Arthur Rimbaud, Les Illuminations, Enfance, Ill, IV

« Il y a une petite voiture abandonnée dans le taillis ou qui des­ cend le sentier en courant, enrubannée.

Il y a une troupe de petits comédiens en costumes, aperçus sur la route à travers la lisière du bois.

10 Il y a enfin, quand l'on a faim et soif, quelqu'un qui vous chasse.

IV Je suis le saint, en prière sur la terrasse, comme les bêtes pacifiques paissent jusqu'à la mer de Palestine1.

Je suis le savant au fauteuil sombre.

Les branches et la pluie se jettent à la croisée de la bibliothèque.

s Je suis le piéton de la grand'route par les bois nains; la rumeur des écluses couvre mes pas.

Je vois longtemps la mélancolique lessive d'or du couchant.

Je serais bien l'enfant abandonné sur la jetée partie à la haute mer, le petit valet suivant l'allée dont le front touche le ciel.

10 Les sentiers sont âpres.

Les monticules se couvrent de genêts.

L'air est immobile.

Que les oiseaux et les sources sont loin ! Ce ne peut être que la fin du monde, en avançant.

Arthur Rimbaud, Les Illuminations, Enfance, Ill, IV, 1886.

111,1 Fondrière: fissure dans le sol.

IV,1 Merde Palestine: interprétation incertaine.

1.

Des suggestions Nous appliquerons le premier conseil : se laisser porter par le texte.

Votre imagination et votre sensibilité sont vos principaux alliés pour expliquer un texte.

Un poème en prose d'Arthur Rimbaud devrait les stimuler.

2.

De l'aide 1) Situation Dans Les flluminaJions dont le sous-titre anglais était selon Verlaine Colou­ red Plates (gravures colorées), Rimbaud entreprend, de sa dix-huitième à sa vingtième année, de jeter les bases d'une poésie moderne en prose.

C'est un recueil de pièces où souvenirs vécus et imaginés s'entrechoquent pour créer des visions hallucinatoires, la frontière entre le rêve et la réalité étant abolie.

2) Lecture On cherchera à marquer l'émerveillement.

3) Idée générale Après avoir évoqué un « domaine » magique et troublant que peuplent de jeunes personnes tenues pour mortes (Enfance 1, Il), Rimbaud invento­ rie un monde hétéroclite, étrange, mais proche de l'enfance (III) et« joue» à multiplier sa propre existence (IV).. »