Automne malade - Apollinaire, Alcools.
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
Automne malade et adoré Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé Dans les vergers Pauvre automne Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits mûrs Au fond du ciel
Des éperviers planent Sur les nixes (1) nicettes (2) aux cheveux verts et naines
Qui n'ont jamais aimé Aux lisières lointaines Les cerfs ont bramé Et que j'aime ô saison que j'aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu'on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille
Les feuilles Qu'on foule Un train Qui roule La vie S'écoule Apollinaire, Alcools.
(1) Nymphes des eaux dans la mythologie germanique.
(2) Féminin du vieux mot nicet : simple, sans malice.
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Introduction ■ Alcools. ■ Originalité d'Apollinaire, a Annonce des thèmes. Première partie : les sources pures d'un lyrisme aux mille nuances. ■ Chant d'automne. ■ Attente angoissée. ■ Fuite du temps. ■ Mort inéluctable. Deuxième partie : la mélancolie douce d'une âme pudique. ■ Harmonie : saison/état d'âme. ■ Automne : moment privilégié. ■ Mélancolie du « Mal-Aimé «. ■ Amour pour la nature consolatrice. ■ Apaisement et résignation. Conclusion ■ Inspiration verlainienne. ■ Mais déjà originalité. ■ Modernisme de certaines audaces de vocabulaire et de rythme.
«
Mélancolie du « Mal-Aimé ».
Amour pour la nature consolatrice.
Apaisement et résignation.
Conclusion
Inspiration verlainienne.
Mais déjà originalité.
Modernisme de certaines audaces de vocabulaire et de rythme.
DEVOIR RÉDIGÉEn donnant pour titre Alcools (le 1er était « Eaux de vie ») au recueil qu'il publiait à 33 ans en 1913, Apollinairevoulait préciser certes qu'il s'agissait de chanter la vie et d'en exprimer la pure essence.
Mais il laisse aussi la placeà des vers mélancoliques, tout près du désespoir, qu'il faut dominer dans l'ivresse poétique.
Son dessein est en effetde secouer sa tristesse, de la dépasser au rythme où « La vie/S'écoule », avec un art jeune et dynamique, loin desrecherches sophistiquées ou évanescentes des symbolistes, qu'il rejette.
Il veut « boire » le monde entier, retrouvertous les thèmes, car en « révolutionnaire respectueux », il ne refuse pas tout ce qui l'a précédé.
Mais déjà dans ce1er recueil perce l'originalité de ce poète fantaisiste dans sa discrétion : images de choc, langage-geste sansponctuation, musique de la chanson, vers savamment libres.
C'est ce qui frappe dans ce poème Automne maladequi, sans être le plus représentatif du recueil, nous fait cependant rejoindre les sources pures d'un lyrisme aux millenuances (1er thème) et la mélancolie tendre d'une âme pudique (2e thème).
C'est un chant d'automne, un de plus.
De Lamartine
("Salut, bois couronnés d'un reste de verdure...
").
à Verlaine ("Les sanglots longs Des violons De l'automne...")
en passant par tous les aspects, toutes les nuances d'états d'âme, que cette saison a pu inspirer les poètes,surtout depuis les Romantiques !
Hugo :
"L'automne est triste avec sa bise et son brouillard, Et l'été qui s'enfuit est un ami qui part " ;
Baudelaire :
"Adieu, vive clarté de nos étés trop courts...
C'était hier l'été ; voici l'automne..."
Laforgue :
"C'est la saison, c'est la saison, adieu vendanges".
Apollinaire sacrifie à son tour à ce thème et présente le "pauvre automne" qui "mourra/quand l'ouragan souffleradans les roseraies".
Le vers s'enfle comme une rafale.
Les sonorités nasales (an) le prolongent, tandis quel'allitération du R imite la violence du vent.
C'est la fin de l'automne qui est évoquée, du moins au futur ("mourra"),mais d'une imminence qui frise le présent.
Le poète voit déjà le résultat des intempéries prochaines, abattant lesfruits ; "Quand il aura neigé Dans les vergers" ; effrayant les animaux devant les difficultés de vie qu'elles leurannoncent :
"Des éperviers planent" "Les cerfs ont bramé".
La saison, "feuille à feuille" est "déclose", pour reprendre une imagecélèbre de Ronsard, le poète-modèle d'Apollinaire ; nous la retrouvons cette image mélancolique sous la plume decet élégiaque du 20e s., mais dans un alexandrin un peu désarticulé :
"qui pleurent
Toutes leurs larmes/en automne/feuille à feuille",
prolongé par l'enjambement et aux coupes imitatives de la chute des feuilles et des gouttes d'eau.
Thème lyrique s'ilen fut que celui de l'automne, donc ; surtout qu'il est riche de bien d'autres thèmes traditionnels : d'abord l'attentede la nature, devant le destin inéluctable du retour des saisons.
La course de cette nature est parallèle à celle du"train" emportant qui ? vers quelle destination ? elle est inconnue pour ceux qui le contemplent.
Un refrain désabusétraduit ce cycle toujours recommencé (seuls les voyageurs changent...) : "Les feuilles Qu'on foule Un train Qui rouleLa vie S'écoule..."
Les vers de 2 pieds, la rime féminine 3 fois présentée : —oule, soulignent cette fuite du temps dont la vérité.
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