ANDRÉ CHÉNIER (1762-1794). Vie et oeuvre
Publié le 20/06/2011
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1. André-Marie Chénier était fils de Louis Chénier et d'une Grecque, originaire de l'île de Chypre, Élisabeth Santi-Lomaca. Né à Constantinople, le 3o août 1762, André vint terminer ses études à Paris, au collège de Navarre. En 1782, il alla, comme cadet au régiment d'Angoumois, tenir garnison à Strasbourg; mais il démissionna six mois plus tard. En 1783, il voyagea en Suisse et en Italie. Puis il revint à Paris, où il passa quelques années. C'est pendant cette période (1783-179o) qu'André Chénier a composé, et le plus souvent ébauché, la plupart de ses poésies : élégies, bucoliques, idylles, poèmes didactiques. Mais il ne publia presque rien; de son vivant ne paraissent que le Jeu de paume (dédié à David), et les Suisses de Châteauvieux. En effet, à partir de 1790, André Chénier est surtout journaliste. Il collabore au Journal de Paris. Il est constitutionnel. Partisan résolu de la Révolution, il voulait sauver la royauté et la personne du roi (il a aidé Malesherbes à préparer la défense de Louis XVI). Emprisonné à Saint-Lazare le 7 mars 1794, il fut exécuté le 29 juillet, à la barrière de Vincennes. Une même charrette emmenait avec lui Roucher, l'auteur des Mois.
«
Des antres, des forêts déesse tutélaire,Qui vient d'une insensible et charmante langueurSaisir l'ami des champs et pénétrer son coeur,Quand, sorti vers le soir des grottes reculées,Il s'égare à pas lents au penchant des vallées,Et volt des derniers feux le ciel se colorer,Et sur les monts lointains un beau jour expirerDans sa volupté sage, et pensive, et muette,Il s'assied, sur son sein laisse tomber se tête.»
Mais à côté de ce Chénier mondain et délicatement épicurien, du moins dans ses poèmes, il y eut aussi le perpétuelétudiant, le chercheur insatiable qui, depuis les années passée au collège de Navarre, ne cessa jamais de réfléchirsur les chefs-d'oeuvre de l'antiquité grecque et latine, de les annoter, de discuter au besoin les commentairesérudits de leurs présentateurs, de suivre avec attention les progrès des recherches de tous ordres concernant lemonde antique.
D'ailleurs, sa correspondance en témoigne, l'étude fut souvent pour lui le moyen de fuir une sociétéfactice au sein de laquelle il avait le sentiment de perdre son temps et ses forces, de lutter contre l'angoisse qui lesaisissait à la pensée qu'il ne pourrait pas réaliser ses ambitions poétiques.Vivant grâce à elle dans la familiarité des héros de la Grèce ou de la Rome antique, il pouvait ainsi oublier quelquepeu ses contemporains ou même rêver de les rendre semblables aux grands hommes du passé.
Dans cetteperspective, il lui arrivait de concevoir l'activité poétique non seulement comme le moyen de ressusciter aux yeux dumonde moderne le climat et les couleurs de l'antiquité mais encore de le régénérer moralement en lui faisantcomprendre et sentir ce qu'étaient les vertus et la sagesse des Anciens 2.
Les poèmes des Bucoliques qu'il acomposés presque tout au long de sa vie, illustrent bien cette conception.
Certes, ils sont souvent alourdis par uneérudition excessive ou laissent trop voir les emprunts de leur auteur.
L'image de la Grèce homérique ou alexandrinequ'ils nous donnent, tantôt pathétique à la Greuze, érotique à la Parny ou à la Restif, vertueuse à la Rousseau, peutaujourd'hui paraître bien conventionnelle, trop fade ou au contraire, parfois, trop clinquante.
Mais on comprend qu'ilsaient enthousiasmé les poètes romantiques et surtout les Parnassiens, par la souplesse et la musicalité de leursvers, par la beauté plastique de leurs images et leur sens du mouvement :
HERCULE SUR L'OETAOeta, mont ennobli par cette nuit ardente,Quand l'infidèle époux d'une épouse imprudenteReçut de son amour un présent.
trop Jaloux,Victime du Centaure immolé par ses coups ;Il brise tes forêts ta cime épaisse et sombreEn un bâcher immense amoncelle sans nombreLes sapins résineux que son bras a ployés.Il y porte la flamme.
Il monte ; sous ses piedsEtend du vieux lion la dépouille héroïque,Et l'oeil au ciel, la main sur sa massue antique,Attend sa récompense et l'heure d'être un dieu.Le vent souffle et mugit.
Le bâcher tout en feuBrille autour du héros ; et la flamme rapidePorte aux palais divins l'âme du grand Alcide.
»
Mais Chénier ne fut pas seulement tourné vers le passé et hanté par la nostalgie de l'âge d'or.
Il a eu aussil'ambition d'être le chantre du monde moderne et de la Science comme bien d'autres poètes de son temps.
Avec «Hermès », il entreprit un vaste poème didactique en trois chants sur l'histoire de la Terre et l'évolution de l'Humanitéqui devait faire la synthèse des vues de Buffon et du Contrat social.
Il ne put en écrire que quelques fragments.
Demême, L'Amérique, devait en douze mille vers décrire ce continent et retracer les grandes étapes de sa conquête.S'il en avait eu le temps et les forces, Chénier eût-il réussi à devenir le grand poète épique moderne dont le XVIIIesiècle a ressenti amèrement l'absence et « à remplacer l'antique mythologie par une mythologie nouvelle » ? II estdifficile de répondre avec certitude à cette question en se fondant sur les quelque dizaines de vers et les notes qu'ilnous a laissés.
Le lecteur habitué au lyrisme hugolien risque de les trouver bien pâles et pourtant certainespassages ne manquent pas de grandeur :
Muse, Muse nocturne, apporte-moi ma lyre.Comme un fier météore, en ton brûlent délireLance toi dans l'espace ;et pour franchir les airs,Prends les ailes des vents, les ailes des éclairs,Les bonds de la comète aux longs cheveux de flamme.(Le Chant d'Alonzo, dans L'Amérique)
Poète didactique, Chénier le fut aussi dans ses poèmes consacrés aux conditions de la création poétique et au rôle.
»
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