Analysez ce passage de « Candide » en faisant ressortir la thèse philosophique qui s'y inscrit et l'art de Voltaire conteur.
Publié le 11/09/2014
Extrait du document
«
II2 VOLTAIRE
Cette catastrophe faisait partout un grand bruit pendant quelques heures.
Pangloss, Candide et Martin, en retournant à la petite métairie, rencontrèrent un bon vieillard qui prenait le frais à sa porte, sous un berceau d'orangers.
Pangloss, qui était aussi curieux que raisonneur, lui demanda comment se nommait le mufti qu'on venait d'étrangler.
«Je n'en sais
rien, répondit le bonhomme, et je n'ai jamais su le nom d'aucun mufti ni d'aucun vizir.
J'ignore absolument l'aventure dont vous me parlez : je présume qu'en général ceux qui se mêlent des affaires publiques périssent quelquefois misérablement, et qu'ils le méritent : mais je ne m'informe jamais de ce qu'on fait à Constantinople; je me contente d'y envoyer vendre les fruits du jardin que je cultive ».
Ayant dit ces mots, il fit entrer les étrangers dans sa maison ; ses deux filles et ses deux fils leur présentèrent plusieurs sortes de sorbets qu'ils faisaient eux-mêmes, du kaïmak piqué d'écorces de cédrat confit, des oranges, des citrons, des limons, des ananas, des pistaches,
du café de Moka, qui n'était point mêlé avec le mauvais café
de Batavia et des îles.
Après quoi les deux filles de ce bon musulman parfumèrent les barbes de Candide, de Pangloss et de Martin.
«Vous devez avoir, dit Candide au Turc, une
vaste et magnifique terre?» - «Je n'ai que vingt arpents, répondit le Turc ; je les cultive avec mes enfants : le travail éloigne de nous trois grands maux : l'ennui, le vice et le besoin.»
INTRODUCTION
Tout au long de Candide, dont cet extrait annonce la
conclusion, Voltaire s'est attaché à réfuter l'optimisme systéma
tique des philosophes allemands Leibniz et Wolf.
Pour ces
derniers, le monde, tel qu'il avait été créé par Dieu, était le meilleur
des mondes possibles et il allait même s'améliorant.
Candide,
garçon doux et timide, pénétré des principes de son maître
Pangloss, lui-même disciple de Leibniz, a parcouru le monde
et vécu mille et une aventures infirmant les théories en lesquelles
il croyait si fort au début : toutes lui ont en effet démontré l'inco
hérence et l'absurdité de la condition humaine et l'omniprésence
du mal ici-bas, aussi bien dans la nature que dans l'homme.
A la fin du roman il se retrouve avec ses compagnons dans une
petite métairie aux portes de Constantinople.
Alors que tout tendait jusque-là à prouver que la thèse soutenue par Voltaire
était exactement l'inverse de celle des optimistes, autrement dit
que
tout est au plus mal dans le pire des mondes, le dernier
chapitre vient nuancer ce pessimisme et proposer un remède
au désespoir..
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