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Après avoir parlé du théâtre de Samuel Beckett, Getan Picon déclare à propos des pièces d'Ionesco qu'on assiste à notre époque à une « mise en question de la convention théâtrale ». En vous appuyant sur l'oeuvre d'un des écrivains que l'on a rangés parmi les créateurs d'un « anti-théâtre » vous mon¬trerez comment elle s'oppose sur le plan des structures dra¬matiques et sur celui de la conception du comique au théâtre traditionnel.

Publié le 11/09/2014

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Mais l'aspect insolite de ce dialogue n'est

pas gratuit. En un sens il révèle la psychologie des personnages aussi insolite que leurs propos. Habituellement on assiste au théâtre à des conflits de caractères et la puissance du comique naît souvent du relief abrupt que prend chez un per­sonnage un trait essentiel qui le domine. Ici les personnages n'ont d'ordinaire aucune individualité. Et s'il est vrai toutefois que Bérenger, le héros des pièces les plus récentes, possède une cohérence réelle, il n'est que l'exception qui confirme la règle. Ce n'est pas sans raison que tant d'hommes et de femmes aux­quels il est fait allusion dans la Cantatrice chauve s'appellent 

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« XXe SIÈCLE : LE THÉATRE 251 révolutionnaires.

A ce titre les pièces d'Eugène Ionesco offrent une illustration brillante de cette théorie et de cette technique nouvelle.

1.

L'ABOLITION DE LA DISTINCTION DES GENRES, BASE D'UNE REFONTE TOTALE C'est ainsi que, d'emblée, dans l'une de ses pièces, Victimes du Devoir, faisant d'un de ses personnages son porte-parole, Ionesco lui prête cette déclaration : « Plus de drame ni de tra­ gédie ; le tragique se fait comique, le comique est tragique.

» Quand on se rappelle ce que représentait, à 1 'époque du théâtre romantique, le simple fait de réclamer le droit pour un écrivain de faire coexister dans une même pièce le comique et le tragique, on mesure d'autant mieux l'audace révolutionnaire de cette déclaration.

Il ne s'agit plus maintenant de faire accepter un mélange des genres, mais de mettre en question le principe même de leur distinction.

Ionesco affirme que les deux éléments sont inséparables parce qu'en réalité ils se confondent.

Et cette perspec­ tive inspire toute l'originalité de son théâtre.

Le comique poussé à son paroxysme ramène inévitablement aux sources profondes du tragique.

L'exploitation rigoureuse de ce principe conduit à abolir les structures traditionnelles du théâtre ou à en changer radicalement le caractère et la portée.

Le dialogue C'est ainsi d'abord que le dialogue, élément majeur à partir duquel on reconnaît d'emblée si un écrivain est doué pour le théâtre, perd ses qualités habituelles.

D'ordinaire on se plaît à saluer la vivacité des reparties qui s'affrontent et l'escrime des ripostes fulgurantes qui fusent du tac au tac.

Chez Ionesco, les personnages échangen1 des propos souvent sans queue ni tête.

Ce ne sont que cliquetis de mots ou plutôt de sonorités, dans la mesure où ces mots sont vides de sens; il suffit pour s'en convaincre d'écouter converser M.

et Mme Smith au début de la Cantatrice chauve : « J'irai demain lui acheter une grande marmite de yaourt folklorique...

Le yaourt est excellent pour ! 'estomac, les reins, l'appendicite et 1 'apothéose.

» Parfois ! 'écrivain se complaît à associer curieusement les choses et les êtres à partir d'un élément plus qu'inattendu.

Témoin cette réplique de La Leçon : «Les roses de ma grand-mère sont aussi jaunes que mon grand-père qui était Asiatique.

». »

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