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Au début de son livre L'amour et l'Occident, M. Denis de Rougemont écrit : « L'amour heureux n'a pas d'histoire. Il n'est de roman que de l'amour mortel, c'est-à-dire de l'amour menacé et condamné par la vie même. » En vous appuyant sur des exemples précis, choisis parmi les différents romans que vous avez pu lire ou étudier, vous commenterez et apprécierez ce propos.

Publié le 01/02/2011

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amour

Selon un poète moderne « il n'y a pas d'amour heureux « (Aragon); Denis de Rougemont est moins pessimiste : il ne parle que de littérature et particulièrement ici du roman.

L'amour heureux, selon lui, n'offre guère d'intérêt pour le romancier : la pensée occidentale a été profondément marquée par le mythe de Tristan et Yseult, « ce beau conte d'amour et de mort «, que recoupent d'ailleurs les tragiques histoires d'Héloïse et d'Abélard, de Roméo et Juliette, les amants malheureux.

Mais les choses sont-elles si « simples «? Il y a assurément bien des récits d'amours malheureux dans les romans français, mais ce thème est-il unique? Le bonheur d'aimer n'a-t-il pas également sa place dans ces oeuvres? et ne peut-on découvrir, par une analyse approfondie, toute une gamme de nuances, de tendances essentielles, d'idées importantes dans ces créations qui furent inspirées par le « sentiment le plus important de la nature «, selon Baudelaire (Salon de 1846).

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« 3. N'est-ce pas plutôt l'homme lui-même? Il faut tenir compte d'abord de l'incompréhension naturelle qui oppose les tempéraments les uns aux autres.

Avantde parler de l'amour menacé, ne faut-il pas évoquer la difficulté d'aimer? Beaucoup d'amants nous apparaissent, lorsque nous les étudions attentivement, séparés par eux-mêmes, nepouvant accorder ni leurs sentiments, ni leurs pensées; ils ne s'entendent que provisoirement, pour des actesdéterminés et des moments bien courts, et en fin de compte, ne cessent de se torturer eux-mêmes.

Il en est ainside Frédéric Moreau, le très incertain et très humain héros de L'éducation sentimentale, qui néglige la jeune Louise Roque qui l'aime, hésite entre la jolie et superficielle Rosanette et la mondaine Madame Dombreuse pour constatertrop tard que c'était Mme Arnoux qu'il avait vraiment aimée, sans avoir jamais pu l'atteindre, faute de volonté et deténacité, sans doute. De même, dans Le lys dans la vallée de Balzac, les amours de Félix de Vandenesse et de Mme de Mortsauf sont-ils dès le début voués à l'échec, non seulement en raison de la différence d'âge, et du fait qu'elle est mariée, maisparce que l'incompatibilité psychologique et morale est profonde, et que ces deux êtres ne peuvent se rencontrerqu'aux brefs moments d'exaltation sensuelle ou mystique où ils peuvent s'oublier eux-mêmes.

Il sera facile de noterle même genre d'incompatibilité entre les gens qui s'aiment dans Le grand Meaulnes d'Alain-Fournier ou l'Aurélien d'Aragon. On peut aller plus loin : le refus est souvent au coeur de l'amour, et le pousse à se détruire lui-même.

Le cas deMme Bovary est bien connu : la malheureuse jeune femme est bien incapable de trouver dans un amant ou dans unmari la satisfaction des désirs et des rêves irréalisables qui la hantent.

Certains êtres sont congénitalementincapables de découvrir le bonheur, ou même l'apaisement.

Flaubert avait cette tare, lui qui voyait dans ce romanune véritable épopée de la désillusion.

La porte étroite d'André Gide est l'histoire d'une jeune fille, Alissa, qui préfère la sainteté au bonheur, ou plutôt qui considère que le vrai bonheur est dans la renonciation aux attachementstemporels.

Elle en meurt sans trouver l'apaisement qu'elle désirait, sans avoir réussi à vaincre son ardent amour pourJérôme. Même Mme de Clèves est bien plutôt prisonnière de son propre refus, de sa volonté de souffrir et de rester solitaire,que d'obligations ou de convenances extérieures qui n'ont plus de raisons d'être après la mort de son mari. Résumons toutes ces situations romanesques et dramatiques : ce n'est pas la passion qui est fatale, ce n'est pasl'amour qui, comme un mal extérieur, détruit Manon Lescaut, Emma Bovary, non plus que la Phèdre de Racine; ledrame est au cœur même des hommes, sans cesse en proie aux puissances contradictoires du désir et de lavolonté, de la vie et de la mort. Conclusion Heureux ou malheureux, l'amour joue un rôle important dans le roman français, essentiellement analytique etpsychologique.

La passion amoureuse polarise effectivement forces et faiblesses humaines, mais elle ne changefoncièrement ni les esprits, ni les âmes. Beaucoup de nos romans sont de beaux « contes d'amour et de mort » ou de séparation, qui pour les vrais amantsne se distingue guère de la mort physique, mais la souffrance et le malheur ne sont pas tout : nos grands écrivainsont constamment mis en valeur l'importance de cet amour, somme de nos misères et de nos grandeurs, véritablemiroir de la condition humaine.. »

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