Devoir de Philosophie

ARGUMENTER PAR LA POÉSIE

Publié le 19/01/2020

Extrait du document

Texte 3 : Victor Hugo, Les Châtiments, 1853

Ultima verba ■

Ce titre, en français « Dernières Paroles », a été choisi par Hugo alors exilé sur l’île de Jersey depuis le coup d’Etat de Louis-Napoléon (2 décembre 1851). Au moment où il écrivit ce poème, on parlait d’une amnistie accordée par l’empereur Napoléon III ; certains exilés, au prix d’un acte de soumission, rentraient déjà en France. L’amnistie sans condition viendra en 1859-

Je ne fléchirai pas ! Sans plainte dans la bouche,

Calme, le deuil au cœur, dédaignant le troupeau,

Je vous embrasserai dans mon exil farouche,

Patrie, ô mon autel ! liberté, mon drapeau !

5 Mes nobles compagnons, je garde votre culte ;

Bannis, la République est là qui nous unit.

J’attacherai la gloire à tout ce qu’on insulte ;

Je jetterai l’opprobre1 à tout ce qu’on bénit !

Je serai, sous le sac de cendre qui me couvre,

10 La voix qui dit : malheur ! la bouche qui dit : non !

Tandis que tes valets te montreront ton Louvre,

Moi je te montrerai, César, ton cabanon2.

Devant les trahisons et les têtes courbées,

Je croiserai les bras, indigné, mais serein.

i5 Sombre fidélité pour les choses tombées,

Sois ma force et ma joie et mon pilier d’airain !

Oui, tant qu’il sera là, qu’on cède ou qu’on persiste,

O France ! France aimée et qu’on pleure toujours,

Je ne reverrai pas ta terre douce et triste,

20 Tombeau de mes aïeux et nid de mes amours !

Je ne reverrai pas ta rive qui nous tente,

France ! hors le devoir, hélas ! j’oublîrai tout.

Parmi les éprouvés, je planterai ma tente :

Je resterai proscrit, voulant rester debout.

25 J’accepte l’âpre exil, n’eût-il ni fin ni terme ;

Sans chercher à savoir et sans considérer

Si quelqu’un a plié qu’on aurait cru plus ferme,

Et si plusieurs s’en vont qui devraient demeurer.

Si l’on n’est plus que mille, eh bien, j’en suis ! Si même

30 Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla3 ;

S’il en demeure dix, je serai le dixième ;

Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là !

Jersey, 2 décembre 1852.

1. La honte.

2. Cellule où l’on enferme les fous dangereux.

3. Ce dictateur romain (138-78 av. J.C.) est resté célèbre pour ses massacres, ses proscriptions et ses confiscations de biens.

> CORPUS

1. J. de la Fontaine, Fables, II, 4,1668.

2. VOLTAIRE, Poème sur le désastre de Lisbonne, vers 1-30, 1756.

3. V. HUGO, Les Châtiments, VII, 17, 1853.

4. E. GuiLLEVIC, « La vie augmente », Gagner, 1949.

 

> QUESTION [4 pts]

Dites, pour chacun de ces poèmes, s’il s’agit d’une argumentation directe ou indirecte dont vous reformulerez la thèse implicite ou explicite.

> TRAVAIL D'ÉCRITURE [I6pts]

I - Commentaire

Vous commenterez le texte de Victor Hugo (texte 3).

II - Dissertation

L’écriture poétique vous paraît-elle renforcer ou affaiblir l’expression des idées ?

Vous répondrez à cette question en un développement composé, prenant appui sur les textes du corpus, ceux que vous avez étudiés en classe et vos lectures personnelles.

III - Écrit d'invention

Vous rédigerez un apologue en prose illustrant d’une autre façon la morale de la fable de La Fontaine « Les deux taureaux et une grenouille ».

À l'inverse, l'« argumentation indirecte » dénonce de façon détournée. Elle prend parfois la forme de l'apologue (fable, conte philosophique...) et peut user de registres divers (pathétique, réaliste, satirique) pour dénoncer. Votre réponse doit donc identifier la forme argumentative utilisée dans les quatre poèmes, ainsi que proposer une reformulation personnelle de la thèse (évitez au maximum de reprendre des mots du texte).

TRAVAIL D'ÉCRITURE Commentaire

Les informations contenues dans le paratexte sont ici essentielles. La date d'écriture du poème (2 décembre 1852), le lieu d'écriture (Jersey), ainsi que le titre du recueil, les Châtiments, doivent vous aider. Écrit à Jersey et un an exactement après le coup d'État de Louis-Napoléon, jugé scélérat par Hugo, le texte est donc l'œuvre d'un exilé, dont la voix solitaire et amère résonne pour châtier et fustiger un régime impérial honni. Plus que voix poétique, la voix qui éclate dans le texte hugolien est une parole de la colère et de l'invective.

« Ill Texte 2 : VOLTAIRE, Poème sur le désastre de Lisbonne, 1756 En 1175, Lisbonne est dévastée par un tremblement de terre.

Ô malheureux mortels ! ô terre déplorable ! Ô de tous les mortels assemblage effroyable! D'inutiles douleurs éternel entretien ! Philosophes trompés qui criez: «Tout est bien»; 5 Accourez, contemplez ces ruines affreuses, Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses, Ces femmes, ces enfants l'un sur l'autre entassés, Sous ces marbres rompus ces membres dispersés ; Cent mille infortunés que la terre dévore, 10 Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore, Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours Dans l'horreur des tourments leurs lamentables jours ! Aux cris demi-formés de leurs voix expirantes, Au spectacle effrayant de leurs cendres fumantes, 15 Direz-vous : « C'est l'effet des éternelles lois Qui d'un Dieu libre et bon nécessitent le choix? » Direz-vous, en voyant cet amas de victimes : « Dieu s'est vengé, leur mort est le prix de leurs crimes ? » Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants 20 Sur le sein maternel écrasés et sanglants ? Lisbonne, qui n'est plus, eut-elle plus de vices Que Londres, que Paris, plongés dans les délices ? Lisbonne est abîmée 1, et l'on danse à Paris.

Tranquilles spectateurs, intrépides esprits, 25 De vos frères mourants contemplant les naufrages, Vous recherchez en paix les causes des orages : Mais du sort ennemi quand vous sentez les coups, Devenus plus humains, vous pleurez comme nous.

Croyez-moi, quand la terre entrouvre ses abîmes, Ma plainte est innocente et mes cris légitimes.

1.

Plongée dans l'abîme.

Ill Texte 3 : Victor HUGO, Les Châtiments, 1853 Ultima verba Ce titre, en français «Dernières Paroles », a été choisi par Hugo alors exilé sur l'île de Jersey depuis le coup d'État de Louis-Napoléon (2 décembre 1851).

Au moment où il écrivit ce poème, on parlait d'une amnistie accordée par 143. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles