Argumenter, réfuter, persuader - Jacques le fataliste de Diderot
Publié le 08/01/2020
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Un long débat s’engage au sujet de Mme de La Pommeraye : que penser cette femme qui, pour punir son amant infidèle, ourdit une machination implacable, minutieuse et terrible1? Est-elle «hypocrite», «scélérate» (p. 198), monstrueuse?
Diderot cherche à convaincre le lecteur indigné qu’il a tort :
- en renversant l’accusation : la vengeance est certes «atroce» (p. 198) mais, dans cette affaire, M™ de La Pommeraye est plus victime que coupable : fortune, honneur, réputation, elle avait tout sacrifié à son amant ;
- en multipliant les circonstances atténuantes : «Elle touchait au moment où la perte d'un amant ne se répare plus» (p. 199). Cet amour était le seul et le dernier de sa vie ;
- en relativisant la monstruosité de la vengeance : « Un homme en poignarde un autre pour un geste, pour un démenti, et il ne sera pas permis à une honnête femme perdue, déshonorée, trahie, de jeter le traître dans les bras d’une courtisane!» (p. 199). C’est un raisonnement a fortiori;

«
Le maître de Jacques se comporte parfois de la même manière
envers son valet.
Jacques pleure la mort de son capitaine.
Son
maître cherche à le consoler, mais d'une façon a priori étonnante : il
comprend, dit-il, qu'un amant puisse regretter la perte de la femme
aimée.
Quel est le rapport avec la disparition de son capitaine? se
demande Jacques.
Et son maître de lui expliquer :
Si je vous avais entretenu de l'objet de votre douleur, qu'en serait il arrivé? (tie vous eussiez pleuré bien davantage[ ...
].
Je vous ai donné le change[ ...
].
À présent convenez que la pensée de votre capitaine est aussi loin de vous que le char funèbre qui le mène à son dernier domicile (p.
86).
Et Jacques est bien obligé de l'admettre.
Comme Diderot, le maître a considéré la situation d'énonciation.
Réfuter, ce n'est dans un premier temps ni contester, ni nier; c'est
d'abord analyser et écouter la parole de l'autre.
1 Par la conviction et l'observation
Diderot veut par exemple convaincre ses lecteurs réticents de
l'authenticité de l'histoire du capitaine de Jacques.
Pour y parvenir:
-il cite ses sources et témoigne de sa bonne foi : cette histoire, il l'a
bien entendue de témoins dignes de confiance, chez "Monsieur de
Saint-Étienne» (p.
99);
-il disserte ensuite sur la notion d'extraordinaire : par définition,
l'extraordinaire est rare mais il n'est pas pour autant invraisemblable;
il est donc possible;
-pour preuve, il en appelle à une observation que tout un chacun
peut faire:
La nature est si variée, surtout dans les instincts et les caractères, qu'il n'y a rien de si bizarre dans l'imagination d'un poète dont l'ex
périence et l'observation ne vous offrissent le modèle dans la nature {p.
99).
Crédibilité (au moins apparente) du témoin, précision des notions,
objectivité du constat : le lecteur ne peut que se rendre aux raisons
de Diderot.
PROBLtMATIQUES ESSENTIELLES 95.
»
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