« Anecdote personnelle », DDFC, Olympe de Gouges, 1791.
Publié le 10/04/2024
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« Anecdote personnelle », DDFC, Olympe de Gouges, 1791.
Neuf heures sonnent, et je continue mon chemin: une voiture s’offre à mes regards, j’y
prends place, et j’arrive à neuf heures un quart, à deux montres différentes , au PontRoyal.
J’y prends le sapin, et je vole chez mon imprimeur, rue Christine, car je ne peux
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aller que là si matin: en corrigeant mes épreuves , il me reste toujours quelque chose à
faire , si les pages ne sont pas bien serrées et remplies.
Je reste à peu près vingt
minutes, et fatiguée de marche , de composition et de d’impression , je me propose d’aller
prendre un bain dans le quartier du Temple, où j'allais diner.
J’arrive à onze heures
moins un quart, à la pendule du bain; je devais donc au cocher une heure et demie;
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mais , pour ne pas avoir de dispute avec lui, je lui offre 48 sols: il exige plus, comme
d’ordinaire; il fait du bruit.
Je m’obstine à ne vouloir plus lui donner que son dû, car l’être
équitable aime mieux être généreux que dupe .
Je le menace de la loi , il me dit qu’il s’en
moque, et que je lui paierai deux heures.
Nous arrivons chez un commissaire de paix ,
que j’ai la générosité de ne pas nommer, quoique l’acte d’autorité qu’il s’est permis
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envers moi mérite une dénonciation formelle.
Il ignorait sans doute que la femme qui
réclamait sa justice était la femme auteure de tant de bienfaisance et d’équité.
Sans
avoir égard à mes raisons, il me condamne impitoyablement à payer au cocher ce qu’il
me demandait.
Connaissant mieux la loi que lui, je lui dis, « Monsieur, je m’y
refuse, et je vous prie de faire attention que vous n’êtes pas dans le principe de votre
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charge ».
Alors, cet homme, ou, pour mieux dire, ce forcené s’emporte , me menace de
la force si je ne paye à l’instant, ou de rester toute la journée dans son bureau.
Je lui
demande de me faire conduire au tribunal de département ou à la mairie , ayant à me
plaindre de son coup d’autorité .
Le grave magistrat, en redingote
poudreuse et
dégoûtante comme sa conversation, m’a dit plaisamment: « Cette affaire ira sans
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doute à l’Assemblée nationale ? » « Cela se pourrait bien », lui dis-je; et je m’en fus
moitié furieuse et moitié riant du jugement de ce moderne Brid'oison, en disant: «C’est
donc là l’espèce d’homme qui doit juger un peuple éclairé ! »
Situation du passage :
INTRODUCTION
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Si la Révolution Française a proclamé l'égalité des citoyens, elle a négligé les femmes, qui, malgré
leur engagement dans la révolution, n'ont pas bénéficié des mêmes droits que les hommes.
Dans ce contexte complexe, où les idéaux des Lumières ont imprégné la pensée, émerge la voix
d'Olympe de Gouges.
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Olympe de Gouges (1743-1793), écrivaine du XVIII e siècle a joué un grand rôle dans le combat
pour l'égalité et la justice entre les sexes.
Fervente féministe avant l'heure, elle a utilisé sa plume
pour dénoncer les injustices faites aux femmes et pour réclamer leur pleine reconnaissance en
tant que citoyennes à part entière.
A ce titre, en 1791, elle rédige « La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne », un
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pastiche critique de « La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » de 1789, où elle
appelle à l'égalité homme/femme et à la fin des discriminations entre les sexes.
L’extrait que nous étudions se situe à la fin de l’œuvre, où le ton se fait plus personnel.
Il s'agit du récit d'une expérience vécue par l'auteure, où elle relate une altercation avec un cocher
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qui tente de l'arnaquer pour une course.
.
Malgré ses efforts pour faire valoir ses droits, elle se
retrouve confrontée à l'autorité d'un commissaire de paix injuste.
Cette anecdote personnelle, en apparence anodine, revêt une dimension symbolique plus large,
illustrant les défis auxquels les femmes étaient confrontées dans la société patriarcale de
l'époque.
En effet, malgré son statut d'écrivaine reconnue et de militante engagée, Olympe de
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Gouges ne peut échapper à sa condition de femme, soumise aux préjugés et aux injustices de
son temps.
De quelle manière ce récit anecdotique personnel permet à ODG de dénoncer les injustices
subies par les femmes ?
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Dans un premier temps, nous verrons que c’est un récit dynamique et chronométré tel « une
course contre la montre », ensuite nous évoquerons la dispute avec le cocher et pour finir nous
aborderons l’injustice et l’autorité du magistrat.
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701er mouvement : « Neuf heures sonnent … où j’allais dîner ».
Un récit dynamique et chronométré
Un récit dynamique et chronométré …
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L’emploi de pronoms et de déterminants possessifs à la 1ère personne « je,
mon, mes » souligne le caractère autobiographique du récit.
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85
Les trois phrases qui composent ce premier mouvement offrent au lecteur le
récit d’une anecdote où chaque minute compte.
En effet, de nombreuses des indications temporelles «Neuf heures» « neuf heures un
quart » «si matin» «à peu près vingt minutes » rythment l’emploi du temps chargé de
l’autrice qu’elle ancre ainsi dans le réel.
Les repères spatiaux « au Pont Royal » « chez mon imprimeur, rue Christine » «le
quartier du Temple » participent aussi à cette idée.
Ainsi, la narratrice utilise des indications temporelles et spatiales pour établir une
chronologie rigoureuse des événements, démontrant sa fiabilité et son souci de dire la vérité.
Elle va même jusqu'à justifier les horaires en mentionnant qu'elle a vérifié l'heure à deux montres
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différentes .
….d’une écrivaine toujours en action
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Olympe de Gouges se présente ici comme une travailleuse acharnée, qui n’a pas
une minute de répit.
Le rythme effréné de son quotidien est renforcé par :
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l’utilisation du présent de narration, les verbes de mouvement comme
« je continue » « j’y prends place» « j’arrive »,
ainsi que la métaphore de la précipitation avec « je vole chez mon
imprimeur».
et enfin de très nombreuses virgules miment la course effrénée de la narratrice.
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De plus, l’expression « toujours quelque chose à faire » renforce cette idée d’une vie
constamment active.
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Elle démontre son implication active dans le processus d'impression de son ouvrage en
utilisant un vocabulaire spécifique à l'imprimerie .
«En corrigeant mes épreuves» «fatiguée de marche, de composition et
d’impression»
Elle offre d’elle-même l’image d’une femme sérieuse, acharnée et perfectionniste avec la
conjonction de subordination conditionnelle « si les pages ne sont pas bien
serrées et remplies »
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Ainsi, ce premier mouvement lui permet de gagner en crédibilité et de susciter la
confiance du lecteur, ce qui sera crucial....
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