Antoinette Deshoulières, mondaine et poétesse
Publié le 22/08/2013
Extrait du document
De retour à Paris, cependant, cette femme brillante et érudite mène une existence mondaine. Elle fréquente les hôtels de Bouillon et de Nevers, la demeure du poète Paul Scarron, où elle rencontre Madeleine de Scudéry et la marquise de Sévigné. Elle tient elle-même salon et compte parmi ses amis proches le dramaturge Pierre Corneille, à qui elle restera toujours
Deshoulières
«
sable -, sa poesie raffinée et
un brin languissante, publiée à
partir de 1672 dans la revue Le
Mercure galant , est très appré
ciée .
Elle compose des poè
mes sur la vie de la Cour, les
drames
et les péripéties qui
s'y jouent, ainsi sur la mort du
duc de Montausier, la maladie
et la guérison de Louis XIV, la
UNE PRÉCIEUSE
CRITIQUEE
Antoinette Deshoulières n'a
pas eu que des admirateurs.
Le chevalier de Saint-Gilles,
successivement
mousquetaire
et moine, l'accuse de plagiat
et se moque de ses
mignardises.
« Restituez
donc à Saint-Gilles 1 Le faible
honneur de ses chansons ; 1
Contentez-vous de vos
idylles
1 Et retournez à vos
moutons
», remarque-t-il
avec ironie.
Mais
c'est
sans doute Nicolas Boileau
qui a la
dent la plus dure.
«
C'est une précieuse, 1 Reste
de ces esprits jadis si
renommés 1 Que d'un coup
de son art Molière a
diffamés .
1 De tous leurs
sentiments cette noble
héritière 1 Maintient encore
ici leur secte façonnière »,
affirme-t-il dans sa Satire X.
Et d'ajouter : « C'est chez elle
toujours que les fades auteurs 1 S'en vont se consoler du mépris des
lecteurs ( ...
) 1 Là du faux bel
esprit se tiennent les bureaux, 1 Là tous les vers
sont bons pourvu qu'ils soient
nouveaux.
» Il est vrai que
madame Deshoulières,
qu'Antoine
Baudeau de
Somaize mentionne dans son
Dictionnaire des précieuses
sous le nom de « Dioclée >>,
fidèle à ses emballements de
jeunesse, ne fait pas toujours
preuve de bon goût.
Elle
commet surtout la faute impardonnable de
provoquer et de diriger,
depuis l'hôtel de Nevers,
la
cabale contre Phèdre de
Jean Racine.
naissance du duc de Bourgo
gne .
Mais son
inspiration est
essentiellement bucolique :
elle chante les animaux fami
liers, chiens , chats ,
moutons .
« Dans ces prés fleuris 1 Qu'ar
rose la Seine,
1 Cherchez qui
vous mène, 1 Mes chères bre
bis : 1 j'ai fait , pour vous rendre
1 Le destin plus doux, 1 Ce
qu 'on peut attendre 1 D'une
amitié tendre >>, s 'exclame+
elle .
On peut certes taxer ces
effusions
de fadeur ; pourtant , ·
dans ses églogues, élégies et
idylles, intitulées Les Moutons ,
Les Ois eaux, L e Ruisseau , Antoi
nette Deshoulières développe
une philosophie de la vie , cé
lèbre avec sincérité les beau
tés de la nature , en oppo sition
à la vanité de l'existence que
mènent les hommes.
Précieuse et libertine en mê
me temps que philosophe et
moraliste , madame Deshou
lières place les plaisirs de l'es
prit avant ceux de la chair ,
l'amour et la passion étant
sources de malheurs .
Elle
prône une existence apaisée
au sein de la nature, loin des
tumultes de s plaisirs futiles :
ce
retrait en des lieu x paisi
bles correspond à la vraie sa
gesse .
Elle
renouvelle la poé
sie pastorale en lui apportant
un ton mélancolique et parfois
amer : « Hélas, petits moutons,
que vous êtes heureu x ! 1 Vous
paissez dans nos champs , sans
soucis , sans alarmes :
1 Aussi
tôt aimés qu'amoureux, 1 On
ne vous force point à répandre
des larmes .
» Elle nourrit sa
poésie de ses malheurs, qui
apportent réflexion et profon
deur à son œuvre .
Mais les succès
mondains et
littéraires dissimulent de gra
ves
difficultés financières .
Mal
gré la
pension de deux mille li
vres qui lui est attribuée à par
tir de 16 8 8 , Antoinette Deshou -
~E DITI ONS ~ ATLAS
lières vit ses dernières années
dans la
gêne .
La maladie- elle
est atteinte d'un cancer du sein
qui va la torturer des années
durant , souffrance qu'elle sup
porte stoïquement -lui suggè
re sur la fin
de sa vie des
œuvres d'une très grande élé
vation morale, d'inspiration
chrétienne, sur la vanité de
toute ambition humaine .
Elle
meurt le 17 février 1694 ·· en
laissant une fille , Antoinette
Thérèse, née en 1662 .
Made
moiselle Deshoulières, égale
ment poétesse, composera
des vers qui se rapprocheront
souvent de ceux de sa mère et
disparaîtra en 1718, après avoir
été distinguée par l'Académie
française pou r son Élog e de l'ɭ
tabliss em e nt de Saint-Cyr .
"' 0 N w "' u.
»
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