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AYMÉ Marcel : sa vie et son oeuvre

Publié le 15/11/2018

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AYMÉ Marcel (1902-1967). Romancier, nouvelliste, dramaturge, journaliste, né à Joigny le 29 mars 1902, mort à Paris le 29 octobre 1967.

Dernier des six enfants d’un maréchal-ferrant, Marcel Aymé perd sa mère très tôt. Son enfance se passe dans la ferme et dans la tuilerie de ses grands-parents maternels à Villers-Robert (Jura). Il doit, pour raison de santé, interrompre ses études, commencées à Dole. Après son service militaire, qu’il accomplit en Allemagne occupée, il gagne Paris en 1923, où il exerce les métiers les plus divers. Il profite d’une convalescence pour écrire un premier roman (Brûlebois, publié en 1926), puis d’autres comme Aller-retour (1927) ou la Table-aux-crevés (prix Théophraste-Renaudot, 1929). Mais ce n’est qu’avec la publication de la Jument verte, en 1933, que ses difficultés matérielles seront aplanies. Il pourra entièrement vivre de sa plume jusqu’à sa mort. Sa production est abondante, puisque c’est, au total, deux essais, dix-sept romans, plusieurs dizaines de nouvelles, une dizaine de pièces de théâtre et plus de cent soixante articles que nous a laissés Marcel Aymé. L’ignorance dans laquelle la critique et les manuels de littérature ont tenu depuis trente ans cette œuvre relève du scandale culturel.

Nombre des romans et nouvelles de Marcel Aymé peuvent être dits réalistes, au sens où ils offrent un tableau de mœurs assez complet de la France des années 20 aux années 60, même si la Jument verte se déroule sous le second Empire. Qu’il s’agisse du Front populaire (Travelingue, 1941), de l’Occupation (le Chemin des écoliers, 1946) ou de la Libération (Uranus, 1948), qu’on circule à travers les rues et les cafés de Paris (Aller-retour, etc.) ou dans la campagne franc-comtoise (la Table-aux-crevés, la Jument verte, Gustalin, 1937, etc.), on plonge dans la France profor de de la première moitié de ce siècle.

Marcel Aymé n’est certainement pas un théoricien de la lutte des classes, et sa peinture des mœurs françaises accorde une part inégale aux différentes couches de la société. S’il connaît mal les ouvriers (en dépit de la Rue sans nom qui reçut le prix Populiste en 1930), ses talents d’auteur régionaliste s’exercent en revanche pour décrire les paysans, dont il donne une représentation assez traditionnelle, d’avant 1914, aux prises avec l’âpreté de la vie rurale et divisés par les luttes entre cléricaux et républicains. Davantage encore, ce romancier qui prétendait ne pas avoir « le don d’observation » (il est vrai qu’il a peu de goût pour l’adjectif et le pittoresque), a un sens aigu pour rendre à travers le mot juste l’atmosphère propre à chacune des couches de la bourgeoisie de son époque. Le cadre social, le prosaïque et le quotidien, donnent de l’homme contemporain l’image désenchantée d’un anti-héros, résigné et impuissant à faire dévier un destin collectif qui le dépasse.

Mais au cœur de ce réalisme naît parfois une forme personnelle de fantastique, que l’écrivain adapte librement de légendes (la Vouivre, 1943), du merveilleux chrétien (Clérambard, 1950), ou qu’il crée à partir de son propre imaginaire (les Contes du chat perché, 1934, augmentés en 1950 et 1958; le Passe-muraille, 1943; Derrière chez Martin, 1938, etc.). Subtil composé de vraisemblable, d’insolite ou d’inattendu, l’imagination apparaît alors comme une issue dans un monde trop oppressant. L’écriture crée un univers où réel et imagi naire mêlés épousent avec naturel les contours de l’imaginaire des «jeunes de 4 à 75 ans » (les Contes), et c’est dans cet esprit qu’il faut interpréter les métamorphoses du temps et de l’espace dans des nouvelles comme la Carte, le Temps mort, etc.

Quel que soit le registre choisi, Marcel Aymé est d’abord un remarquable conteur d’histoires. Passé maître dans l’art du raccourci (ses premières phrases sont presque toujours des ellipses empreintes d’un rare bonheur), habile à tisser une intrigue à partir d’une situation cocasse (le Bœuf clandestin, 1939, etc.) ou à construire de véritables personnages de comédie humaine à partir de simples silhouettes, Marcel Aymé se montre néanmoins plus à l’aise dans le récit qu’au théâtre, qui constitue pourtant l’essentiel de sa production à partir de 1950 : la verve d’un commentaire ironique et l’impertinence du pastiche trouvent peut-être moins de facilités pour s’exprimer dans Lucienne et le boucher (1947) ou même l’excellent Vogue la galère ( 1944) que dans les nouvelles et les romans.

Sourire ou rictus?

Marcel Aymé pratique l’humour sous des modes très divers. Une pièce, la Tête des autres (1952), choisit la forme du portrait-charge pour dénoncer les ridicules et les lâchetés des nantis. Ailleurs, c’est une plume acide et ironique qui stigmatise l’égoïsme, le snobisme, la suffisance et la bêtise. L’auteur mêle les niveaux de langage, le grossier et le délicat (volontiers parodiés), la

« langue du terroir comme celle de la ville, le français châtié ou les incorrections calculées; et toujours le style veut caractériser tantôt un personnage, tantôt une attitude sociale.

L'œuvre prise dans son ensemble dément la réputation trop rapide d'écrivain licencieux qui a été faite à l'auteur de la Jument verte, ou encore d'écrivain pour enfants (les Gomes) : Marcel Aymé serait plutôt un moraliste malicieux et truculent, sombre parfois, qui adresse ses clins d'œil à qui sait reconnaître ses propres travers dans ceux des personnages.

L'humour se teinte d'ailleurs de tendresse chaque fois que s'y manifeste la sympat'"Jie pour les gens simples et bons (Déodat, la Langouste ...

), les déclassés ou les originaux dérisoires et pathétiques (le cycliste Martin, Brûlebois, Watrin ...

), ou encore les enfants et les animaux.

Un homme de droite? Se pose la question des opinions politiques de Marcel Aymé.

Si ses articles de presse des années 30 témoignent plutôt d'une sensibilité de gauche (et si, par ses premiers romans, il semble s'apparenter aux écrivains populistes), la suite de son activité journalistique prit la forme d'une collaboration à des journaux de droite, voire d'extrême droite.

Mais Marcel Aymé n'ajamais travaillé pour l'oc­ cupant allemand, ce que le Comité national des écrivains lui-même reconnut en ne l'inscrivant pas sur sa liste noire.

L'écrivain a été en butte aux critiques de tous ceux qui, aprè�.

guerre, acceptaient mal que ses romans peignent sans manichéisme les années 40 et que l'épura­ tion n'y soit pas plus épargnée que le marché noir.

Si l'on ajoute que le Confort intellectuel (essai publié en 1949) le désignait comme un adversaire de l'engagement sartrien ou stalinien, de la poésie hermétique et des labo­ ratoires du nouveau roman, on comprend mieux pourquoi il fut tenu à l'écart par les intellectuels de gauche, ces derniers préférant ranger sous l'étiquette les écrivains chez qui l'humour anticonfor­ miste ou ricanant, la misogynie amusée et l'amère conscience du mal se mêlent au souci du style.

Quoi qu'il en soit, Marcel Aymé ne ménage ses critiques à aucune famille politique : il ne fut jamais un écrivain engagé, ni à droite ni à gauche.

Farouchement attaché, dans ses articks notamment, à « la liberté, la justice, la vérité » (M.

Lecureur), à l'esprit de tolérance et à J'ami­ tié (sa fidélité à Brasillach condamné à mort 1' a bien montré), cet écrivain défend les valeurs humanistes contre les mensonges et les totalitarismes.

Comme il l'affirmait dans une interview accordée aux Nouvelles littéraires en 1957, il préférait assigner plutôt à l'écri­ vain la tâche de« devenir la conscience de son temps ».

FILMOGRAPHIE De nombreux films et quelqu es téléfilms ont été tirés de l'œuvre de Marcel Aym é.

Citons les plus co nn us : /a Traversée de Paris ( 1956), la Jument verre ( 1959), tous deux de Claude Autant-Lara, et Uranus, de Claude Berri ( 1991 ).

Ma rc el Ay mé a adap té deux pièces d'A rthu r Miller (les Sor­ cières de Salem et Vu du polit) et une de Tennessee Williams (la Nuit de l'iguane).

BIBLIOGRAPHIE Œuvres.

- Les Œuvres Romanesques complètes son t en cours de publication dans la Bibliothèque de la Plé iad e sous la direc­ tion d'Yves-Alain Favre.

Elles comprendro nt 3 vo lu me s dont seul le prem ier est paru en 1989 (Brûlebois, Aller-retour, la Table aux crevés, la Jument verte, etc.).

La Fill e du Shérif.

G allim ard , 1987: Du côté de chez Marianne : chroniques 1933- 1937, Gallimard, 1989; Vagabondages, La Manufacture.

1992.

On tr o u ve ra dans la collection de poche « Folio" la plupart des t e x te s romanesques de Marce l Aymé.

A consulter.

-J.-L.

Dum on t, Marcel Aymé et le merveilleux, Paris, Debresse, 1970; C.

Dufresnoy, Écriture et dérision; le comique dans l'œuvre littéraire de Marcel Aymtf, thèse Univ.

AZA YS Grenoble lll, 1978, diff.

Did ier- ém dit io n ; M.

Lecur eu r.

la Comé­ die humaine de Marcel Aymé, Lyon, la Ma nufa ctu re , 1985; H.

Scr ia bin e, les Faux Dieux.

Paris, Mercure de France, 196 3; P.

Vand romm e, Marcel Aymé, Paris.

Gallimard, 1960.

Le pre ­ mier Cahier Marcel Aymé est pub lié en 1982.. »

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