d’une temporalité décalée, la voix renaît d’abord de ses propres échos, mais elle s’étouffe peu à peu, prise au piège de ce qui la produisait. Beckett va alors s’essayer à la musique, afin de remailler les accrocs de la tentative orale : ce sera Cascando, puis Paroles et musique. Mais le point d’orgue est de courte durée, et l’oralité bien détruite.

 

C’est au souffle que Beckett s’accrochera désormais, aux rythmes somatiques et pulmonaires du gisant. Le souffle comme avatar ultime de la voix. L’œuvre descend un nouveau degré, et s’expatrie davantage encore. De cette phase « respiratoire » témoigne un des textes les plus étonnants de Beckett, un des plus durs, Comment c’est. Ce livre est l’épopée grotesque d’une larve rampante allongée dans la boue qui tente d’extraire quelques râles d’un corps pétrifié, d’un corps-ordure comme on

 

en rencontre tant chez Beckett. Cette « voix quaqua » est au paroxysme de la solitude, même si un instant elle trouve un « frère » qui deviendra vite une victime — ce « frère », c’est Pim, que le narrateur sadique tyrannise avec un ouvre-boîte, libérant ainsi de magnifiques flambées d’humour noir! Pareille solitude annonce un texte tardif de Beckett, le Dépeupleur : on y écoute un être blotti dans un immense et dantesque cylindre. Peu à peu, la température se fixe au voisinage de zéro, et le narrateur n’est plus qu’une marionnette vide... De cette période — les années 1960-1970 — datent encore de très brefs « récits » — Bing, Sans, Foirade s, par exemple —, où se cognent de minuscules phrases soudées ensemble comme du mâchefer. Phrases sans verbe, mortes, syndromes de la glaciation du dedans : c’est la toute dernière autopsie du corps en ruine.

 

Le rideau peut tomber. Un à un, tous les alibis ont dégringolé : le temps, l’espace, l’identité, l’organisme. L’écriture narrative a été invalidée, puis le théâtre. La voix à son tour s’est tue, et les derniers souffles se sont éteints. Réduit à l’inertie d’une chute cosmique, l’être désormais ne tient plus à rien, pas même à ses prothèses grotesques. C’est cela, la loi beckettienne, une loi physique, quantitative, plus mathématique que symbolique. Une sorte de positivisme de la déréliction qui suit la débâcle du sujet et la mesure au millimètre. Rien à voir avec une fable métaphysique, comme trop l’ont dit : ce serait réamorcer l’œuvre à l’hameçon sécurisant des idéologies de la quête. « Honni soit qui symboles y voit », a dit Beckett. Et il ajoutait, dans Malone meurt : « Vase, gamelle, voilà les pôles. »

 

Une fois refermées les dernières pages de Comment c’est ou du Dépeupleur, il semble cependant que l’œuvre ménage un suspense supplémentaire, qui la fera définitivement tressaillir. Le sujet, nous l’avons dit, ne tient plus à rien, il est une place vide et n’émet plus aucun magnétisme. Mais on peut encore le voir : il n’existera alors que d’être regardé. Pour cela, Beckett a recours à l’œil artificiel : c’est ainsi qu'on voit certains de ses personnages s’agiter sous le minuscule pinceau de la lumière, qu’il s’agisse de la caméra de Film et de Dis Joe (monstrueuse, la machine s’approche de plus en plus de Joe) ou du projecteur qui balaie Comédie en isolant trois têtes enfouies dans des jarres... Hors ces petites orbites lumineuses, c’est le noir absolu, la mort définitive. Mais le mince rayon surgi de la rampe donnera aux derniers errants l’illusion d’un espace reconquis, il parviendra à ressouder l’aire nécessaire à leur survie en leur fournissant une « réalité objective » par témoins interposés. Et s’ils ne parlent plus, ils peuvent encore être entendus. Si leur regard n'articule plus rien, le voyeurisme auquel ils s'abandonnent peut être le truquage de la dernière heure. Esse est percipi, disait Berkeley, que cite Beckett au début de Film : être, c’est être perçu. Cela dit, il ne saurait plus y avoir d’autre alibi : la spirale de la trajectoire est maintenant vissée à sa propre tautologie. L’œuvre est prise dans son moule, qui se rabat comme une chape.

 

On le voit, depuis les premiers récits jusqu’à ces tentatives audio-orales, la production de Beckett a suivi une évolution fort précise. Elle s’est orchestrée selon un synopsis aussi charpenté que la fresque dantesque ou la cathédrale proustienne. Et si elle est l’expression d’une sauvagerie intérieure, elle n’en est pas moins maîtrisée : un travail de logicien.

 

Panoplies du corps

 

Par ailleurs, la diachronie beckettienne est balisée de points forts qui dessinent les figures d'un vaste réseau thématique. Le premier noyau obsessionnel, c’est évidemment autour de la question du corps qu’il gravite. A

beckett

« plus en plus mal dans sa peau, il ne parvient pas à se sédentariser, épuise son temps à « partir>> (France, Alle­ magne : toute sa vie, il aura ainsi la bougeotte).

De 1933 à 1 937, le voici à Londres : c'est là qu'en pleine misère, il s'attaque à Murphy.

Refus des éditeurs.

«Maintenant, je me détériore avec la plus grande rapidité», dira-t-il de cette période.

La veille de la Seconde Guerre mondiale, Beckett est à Paris.

Pour échapper à la Gestapo, il s'enfuit dans le Vaucluse, où il compose un autre récit, Wall.

L'après­ guerre correspondra à la plus intense phase de création.

Coup sur coup, il écrit en français sa grande trilogie romanesque : Molloy, Malone meurt et l'Innommable.

Aux Éditions de Minuit, Jérôme Lindon est séduit.

Beckett semble pouvoir enfin sortir de son enfer.

Entre­ temps, fin 1948, il se met au théâtre, écrit En allendant Godot, qui sera monté cinq ans plus tard par Roger Blin avec le succès que l'on sait.

Pour Beckett, une seconde vie commence : il lui faudra désormais échapper sans cesse à son mythe et à sa célébrité.

Les choses vont alors très vite : première de Fin de partie et de la Dernière Bande à Londres en 1957-1958, Oh les beaux jours à New York en 1 961, puis un foisonnement de textes entre 1960-1970, le tout couronné par le prix Nobel en 1969.

Malgré le succès, Beckett restera un étranger, tournant le dos à sa vie, « lamentable gâchis ».

Quant à l'œuvre, elle n'est qu'une tache sur le silence, comme il l'a dit.

Depuis le ressassement étouffant des premiers récits jusqu'aux borborygmes des derniers tex­ tes, Beckett n'a pas cessé de radiographier la misère humaine.

Mais cette plongée a connu des avatars bien différents, dont il faut préciser les principales étapes.

Le cycle romanesque : le fiasco de la parole Le premier volet de 1 'œuvre, qui va des années 1935 au seuil des années 1950, est aussi le plus impression­ nant, celui qui descend sans doute le plus profond dans cette archéologie de la débine qu'est l'écriture becket­ tienne : il s'agit des textes romanesques.

Une demi­ douzaine de récits, à mi-chemin entre la nouvelle et le roman.

Beckett les a écrits alors que son existence oscil­ lait entre la misère et l'exil intime.

Exil au large de l'Irlande natale d'abord, exil de la langue maternelle ensuite, et, surtout, exil de l'intérieur, comme si l'écri­ vain était cha:;sé de lui-même.

Cette déportation com­ mence avec Murphy, écrit en anglais pendant les années noires.

C'est un récit lacunaire, qui nous montre un reclus prisonnier de la Cité et de ses mirages.

Enfermé dans un asile psychiatrique où il attend la mort, Murphy, qui est. »

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