Aristote dit que la tragédie doit inspirer la terreur et la pitié. Dites dans quelle mesure cette règle est respectée dans la pièce de Phèdre.
Publié le 23/07/2012
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Le point culminant de la pièce, du point de vue des émotions ressenties, se trouve être le récit de Théramène à Thésée, à l'acte V, scène VI. Celui-ci raconte en effet la mort d'Hippolyte et la douleur d'Aricie. Le spectateur ne peut que compatir à cette douleur et prendre en pitié les quatre protagonistes. L'apparition du monstre, quant à elle, peut transmettre une certaine crainte face à l'implacabilité des dieux, mais ce n'est pas, dans cette scène, cette émotion qui domine. Ce récit est pathétique, de par son sujet, de par les circonstances dramatiques de la mort, de par sa cruauté (le jeune homme allait enfin toucher au bonheur, son union avec sa bien-aimée), de par l'identité, la jeunesse, la beauté et les qualités d’Hippolyte, de par les liens qui unissent l'auditeur au défunt (un père apprenant la mort de son fils), tout comme ceux le liant au narrateur, Théramène, dont les pleurs et la douleur sont également pitoyables.
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soupçon grandissant quant à la culpabilité de sa femme, il refuse de faire la lumière sur cette affaire.
Il semble préférer l'amour conjugal à l'amour paternel ("Je lecrois criminel, puisque vous l'accusez", vers 1600) et se révolte contre la "funeste bonté" des dieux (vers 1612 à 1616).
Nous ne pouvons que plaindre cet hommevictime de forces qui le dépassent, mais qui va tout de même, en adoptant Aricie, racheter sa faute.
Phèdre, quant à elle, va se confesser et mourir sur scène.
Aprèsavoir été prisonnière de sa passion, elle va enfin assumer avec un calme héroïque son crime.
Elle va choisir une mort lente, le poison, afin de dire la vérité et deracheter sa faute ("J'ai voulu […] par un chemin plus lent descendre chez les morts", vers 1635-1636).
A elle seule entre tous est donné le droit de mourir sur scène.Le code des bienséances, qui interdisait de représenter la mort devant les spectateurs, faisait en effet une exception pour le suicide en mentionnant qu'il ne faut"jamais répandre le sang de personne, mais on peut y verser le sien, quand on y est porté par un beau désespoir : c'était une action consacrée chez les Romains".Considéré comme un acte de courage, le suicide a donc une place d'honneur au théâtre, car il est admirable et inspire la crainte, la pitié et le respect.
Phèdre en effeteffraie le spectateur qui espère ne pas en arriver là un jour, l'attriste par sa mort et inspire le respect par son aveu.
Ces émotions sont fortement ressenties lorsqu'elledécrit les effets du poison, utilisant le champ lexical de l'agonie : "brûlantes veines", "poison", "venin parvenu", "cœur expirant", "froid inconnu", "ne vois plus qu'àtravers un nuage", "mort" (vers 1637 à 1644).
Nous pouvons ainsi nous rendre compte que la règle terreur-pitié s'applique à la Phèdre de Racine, avec des points culminants quant à l'émotion ressentie, points quicoïncident avec les moments dramatiques de la pièce.
Ces émotions sont toutefois modulées par le fait que le spectateur, parce qu'il connaît le mythe, connaît demême le dénouement funeste de l'histoire.
Racine, de plus, emprisonne ses personnages dans un destin fatal qui ne dépend pas d'eux, mais des dieux.
Pour cetteraison, ils ne sont pas tout à fait responsables de ce qui leur arrive.
Ils ne peuvent échapper à la fatalité qui les poursuit comme en témoigne le cas de Phèdre qui,condamnée à des amours violentes par la malédiction qui frappe sa famille, décide d'éloigner l'objet de ses désirs et se retrouve, malgré elle, à le côtoyer à nouveau.
Illui devient donc impossible de résister à la tentation.
Cette idée que toute action ou rébellion est inutile, bien que n'empêchant pas de ressentir la crainte et la pitié,vient les atténuer, car le sentiment sous-jacent qui intervient alors est celui de fatalité, de destin auquel on ne peut échapper.
Ces émotions restent toutefois toujoursfortes dans leur contexte..
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