Baudelaire : ciel brouillé
Publié le 05/09/2018
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Ciel brouillé
On dirait ton regard d'une vapeur couvert ;
Ton oeil mystérieux (est-il bleu, gris ou vert ?)
Alternativement tendre, rêveur, cruel,
Réfléchit l'indolence et la pâleur du ciel.
Tu rappelles ces jours blancs, tièdes et voilés,
Qui font se fondre en pleurs les coeurs ensorcelés,
Quand, agités d'un mal inconnu qui les tord,
Les nerfs trop éveillés raillent l'esprit qui dort.
Tu ressembles parfois à ces beaux horizons
Qu'allument les soleils des brumeuses saisons...
Comme tu resplendis, paysage mouillé
Qu'enflamment les rayons tombant d'un ciel brouillé !
Ô femme dangereuse, ô séduisants climats !
Adorerai-je aussi ta neige et vos frimas,
Et saurai-je tirer de l'implacable hiver
Des plaisirs plus aigus que la glace et le fer ?
Mais Baudelaire, envisageant de s’accommoder de cette froideur, file la métaphore («neige», «frimas», «implacable hiver», «glace»), et entend, avec une sorte de perversion masochiste, goûter «Des plaisirs plus aigus que la glace et le fer», ce dernier vers, qui est, après un autre enjambement dramatique, la chute du poème, présentant un de ces assemblages étonnants, de ces formules détonnantes qu’il affectionnait : le mot «plaisirs», prolongé par «aigus», sonne ici étrangement, change en quelque sorte de sonorité et de substance en passant dans la «glace» et le «fer», matières hostiles et blessantes.
Ainsi voit-on mieux que ‘’Ciel brouillé’’ indique bien, par son seul titre qui ne peut être limité à une remarque climatique, que le ciel de la promesse d’un amour heureux a été brouillé par la découverte de la terrible froideur de l’amante. Mais le poème ne fut pas qu’un simple règlement de compte : si l'amour y paraît comme équivoque, et conduit à un échec, à la rencontre avec le spleen, Baudelaire y sublima sa déception et sa rancœur en donnant un bel exemple de ses chères correspondances.

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et le «fer», matières hostiles et blessantes.
Ainsi voit-on mieux que ‘’Ciel brouillé’’ indique bien, par son seul titre qui ne peut être limité à une remarque
climatique, que le ciel de la promesse d’un amour heureux a été brouillé par la découverte de la terrible froideur de
l’amante.
Mais le poème ne fut pas qu’un simple règlement de compte : si l'amour y paraît comme équivoque, et
conduit à un échec, à la rencontre avec le spleen, Baudelaire y sublima sa déception et sa rancœur en donnant un
bel exemple de ses chères correspondances..
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