Barjavel cours
Publié le 28/01/2024
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Ravage, René Barjavel, paru en 1943
RAPIDE PRÉSENTATION, L’AUTEUR
Né en 1911 dans un milieu modeste, à Nyons, dans la Drôme, (père boulanger, grand-père paysan), il
perd sa mère à l’âge de onze ans.
Entré au collège de Nyons, il est remarqué par le proviseur qui
l’encourage à le suivre lorsque ce dernier est muté à Cusset, près de Vichy.
Il va donc poursuivre ses
études en internat, au lycée de Cusset.
Il réussit à être bachelier (surtout grâce à ses notes en
littérature) mais démuni financièrement, il doit se mettre à travailler.
Il commence comme employé de
banque, puis fait ses débuts de journaliste au Progrès de l'Allier.
À partir de 1935, il devient
secrétaire de rédaction dans une revue, puis chef de la fabrication chez l’éditeur Denoël.
En effet
Barjavel admire Denoël qui vient d’éditer Voyage au bout de la nuit de Céline, roman qui a eu le
Renaudot.
C’est pourquoi lorsque Denoël lui propose de travailler chez lui, il accepte tout de suite.
En
1936 il se marie avec Madeleine de Wattripont (qui travaille dans une société pour Denoël) et ils ont
deux enfants (en 1937 et 1938) Il est aussi critique de cinéma dans différents journaux.
Mobilisé au
début de la guerre en 39, et démobilisé en 40, il se remet à écrire dans le sud de la France, à
Montpellier et s’occupe d’une revue étudiante.
Mais à partir de 1943, il travaille avec des journaux de
la collaboration tels que Je suis partout ou Gringoire.
Cette période va grandement nuire à sa
réputation et il se retrouve sur la première « liste noire » d’auteurs en 1944.
Il est innocenté par
Georges Duhamel qui dirige le comité des Lettres françaises et qui montre que le propos de Barjavel
est indépendant de toute idéologie.
Avec son premier roman, Ravage paru en 1943, Barjavel connaît le
succès.
Dès lors, il va écrire de la science-fiction (il n’emploie pas le terme science-fiction, un mot
encore peu connu en France, mais il parle de romans extraordinaires).
Il fait aussi des romans plus
classiques comme Tarendol, 1946.
Il produit en outre un essai (Cinéma total, 1944) et des articles de
journaux.
Il a aussi beaucoup travaillé pour le cinéma, le théâtre, et la télévision avec des scenarii, des
dialogues ou des adaptations.
Outre Ravage, dont le titre initial devait être Colère de Dieu, un titre qui ne plaisait pas à Denoël, il
écrit par la suite des nouvelles comme Les Enfants de l'ombre, ou le Prince blessé (1946), des romans
comme Colomb de la Lune (1962), et Le Grand Secret (1973).
Son livre le plus apprécié est, semble-til, La Nuit des temps (1968), un roman tiré d’un scénario écrit pour André Cayatte mais dont le film
n’a jamais été réalisé.
Il est mort d’une crise cardiaque en novembre 1985.
L’INTRIGUE DU ROMAN
Le roman se compose de quatre parties dont les titres sont programmatiques :
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1) Les temps nouveaux, 2) La chute des villes, 3) Le chemin de cendres, 4) Le patriarche.
En effet le roman s’ouvre sur ces temps nouveaux qui évoquent la ville de Paris devenue une
mégalopole écrasée de chaleur à sept heures du soir, en ce 3 juin 2052.
(Pas très éloigné de nous !).
En dépit de la canicule, la ville a recours à une technologie très avancée pour procurer fraîcheur et
confort aux habitants, mais aussi pour les nourrir, les vêtir, les distraire, en un mot satisfaire leurs
moindres désirs et leurs moindres besoins.
Cependant survient une panne générale et définitive d’électricité qui va plonger Paris dans le chaos.
À
la civilisation raffinée succèdent la panique, puis la violence et la destruction de tout ce qui existait
jusque-là, illustrant bien l’affirmation du philosophe Hobbes, « L’homme est un loup pour l’homme »
C’est alors qu’un petit groupe dont le meneur est François Deschamps (au nom prédestiné)
accompagné de sa bien-aimée Blanche (idem pour l’onomastique) va s’organiser pour fuir la capitale
et traverser la France à pied, en se dirigeant vers la Provence dont François et Blanche sont
originaires.
Après maintes péripéties, ils arrivent au cours de leur quête devant une vallée recouverte
d’une végétation quasi miraculeuse.
« Un parfum de paradis descendait le long du courant ».
p.
278.
Ils y font une longue halte pendant laquelle la femme de Pierrot, un couple qui fait partie de
l’expédition, met au monde son bébé.
Puis ils repartent et arrivent enfin à Vaux, leur terre natale.
La quatrième partie, Le patriarche, relate la fin de l’histoire et la nouvelle vie de la région d’où est
bannie toute forme de progrès.
Mais cette nouvelle vie n’a rien d’idéal, elle est même conçue
comme une dictature dans laquelle le patriarche François impose sa loi et fait, par exemple,
rechercher les livres pour les faire brûler sur la place des villages.
(Objectif, empêcher les hommes de
retrouver les bases de la connaissance du progrès.)
LE COUPLE FONDATEUR DE PERSONNAGES
On peut voir d’emblée, en considérant ces quatre étapes, que chaque nouvelle progression de l’action a
une valeur symbolique.
Certes les deux personnages, François et Blanche, sont le couple héroïque
qui va traverser le roman et l’espace géographique de la fiction, pour affronter les pires fléaux et
poursuivre leur route.
Mais insensiblement, François est évoqué comme une nouvelle version des
grandes figures bibliques qui ont réussi à mener leur peuple en terre promise.
D’ailleurs Blanche
constate au cours de la troisième partie du roman que plus elle s’attache à François, plus lui « semblait
ne plus faire attention à elle.
Une volonté d’acier, une clairvoyance exaspérée lui étaient venues devant
le danger.
» p.
240-241.
De ce fait, les quelques femmes du roman voient leur place se restreindre au détriment de celle de la
famille.
Par rapport aux ouvrages que nous avons déjà vus, il y a une nette évolution : dans le Meilleur
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des Mondes, la famille était proscrite, dans Fahrenheit 451, elle était présente mais artificielle, dans
Ravage, elle est la seule issue possible pour racheter la folie du monde.
Lorsque s’achève le voyage
initiatique, seule Blanche la virginale et la femme de Pierrot qui était enceinte, ont réussi à surmonter
les épreuves du voyage.
Le symbole est évident : la condition des femmes est vue de manière très
conservatrice puisque leur seule mission est de suivre leurs époux et de procréer autant qu’elles le
peuvent : à titre indicatif, Blanche donne dix-sept enfants à son compagnon François.
On est dans le
mythe.
! Mais ce qui est original, c’est que l’interprétation biblique fonctionne ici selon un mouvement à
rebours.
Alors que dans l’Ancien Testament, le châtiment frappe sur le champ les coupables et que
ceux-ci sont chassés de l’Eden dès le début du mythe, dans Ravage, c’est l’inverse qui se produit.
La
première partie expose le règne d’un nouveau culte, celui du progrès, qui est adoré par tous les êtres
humains.
Ce dieu du progrès est même capable d’apprivoiser la mort qui ne fait plus peur, (avec le
système des Conservatoires), ce qui procure aux hommes le sentiment d’être tout puissants.
Les
deux parties suivantes s’enchaînent pour évoquer l’Exode et ce sont les hommes qui choisissent de
partir pour fuir les épreuves.
Mais cette fuite débouche sur un tableau de Rédemption avec la
découverte d’une vallée miraculeuse (qui ressemble du reste à un jardin d’Eden).
Quant à
l’aboutissement du roman, il correspond à ce qui était le commencement du monde dans la Genèse.
C’est pourquoi je donnerai du texte une première lecture qui mettra en évidence les conséquences
inhérentes au progrès, dans le récit d’anticipation et comment les femmes réagissent
successivement à une certaine idée du bonheur, puis à la perte de tout ce à quoi elles tenaient.
Nous
verrons ensuite comment le roman s’oriente vers une forme de récit épique mêlé de fantastique dans
lequel les hommes ont la part belle : devenus des modèles de virilité, ils ont même parfois comme
François le comportement de surhommes.
Mais au-delà de ces deux perspectives, domine une
troisième ligne de force qui parcourt tout le récit, à savoir le fait que Ravage soit d’abord une fable qui
défend avant l’heure les discours écologiques tels que nous les entendons aujourd’hui, et c’est en
cela, beaucoup plus que sur le plan de la condition féminine, que le texte conserve une certaine
modernité.
DU SOMMET À LA CHUTE
Le roman commence en suivant tous les marqueurs propres au récit d’anticipation associé à un style
fantastique.
Ainsi, dès le début du texte, on sait que le roman se déroule dans un cadre spatiotemporel familier : la gare Saint-Charles à Marseille, et une date précise, 3 juin 2052.
Ces
informations confèrent une forme de réalisme, ou tout au moins de vraisemblance au texte.
A priori,
Ravage commence de façon traditionnelle pour mieux basculer ensuite dans une action apocalyptique.
Conformément à ce que préconisait déjà Maupassant, « L'écrivain a cherché les nuances, a rôdé autour
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du surnaturel plutôt que d'y pénétrer.
Il a trouvé des effets terribles en demeurant sur....
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