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Balzac, extrait de « l'Avant-Propos de la Comédie humaine »

Publié le 17/01/2022

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Vous résumerez ou analyserez, à votre choix, ce texte de Balzac, extrait de « l'Avant-Propos de la Comédie humaine « (préface de 1842), dans laquelle l'auteur expose l'organisation de son œuvre et repousse différentes critiques) ; vous dégagerez ensuite du passage un thème qui vous paraît particulièrement intéressant, et vous direz quelles réflexions il vous inspire.

« Les écrivains qui ont un but, fût-ce un retour aux principes qui se trouvent dans le passé par cela même qu'ils sont éternels, doivent toujours déblayer le terrain. Or, quiconque apporte sa pierre dans le domaine des idées, quiconque signale un abus, quiconque marque d'un signe le mauvais pour être retranché, celui-là passe toujours pour être immoral. Le reproche d'immoralité, qui n'a jamais failli à l'écrivain courageux, est d'ailleurs le dernier qui reste à faire quand on n'a plus rien à dire à un poète. Si vous êtes vrai dans vos peintures ; si, à force de travaux diurnes et nocturnes, vous parvenez à écrire la langue la plus difficile du monde, on vous jette alors le mot immoral à la face. Socrate fut immoral, Jésus-Christ fut immoral ; tous deux ils furent poursuivis au nom des Sociétés qu'ils renversaient ou réformaient. Quand on veut tuer quelqu'un, on le taxe d'immoralité. Cette manœuvre, familière aux partis, est la honte de tous ceux qui l'emploient. Luther et Calvin savaient bien ce qu'ils faisaient en se servant des intérêts matériels blessés comme d'un bouclier ! Aussi ont-ils vécu toute leur vie.

En copiant toute la Société, la saisissant dans l'immensité de ses agitations, il arrive, il devait arriver que telle composition offrait plus de mal que de bien, que telle partie de la fresque représentait un groupe coupable, et la critique de crier à l'immoralité, sans faire observer la moralité de telle autre partie destinée à former un contraste parfait. Comme la critique ignorait le plan général, je lui pardonnais d'autant mieux qu'on ne peut pas plus empêcher la critique qu'on ne peut empêcher la vue, le langage et le jugement de s'exercer. Puis le temps de l'impartialité n'est pas encore venu pour moi. D'ailleurs, l'auteur qui ne sait pas se résoudre à essuyer le feu de la critique ne doit pas plus se mettre à écrire qu'un voyageur ne doit se mettre en route en comptant sur un ciel toujours serein. Sur ce point, il me reste à faire observer que les moralistes les plus consciencieux doutent fort que la Société puisse offrir autant de bonnes que de mauvaises actions, et dans le tableau que j'en fais, il se trouve plus de personnages vertueux que de personnages répréhensibles. Les actions blâmables, les fautes, les crimes, depuis les plus légers jusqu'aux plus graves, y trouvent toujours leur punition humaine ou divine, éclatante ou secrète. J'ai mieux fait que l'historien, je suis plus libre... L'histoire n'a pas pour loi, comme le roman, de tendre vers le beau idéal. L'histoire est ou devrait être ce qu'elle fut; tandis que le roman doit être le monde meilleur, a dit Mme Necker, un des esprits les plus distingués du dernier siècle. Mais le roman ne serait rien si, dans cet auguste mensonge, il n'était pas vrai dans les détails «.

 

Les écrivains qui veulent exprimer des idées personnelles sont souvent taxés d'immoralité. Les critiques négligent souvent d'examiner l'ensemble de l'oeuvre, où le bien équilibre généralement le mal. L'écrivain digne de ce nom doit se résoudre à essuyer « le feu de la critique «. Balzac rappelle néanmoins que dans ses romans la proportion des gens vertueux est plus grande que dans la vie réelle. Le romancier d'ailleurs peut toujours punir les coupables, étant plus libre que l'historien, prisonnier des faits. « Le roman doit être le monde meilleur «, à condition de rester vrai dans les détails.

La pensée de Balzac a une valeur générale : il faut éviter de se laisser aller à un exposé plus général encore sur la moralité de l'oeuvre d'art, mieux vaut choisir un thème précis, par exemple définir « l'auguste mensonge « du romancier, en l'opposant à la vérité historique.

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