baudelaire
Publié le 07/02/2013
Extrait du document


«
L’éphémère ébloui vole vers toi, chandelle,
Crépite, flambe et dit : Bénissons ce flambeau !
L’amoureux pantelant incliné sur sa belle
A l’air d’un moribond caressant son tombeau.
Que tu viennes du ciel ou de I'enfer, qu'importe,
Ô Beauté ! monstre énorme, effrayant, ingénu !
Si ton oeil, ton souris, ton pied, m'ouvrent la porte
D'un Infini que j'aime et n'ai jamais connu?
De Satan ou de Dieu, qu'importe? Ange ou Sirène,
Qu'importe, si tu rends, - fée aux yeux de velours,
Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine ! -
L'univers moins hideux et les instants moins lourds?
Commentaire
À sa question intiale, « Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'abîme, ô Beauté? » Baudelaire donna une
réponse qui varia selon les époques.
Il avait placé d’abord, dans ‘ ’Les fleurs du mal’’ , un sonnet intitulé
‘ ’La Beauté’’ , qui datait de 1844-1845 et où il la symbolisait par une statue impassible, la considérait
comme une image des « clartés éternelles ».
‘ ’Hymne à la Beauté’’ , poème formé de sept quatrains d’alexandrins à rimes croisées, qu’il composa dans
la dernière période de sa vie, qui fut publié le 15 octobre 1860, dans ‘’L’artiste’’, et qui n’apparut que dans
la seconde édition des ‘ ’Fleurs du mal’’ , présenta une conception plus moderne de la beauté, plus
inquiétante aussi, en accord avec I'inspiration même du recueil.
Montrant la fascination qu’elle exerce sur lui, i l la présente d’abord comme ambiguë et contradictoire , à la
fois divine et satanique, ce caractère double entraînant une équivoque qui est poursuivie tout au long du
poème, produisant le sentiment du gouffre, un vertige.
De plus, l’identifiant à la Femme, par une fusion
artistique très réussie , il craint de s’y perdre.
Mais, finalement, il voit en elle le moyen d’accéder à l’Infini,
d’échapper au spleen.
Dans la p remière strophe , Baudelaire, pour qui la beauté se pr é sente d'embl é e comme un myst è re qu'il
ne cesse d'interroger, s’adresse à elle pour chercher d'abord à cerner son origine.
Que ce soit du « ciel
profond » ou de « l’abîme », elle é mergerait toujours d'une vastitude .
On constate, au vers 2, qu’il la
personnifie ; qu’à son « regard, infernal et divin » (ces deux mots étant rapprochés par le son « in ») sont
attribués deux qualités fondamentalement antithétiques, cette ambivalence et cette ambiguïté
(« confusément ») étant confirmée au vers 3 par les conduites contraires qu’elle inspire (« le bienfait et le
crime »).
Il apparaît quelque peu étonnant qu’ensuite il puisse, d’une façon quelque peu didactique, la
« comparer au vin », la considérer donc comme un autre «paradis artificiel», comme l'alcool ou la drogue,
pouvant procurer une ivresse qui puisse lui faire oublier son malheur.
On remarque le jeu des rimes, « crime » répondant à « abîme » et, à la façon de Rabelais, « vin » répondant
à « divin ».
La deuxième strophe poursuit d’abord l’évocation du « regard » par cet « œil » qui reflète des moments
symboliques qui sont, encore une fois, opposés : « le couchant et l’aurore ».
Puis, par une sorte de
correspondance, le poète passe aux « parfums » qui lui furent toujours si chers, et, comme il les compare
à « un soir orageux », on retrouve bien les parfums « corrompus » du sonnet ‘’ Correspondances ’’.
2.
»
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