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Antelme: L'espèce Humaine - Lecture analytique

Publié le 12/09/2018

Extrait du document

antelme

 

Ce mot est on le sait polysémqiue : au-delà du sens historiquement apporté par la Renaissance et qui désigne une culture fondée sur les humanités , il comporte deux significations majeures mais liées

- La première est la reconnaissance en tout humain, quels que soient sa race , son sexe, sa culture, d’un individu méritant le respect des droits à la liberté, à l’égalité, à l’assistance , à l’épanouissement . Il est d’essence morale et politique et comporte la récusation de tout ce qui est haine, ce qui opprime, exploite, humilie l’être humain

- La seconde notion d’humanisme est liée à l’idée de progrès scientifique et écononomique , de maîtrise de la nature et à la conquête du monde : il s’agit d’un humanisme dominateur et conquérant qui valorise la culture sur la nature

 

Le premier humanisme a animé un Bartholomé de las casas qui a défendu l’idée que les Indiens avaient une âme et qu’ils étaient aussi humains que les Européens. Il a animé un Montaigne qui a dénoncé l’illusion d’appeler « barbare » ceux qui ont une autre civilisation que la nôtre. Il a animé aussi les grands philosophes des Lumières, les penseurs révoltionnaires, les internaionalistes du XIX. Ce furent en revendiquant leur égalité humaine que les colonisés s’émancipèrent .

 

La revendication « d’Espèce humaine » chez Antelme relève de cette première définition de l’humanisme . En ce sens Antelme regénère l’humanisme en se situant à ce qui constitue sa source première : , l’appartenance à l’espèce mais il ne circonscrit pas la notion d’espèce à son aspect biologique ( ce qu’on fait les nazis en se trompant ). L’espèce humaine est bp plus complexe : elle associe au corps , l’âme et l’esprit et les trois sont indivisibles : le déporté qui a résisté est dcelui qui a pensé sa condition pour la mâitriser et résister

 

Elle a pour conséquence un caractère extraordinaire : la revendication d’humanité du bourreau . Au lieu de renvoyer au SS , en symétrie , le déni d’humanité qui est celui du SS pour le déporté , Antelme affirme que l’on ne peut retrancher le SS de l’espèce humaine , sinon on tombe dans une logique qui est celle du raciste

 

Cette humanisme prend sa source dans les sources chétiennes qui baigne la culture occidentale mais Antelme est un laïque qui ne promet aucune récompense, aucune promesse divine mais s’inscrit dans la nécessaire capacité de pardon qui peut seule nous faire échapper à la vendetta , à la haine , au cycle qui à nouveau ravage l’humanité « la maladie ».

Si on désigne comme crinminel ue personne qui a commis un crime dans sa vie , on élimine de fait les autres aspects de sa personnalité et de sa vie . Nous devons comprendre que les Hitler , Saddam , Staline , et fanatiques de tous ordre sont aussi humains et que dans leurs traits ignobles , il y aussi des caractères d’humanité .

 

C’est pourquoi l’humanité du déporté est liée à l’humanité de son bourreau : le SS aussi possède cette part d’humanité . Si on dénie cette proposition, on rentre dans la logique du SS. L’homme est condamné à « être homme » pour paraphraser Sartre et il partage cette condition avec tous les autres hommes

 

C. la résistance des mots

 

Le premier § témoigne d’une poéticité que l’on attendrait pas :

-le narrateur , obsédé par la faim, s’inscrit aussi dans une syntaxe du manque illustré par la parataxe . Mais les 7 premières phrases qui sont un éloge vibrant de cette nature existante en dehors des camps , se révèlent être un acte langagier de résistance au prosaïsme, à la terrible faim qui tenaille les entrailles , à la fonctionnalité obsédante des corps qui hante le quotidien. -La nature semble animer d’un souffle démiurgique par le biais des personnifications « les arbres respirent calmement, les feuilles transpirent , les prés possèdent un immense pelage». Les prés , signifiant une autre vie possible dans une liberté prochaine et fantasmée . C’est dans une sorte de vie intérieure au détenu, hors de la portée des SS que réside l’espoir d’un essor futur. : celui de la pensée

 

La poésie est peut être la seule forme de langage capable de traduire , ce qu’ Antelme appelle dans sa préface « l’inimaginable » : elle s’interpose entre le langage courant et l’expérience testimoniale pour établir un rapport entre les deux . Elle est surtout ce qui permet de dépasser l’inexprimable du camp, à l’écoute d’un monde qui attend le réenchantement .

La parole poétique d’Antelme cherche à faire ressurgit « cet ancien monde véritable » L.51, l’expression est entre guillemets, celui d’avant le dérèglement cataclysmique .

 

D’autre part, Antelme a fait l’expérience redoutable à la sortie des camps, alors qu’il était tout juste délivré par les Américains, de ne pas être cru dans ce qu’il racontait . Il a eu le sentiment de l’ intransmissible et aussi le sentiment que toutes les histoires vraies de ses compagnons survivants étaient irrécevables à l’état brut . Il faut de l’artifice pour faire passer une parcelle de vérité. La réalité des camps n’est imaginable que si elle est transcrite dans une forme qui la rend abordable par l’imagination à défaut de conceptualisation : la transformation du vécu par l’écrit

 

Antelme prend soin de ne pas confiner son témoignage dans une trame factuelle de perceptions insoutenables . Vivre et survivre , c’est aussi chercher le sens à la base de l’indestructibilité de l’humanité . Ce qui fait la spécificité de l’espèce humaine, n’est pas essentiellement biologique : c’est cette capacité de poétisation , un ensemble d’âme et d’esprit qui permet la survie .

 

w.

. Antelme a dit lui-même que la contestation de l’humanité , cet état de négation, a été « constamment sensible et vécu »et qu’il a fallu taire cette sensation qui conduit au mutisme, pour la restituer au nom de tous les détenus . Ecrire au présent , c’est donc redonner une très grande force à cette irréductibilité de l’homme , comme si la tentative de deshumanisation nazie n’était qu’apparente , laissant subsister l’être pensant jusque dans les circonstances qui lui déniaient la possibilité de même de réfléchir , comme la faim qui tend l’homme vers l’état de « bête »

 

Conclusion

 

L’Espèce humaine est l’un des témoignages majeurs de la littérature concentrationnaire . Tout d’abord parce qu’Antelme pousse dans ses dernières limites la reflexion sur le sens de la volonté exterminatrice des SS.

Le texte met en lumière le paradoxe de l’entreprise de destruction nazie : en cherchant à nier l’humanité des déportés et à prouver leur supériorité sur les autres hommes, les SS aboutissent à montrer la commune appartenance des bourreaux et des victimes à une seule Espèce « l’espèce humaine » d’où le titre de l’ouvrage

L’Espèce humaine est aussi un texte testimonial qui avoue sa singularité à dire ce que l’on pensait indicible : la tentative radicale de la déshumanition . Dans cette expérience impossible , se loge la littérature car la dimension esthétique par sa distance d’avec le réel permet la transmission , permet de dire l’inexprimable car elle lui donne un sens , une forme , des mots qui l’inscrivent . Primo Levi raconte dans « si c’est un homme » la volonté du narrateur de réciter par cœur un passage de l’Enfer de Dante qui lui permet de se raccrocher à ce que l’humanité a produit de plus beau pour supporter l’inimaginable des camps et aussi parce que la littérature sait parler la douleur en la purifiant dans le langage .

Problématique : montrez de quelle manière ce passage formule une expérience limite de l’humanité .

Plan :

1. Un récit testimonial singulier

2. L’écriture de la deshumanisation

3. Un renversement éthique : l’irréductibilité de l’espèce humaine

antelme

« A.

Un texte inclassable entre réalité , fiction et réflexion Le témoignage d’Antelme appartient autant à l’histoire qu’à la littérature mais il reste inclassable : A l’histoire :il pourrait trouver sa place dans la littérature documentaire historique : la perspective historique est soulignée par l’emploi répété du mot « histoire » ( l.38) , « mission historique ( L.34)« avec le souci de témoigner de l’existence des camps de concentration .

Il se lit dans ce que l’on connaît des camps et que l’on retrouve ici mentionné - l’appellation allemande « SS » ( 4 fois) ( L.

35-46 -59-63) - l’enfermement des détenus « Ce qui est dans cette salle », ( L.14) - dans la mention d’une maladie qui donne la dimension collective de cet épisode tragique humain .« Cette maladie extraordinaire n’est qu’un moment culminant dans l’histoire des hommes » .

( L.37) et « Ce qui est dans cette salle apparaît comme la maladie extraordinaire »(L.

37) - la mention de la faim obsessionnelle des corps : d’une part ,on se bat pour manger et puis lorsqu’on pense à la nature à l’extérieur du camp , on pense que les chiens sont « repus » et que les insectes « se nourrissent » ( L.1 -3) - la lutte contre la mort « C’est un rêve de SS de croire que nous avons pour mission historique de changer d’espèce, et comme cette mutation se fait trop lentement, ils tuent ».

( L.35)Le lexique de la mort et du pourrissement hante le début du texte texte « la mort a chassé », plante « pourrissante » « tout ce qui meurt » . A la fiction Mais le caractère inconcevable et inimaginable de l’expérience racontée relève de la fiction pour le lecteur qui n’a pas subi l’enfer des camps, et projette cette expérience dans des limites difficiles à concevoir entre vérité et fiction.. - D’abord la nature est restée intacte en dehors du camp ,elle nourrit les fantasmes des détenus puisqu’elle est presque personnifiée: « les arbres respirent, les prés se couvrent de rosée » et d’une certaine façon , montre que la vie est toujours là, ne s’efface pas .

Elle est aussi idéalisée par des métaphores : les prés sont « d’immenses pelages »L’espace fantasmatique ainsi projeté déréalise la cruauté des camps -D’autre part, on s’attend dans le cadre d’un témoignage à des éléments factuels , précis, objectifs , soit une réalité au scalpel or dans le texte rien n’est vraiment concret.

Les termes qui pourrait l’être sont au pluriel ou sont indéfinis par l’emploi d’un déterminant généralisant « Toute bête » « toute plante pourrissante »..

» ou « les chiens » ou « tout ce qui meurt , tout ce qui pourrit » de sorte que ces mots acquièrent une valeur d’abstraction qui distancie le réel -Enfin , la caractérisation de certains noms apparaît décalée « toute bête nous apparait » somptueuse , (L.

17-26) « le destin de cette plante nous apparaît aussi luxueux »( L.19-58) d’autant qu’elle est répétée. »

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