BATEAU IVRE (le) d'Arthur Rimbaud

BATEAU IVRE (le), poème d'Arthur Rimbaud, en 25 quatrains et en alexandrins. Écrit en 1871, il fut publié par Verlaine dans la revue Lutèce (1883), puis dans les Poètes maudits. Pendant l'été 1871, à Charleville, au lendemain de sa troisième fugue, le jeune Rimbaud, qui n'a pas dix-sept ans, compose le Bateau ivre : ce poème lui permettra, pense-t-il, de se faire admettre dans les milieux littéraires parisiens. Cette « œuvre de circonstance » dépasse pourtant de loin son premier objectif ; elle marque une étape décisive dans le projet poétique rimbaldien, celui d'un poète visionnaire dont la langue sera « de l’âme pour l'âme, résumant tout, parfums, sons, couleurs, de la pensée accrochant la pensée et tirant ». L'itinéraire maritime du « bateau ivre » répond à l'invite baudelairienne : « Plonger au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau. » Plongeon, dans le même moment, du navire au sein de l'Océan et du poète dans « le dérèglement de tous les sens » ; « je me suis baigné dans le Poème de la Mer », affirme le narrateur, ce « Je » dont le miroitement du sens fait tour à tour un bateau et, allégoriquement, un homme. La poésie concrète, « objective », où la matérialité des objets et des mots prédomine, se mêle au symbole qui jusqu'alors tendait à vider les images de leur substance. C'est par l'alchimie du verbe