Baudelaire et la politique
Publié le 07/09/2013
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La haine de la bourgeoisie
Le goût des «filles « et le mépris de l'argent ont chez Baudelaire
un dénominateur commun : la haine de la bourgeoisie.
La bourgeoisie comme état d'esprit
Il ne faut certes pas confondre l'intransigeance esthétique et
morale de l'artiste qui refuse de se soumettre à la bêtise et à
la vulgarité de l'esprit bourgeois et l'engagement politique du
militant révolutionnaire qui lutte pour renverser l'ordre social.
Vladimir Nabokov a parfaitement défini cette différence
quand, dans son analyse de Madame Bovary, il a rappelé le
sens que Flaubert donnait au mot «bourgeois«:
« Lorsqu'il ne signifie pas tout bonnement "citadin" (qui
habite le bourg), "bourgeois", pour Flaubert, veut dire
"philistin", personne qui ne se préoccupe que de l'aspect
matériel des choses et n'adhère qu'aux valeurs
conventionnelles. Il n'emploie jamais le mot "bourgeois"
avec une quelconque connotation politico-économique
marxiste. La bourgeoisie, pour Flaubert, est un état
d'esprit, pas un état de finances. Dans une célèbre scène
de notre livre, où l'on voit une vieille femme, qui a
travaillé dur toute sa vie, recevoir une médaille, pour
avoir trimé comme une esclave pour son fermier-patron,
sous le regard béat d'un aéropage de bourgeois épanouis,
faites-y bien attention, il y a philistinisme des
deux côtés, politiciens épanouis et vieille paysanne superstitieuse
sont également bourgeois au sens flaubertien
du terme. « 1
On peut appliquer mot pour mot ces propos à Baudelaire qui
présente tellement d'analogies et d'affinités avec Flaubert. Et
pourtant, contrairement à l'auteur de Madame Bovary, qui,
tout en pourfendant les philistins bourgeois, se tiendra à
l'écart de l'action politique, Baudelaire a cru dans les idéaux
républicains et socialistes de 1848. Il prendra même part à
l'insurrection et on le verra sur les barricades excitant les
insurgés au cri de: «Il faut aller fusiller le général Aupick!«
On en a déduit un peu trop rapidement que cet extrémisme
avait pour seule motivation le ressentiment personnel. Baudelaire
aurait profité des circonstances pour assouvir sa vengeance
contre son beau-père. Celui-ci était alors directeur de
l'Ecole polytechnique. Il se comportera avec beaucoup d'habileté,
saura apaiser les esprits, éviter l'effusion de sang et
finalement se ralliera au nouveau régime.
L'enthousiasme révolutionnaire
Bien que, de toute évidence, le conflit familial n'ait pas été
étranger à l'enthousiasme révolutionnaire de Baudelaire lors
des journées de février 1848, il serait simpliste de réduire à
cet argument l'ardeur du poète à défendre la cause du
peuple.
L'adhésion ultérieure de l'auteur des Fleurs du Mal aux
idées réactionnaires de Joseph de Maistre a occulté son activisme
gauchiste des années quarante. Dans la période d'agitation
sociale qui a culminé avec la révolution manquée de 1848
et qui trouve brutalement son terme avec l'avènement du
Second Empire, Baudelaire a été le partisan déclaré de l'opposition
démocratique la plus radicale.
Il serait frivole de négliger ce pan de sa biographie, que
l'on peut situer entre son suicide manqué de juin 1845 et le
coup d'Etat du 2 décembre 1851. Il ne s'agit pas, en effet,
d'un moment d'égarement passager, mais d'un axe fondamental
de sa pensée, de sa vision du monde, qu'il importe de
réintégrer dans une perspective globale qui rende justice à un
parcours artistique, intellectuel, existentiel dont la cohérence
est masquée sous des contradictions purement épisodiques et
superficielles.

«
« Lorsqu'il ne signifie pas tout bonnement "citadin" (qui
habite le bourg), "bourgeois", pour Flaubert, veut dire
"philistin", personne qui ne se préoccupe que de l'as pect matériel des choses et n'adhère qu'aux valeurs
conventionnelles.
Il n'emploie jamais le mot
"bourgeois" avec une quelconque connotation politico-économique
marxiste.
La bourgeoisie, pour Flaubert,
est un état
d'esprit, pas un état de finances.
Dans une célèbre scène
de notre livre, où l'on voit une vieille femme, qui a
travaillé
dur toute sa vie, recevoir une médaille, pour
avoir trimé comme une esclave pour son fermier-patron,
sous le regard béat
d'un aéropage de bourgeois épa
nouis, faites-y bien attention, il y a philistinisme des
deux côtés, politiciens épanouis et vieille paysanne su
perstitieuse sont également bourgeois au sens flaubertien
du terme.
»1
On peut appliquer mot pour mot ces propos à Baudelaire qui
présente tellement d'analogies et d'affinités avec Flaubert.
Et pourtant, contrairement à l'auteur de Madame Bovary, qui,
tout en pourfendant les philistins bourgeois, se tiendra
à l'écart de l'action politique, Baudelaire a cru dans les idéaux
républicains et socialistes de 1848.
Il prendra même part à l'insurrection et on le verra sur les barricades excitant les
insurgés au cri
de: «Il faut aller fusiller le général Aupick!» On en a déduit un peu trop rapidement que cet extrémisme
avait
pour seule motivation le ressentiment personnel.
Bau
delaire aurait profité des circonstances pour assouvir sa ven
geance contre son beau-père.
Celui-ci était alors directeur de
l'Ecole polytechnique.
Il se comportera avec beaucoup d'ha
bileté, saura apaiser les esprits, éviter l'effusion de sang et
finalement se ralliera au nouveau régime.
L'enthousiasme révolutionnaire
Bien que, de toute évidence, le conflit familial n'ait pas été
étranger
à l'enthousiasme révolutionnaire de Baudelaire lors
des journées de février 1848,
il serait simpliste de réduire à cet argument l'ardeur du poète à défendre la cause du
peuple.
L'adhésion ultérieure de l'auteur des
Fleurs du Mal aux
idées réactionnaires de Joseph de Maistre a occulté son acti-.
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