Analyse linéaire Melancholia de Victor Hugo
Publié le 22/10/2024
Extrait du document
«
VICTOR HUGO, LES CONTEMPLATIONS, MELANCHOLIA
- Explication linéaire –
INTRODUCTION :
Victor Hugo a été le chef de file du Romantisme au XIXème siècle.
Il a
composé une œuvre gigantesque qui témoigne de nombreux engagements
personnels.
Poète et écrivain militant, il s’est préoccupé toute sa vie du sort de
ses concitoyens les plus fragiles et a lutté contre toute forme d’injustice
sociale.
Dans « Melancholia », il utilise le texte littéraire pour dénoncer le
travail des enfants exploités dans l’industrie à cette époque, et ce dès l’âge de
9 ans.
Notre poème Melancholia en date de 1838 dénonce le travail des enfants, c'est
un poème en alexandrins se trouva dans le troisième Livre des
Contemplations : « Les Luttes et les Rêves ».
Ce titre est révélateur : c’est le
rêve, c’est à dire, la vision d’une société plus juste, qui alimente les luttes du
poète.
Le terme de « Melancholia » est aussi très significatif : souvent chez les
romantiques, c’est une tristesse amoureuse, un vague à l’âme philosophique.
Victor Hugo veut montrer que le poète est d'abord touché par la misère de ses
semblables, il interroge le sens de la société et le destin de l'humanité.
PROBLÉMATIQUE :
Comment Victor Hugo met-il en scène cette dénonciation du travail des
enfants, pour émouvoir son lecteur, et l’inviter à réfléchir d’un point de vue
plus intemporel, sur le véritable sens du travail et du progrès ?
DÉCOUPAGE :
On peut distinguer 3 mouvements dans ce poème.
Dans le 1er mouvement, du vers 1 au vers 11, Victor Hugo met en scène la voix
du poète qui accuse et dénonce l’absurdité de ce travail destructeur.
Dans le 2ème mouvement, du vers 12 au vers 22, l’auteur relève les
conséquences impossibles à ignorer de ce travail.
Enfin, dans le 3ème mouvement, du vers 23 au vers 34, Victor Hugo va
s’adresser à ses lecteurs avec un discours de plus en plus ample.
LECTURE
PREMIER MOUVEMENT :
Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu’on voit cheminer seules ?
Ils s’en vont travailler quinze heures sous des meules ;
Ils vont, de l’aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d’une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l’ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent.
Tout est d’airain, tout est de fer.
Jamais on ne s’arrête et jamais on ne joue.
Dès le départ, 3 questions rhétoriques se succèdent… En fait, plus que des
questions, ce sont surtout des accusations : Où vont tous ces enfants ? Elles
nous mettent la situation sous les yeux.
Le verbe aller est au présent
d'énonciation (l'action est vraie au moment où l'on parle).
« Ces enfants » le
déterminant démonstratif est ce qu'on appelle un déictique (il renvoie à la
situation d'énonciation).
Le poète prend l'industrialisation en flagrant délit.
« Où » la question porte sur le lieu mais elle a aussi une valeur symbolique.
«
Où vont-ils ? » C'est à dire surtout, quel est leur avenir ? Quel est le sens de
leur vie ? Quelle place leur réserve la société ? Dans cette question rhétorique,
le lecteur peut deviner seul la réponse : « nulle part ».
Et en effet, toute la suite du poème consistera justement à décrire ce « nulle
part » : une ombre, un enfer.
Mais dès l'apparition du mot « Où » Victor Hugo
rend évidente l'absurdité du destin de ces enfants et prépare la suite du
poème.
On trouve ici les 2 premières parties du discours dans la rhétorique
classique : l'exorde, qui expose le sujet et interpelle l'auditoire, la narration,
qui présente les faits incriminés.
Ces 3 questions sont donc surtout une première grande dénonciation.
Des
enfants qui ne rient pas, qui maigrissent au lieu de grandir, qui sont seuls et
d'ailleurs, ne jouent pas… Ce sont les lieux communs habituels de l'enfance,
niés directement.
Le mot « enfant » est à peine prononcé qu'il est déjà nié par
ces subordonnées qui les représentent.
De plus, ce sont 3 accusations sous forme de gradation.
D'abord l'absence de
rire : un mal-être moral, ensuite, la maigreur : un mal-être physique et enfin la
solitude : le lien social est détruit.
En maltraitant des enfants, c'est la société
entière qu'on affecte.
Plusieurs procédés rendent ces images particulièrement fortes.
D'abord, le
sujet « la fièvre maigrit » est particulièrement abstrait, insaisissable, mais il
agit de façon très concrète avec le verbe maigrir : on dirait que la maladie
attaque les enfants directement pour les vider de leur substance.
C'est bien
une allégorie
Les enfants, les doux êtres pensifs, avec un pluriel insistant, nous dépeint la
multitude des victimes.
Cette opposition du singulier, « la fièvre » et du pluriel
« ces doux êtres pensifs » produit une image particulièrement vivante et
cruelle : un fléau puissant et insaisissable, face à des victimes nombreuses
mais fragiles.
C'est une hypotypose : une image saisissante et animée, faite
pour marquer le lecteur.
De plus, le verbe cheminer nous laisse entendre, par homophonie le nom
commun « cheminée » : le symbole même de la première révolution
industrielle au XIXe siècle.
Ces enfants sont implicitement, pour ces usines, un
véritable combustible, détruit dans le processus de production.
« Ces filles [...] qu'on voit cheminer seules » Avec le verbe « voir » le poète
prend le lecteur à témoin, inclue dans le pronom indéfini « on » ; procédé que
l’on retrouve au vers 8 : « on ne sait quoi dans l’ombre.
».
Plus loin, au vers
11, « jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue » : par ce jeu des pronoms
indéfinis, le lecteur finit par se trouver lui-même à la place des enfants.
Comme c'est souvent le cas suite à une série de questions rhétoriques, le
poète répond lui-même.
La réponse courte « ils s’en vont travailler » se termine avec un rejet.
On
commence par le travail, on termine par le travail.
C'est l'unité d'action.
Avec
ça, on trouve aussi l'unité de temps « 15h ...
de l'aube au soir » et l'unité de
lieu « la même prison ».
Exactement comme dans une tragédie.
Les enfants
sont un peu comme les héros tragiques, écrasés par une force qui les dépasse.
Tout au long de ce passage, Victor Hugo nous amène progressivement en
enfer.
Les compléments circonstanciels de lieu sont multipliés, d'abord avec les
prépositions « sous » et « dans » : « sous des meules … sous les dents »
devient ensuite « dans l'ombre … dans un bagne … dans un enfer ».
Victor
Hugo prend son lecteur par la main et lui montre un enfer pourtant bien réel.
« Dans la même prison, le même mouvement » , les enfants sont pris dans un
mouvement répétitif.
Les parallélismes sont multipliés « la même … la même »
mais aussi « dans un bagne … dans un enfer » « tout est d'airain … tout est de
fer » « jamais on ne s'arrête … jamais on ne joue ».
Dans le même sens, les
rimes plates assènent des sonorités en limitant au maximum les effets de
progression.
Tout est fait pour nous faire éprouver une sensation de répétition
implacable, écrasante, comme dans une tragédie.
De plus, l'industrialisation est comme un « monstre hideux » avec les
allitérations en M qui rappellent le mot « meule » et également pouvant faire
référence au mythe du Minotaure, monstre mangeur d’enfants.
C'est une
métaphore filée : les dents sont des rouages qui écrasent et tranchent, avec en
plus les prépositions « dans » qui jouent sur l'homophonie.
Un monstre qui
dévore des enfants…
La suite du poème développe les conséquences néfastes de ce travail des
enfants.
DEUXIÈME MOUVEMENT :
“Aussi quelle pâleur ! La cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Ils semblent dire à Dieu : — Petits comme nous sommes,
Notre père, voyez ce que nous font les hommes ! —
Ô servitude infâme imposée à l’enfant !
Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant
Défait ce qu’a fait Dieu ; qui tue, œuvre insensée,
La beauté sur les fronts, dans les cœurs la pensée,
Et qui ferait — c’est là son fruit le plus certain ! —
D’Apollon un bossu, de Voltaire un crétin !”
Ce 2ème mouvement débute avec un lien logique de conséquence « Aussi » qui
annonce bien le but....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Analyse linéaire "Elle était déchaussée, elle était décoiffée" Victor Hugo
- analyse linéaire de la Coccinelle Victor Hugo
- lecture linéaire: Victor Hugo Pauca meae (livre 4)
- Melancholia Le pesant chariot Victor Hugo Les contemplations
- RUY BLAS de Victor Hugo (résumé & analyse)