Analysez et commentez ce jugement de René Bray : « La Fontaine se sert bien aussi des animaux pour personnifier les vices et les vertus. Mais cette personnification est très différente de l'identification à la manière d'Ésope. »
Publié le 17/01/2022
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«
les types de forces.
On retrouve chez La Fontaine toute une tradition qui correspond à l'héritage de l'Antiquité et du Moyen Âge ; mais ilne se contente pas de réutiliser des masques déjà portés, car il joue justement sur l'attente du lecteur et sur les clichés symboliques.
Aux portraits isolés il préfère la confrontation des vices et des vertus dans une vision qui, loind'être manichéenne, mélange les règnes, les qualités et les défauts, ces derniers étant les plus nombreux, car il y a paradoxalement plus de variété dans le Mal que dans le Bien.
L'art de la fable de ESOPE à LA FONTAINE
Origines du genre : le modèle ésopique
Lorsque La Fontaine entreprend la composition des Fables, il s'inscrit clairement dans une tradition littéraire qui remonte à l'Antiquité : « Je chante les Héros dont Ésope est le Père » (« À Monseigneur le Dauphin »).
Attribuant la paternité du genre à Ésope (vie siècle avant J.-C.), La Fontaine retrace son parcours dans un véritable récithagiographique intitulé La Vie d'Ésope le Phrygien.
Hagiographie : récit de la vie des saints et, par extension, biographie élogieuse.
Les avatars du genre sont nombreux au Moyen Âge et à la Renaissance, sous la forme d'« Ysopets » ou « PetitsÉsope », recueils en langue vulgaire, avec les 103 fables en vers octosyllabiques en langue romane de Marie deFrance, les 28 contes du Roman de Renart (1174-1250).
Citons également la fable du Bûcheron qui a perdu sa cognée de Rabelais dans le prologue du Quart-Livre, la fable de Clément Marot à son ami Lyon Jamet, intitulée Le Lion et le Rat reconnaissant (1525) ou encore la fable satirique de Mathurin Régnier, La Lionne, le Loup et le Mulet (1608).
En effet, figure socratique, Ésope apparaît comme un héros et un martyr.
Cet esclave phrygien est soumis auxcaprices de ses maîtres et aux vicissitudes de l'existence, tout comme le fabuliste, témoin de son temps qui redoutela colère des grands de ce monde : « [...] en le douant d'un très bel esprit, [la nature] le fit naître difforme et laid de visage, ayant à peine figure d'homme, jusqu'à lui refuser presque entièrement l'usage de la parole.
[...] Au resteson âme se maintint toujours libre et indépendante de la fortune.
»
Ésope est parfois cité à l'intérieur des Fables, dans la dédicace « À Monseigneur le Dauphin » et dans la Préface du premier recueil, et il est associé à Socrate, Phèdre, Avienus : « Enfin les Modernes les ont suivis : nous en avons des exemples non seulement chez les Étrangers, mais chez nous. »
Tradition, imitation et autres sources d'inspiration
À partir des trois cent cinquante-huit brefs récits en prose d'Ésope se développe toute une tradition de réécriture,de traduction et d'adaptation en vers, donnant naissance à un certain nombre de « recueils ésopiques » écrits parDémétrios de Phalère (ive siècle avant J.-C.), Babrias (IIe siècle avant J.-C.), Planude (1260-1330).
On trouve desfables dans les Satires d'Horace (65-8 avant J.-C.), « Le Rat de ville et le Rat des champs » (II, 6) ou dans ses Épîtres, « Le Renardeau et la Belette » (I, 7).
Phèdre (30 avant J.-C.- 44 après J.-C.) compose cinq livres de 123 fables en vers, et la liste est encore longue (Avienus, Abstemius...).
La Fontaine s'inspire également des fables indiennes, du Livre des lumières de Pilpay.
Le Panchatantra (Ier siècle après J.-C.) constitue le plus important recueil d'apologues .
Le recueil sanscrit est adapté en arabe au vine siècle sous le titre de Cailla et Dimna (noms de deux chacals) ou Fables de Bidpai (ou Pilpay).
Instruire et plaire
Comme Molière, Racine et beaucoup de ses contemporains, La Fontaine considère que « la grande règle, et pourainsi dire la seule » (Préface) est de plaire au public, ce qu'il souligne dans sa dédicace « À Monseigneur le Dauphin» : « Je ne doute point, Monseigneur, que vous ne regardiez favorablement des inventions si utiles et tout ensemblesi agréables : car peut-on souhaiter davantage que ces deux points ? » Dans sa Préface, La Fontaine ajoute à l'utile et à l'agréable deux nouvelles valeurs qui le distingueront de ses prédécesseurs car ses Fables sont « sues de toutle monde » : « on veut de la nouveauté et de la gaieté.
».
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