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analyse linéaire ma bohème de Rimbaud

Publié le 08/12/2024

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« Arthur Rimbaud, Cahiers de Douai « Ma bohème » : proposition de commentaire linéaire Ode à la liberté La narration a posteriori fait entendre un lyrisme de la nostalgie (à 15 ans !). Il échange le confort contre l’intensité d’une vie qui a du sens.

Contestation des valeurs bourgeoises. Entre la fin du mois d’août et le mois d’octobre 1870, le jeune Arthur Rimbaud fuguera 2 fois pour à chaque fois finir son périple à Douai.

Ces expériences de vagabondage seront pour lui fondatrices puisqu’il vivra un profond ébranlement intérieur en découvrant une liberté que l’espace du chemin lui procurera sans réserve, sans limite apparente.

L’intensité de ce moment est tel qu’il fera naître en lui le désir d’en conserver la trace et le sonnet « Ma bohème », dernier poème des Cahiers de Douai va proposer une relecture de ce moment de grâce. Nous verrons de quelle façon la vie de bohème qui favorise l’éclosion de la poésie est célébrée en retour par un lyrisme discrètement ironique. Le poème propose deux mouvements.

Le premier correspond aux vers 1 à 5 et rend compte de l’élan enthousiaste du locuteur malgré son dénuement.

Le second, des vers 6 à 14 introduit le thème de la création et fait le lien entre cette expérience de l’émancipation et la pratique de la poésie. * * Ma bohème (fantaisie) Rimbaud s’inscrit dans un topos, celui de la vie de bohème qui mêle liberté et création artistique.

Le déterminant possessif dit la liberté acquise et est déjà un indice de l’émancipation. Le mot fantaisie signifie : B.-A., LITT. a) Faculté imaginative, pouvoir d'invention d'un artiste, d'un écrivain, etc. b) Œuvre où l'imagination se donne libre cours sans souci des règles formelles. Le poème est un sonnet Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ; S’en aller : il s’agit bien pour le poète de partir.

Parce qu’il est encore un enfant (15 ans) l’émancipation passe par une rupture avec le foyer.

En même temps l’imparfait évoque un élan et une durée, c’est une aventure dont le poème se souvient. Le complément circonstanciel de manière (« les poings dans les poches crevées ») est essentiel car la bohème est une manière, une pose, une attitude, un état d’esprit.

Ici, il s’agit d’évoquer les mains dans les poches, la locution signifie faire quelque chose avec décontraction, tranquillement.

Mais Rimbaud s’empare de l’expression et la fait légèrement évoluer.

Les « mains » deviennent « les poings ».

Le poing connote la violence, ici sans doute la détermination et la révolte qu’il emmène avec lui.

Le poing levé est le signe de l’insoumission.

Les poches « crevées » signalent la pauvreté nécessaire à la bohème. C’est ce que va faire remarquer le second vers. Mon paletot1 aussi devenait idéal ; Le vers est un commentaire ironique, en tout cas amusé, de l’expression « poches crevées ». L’idéal pour vivre la bohème est d’avoir un vieux manteau.

On ne peut pas vivre la vraie vie de bohème avec un manteau neuf.

Le paradoxe amusant est que l’idéal de la vie de bohème suppose d’avoir un manteau en mauvais état.

Cette ironie montre que Rimbaud n’est pas dupe, il a conscience du fait que la bohème est aussi une pose. L’adverbe « aussi » évoque que la bohème est un ensemble de codes dont le vêtement fait partie. J’allais sous le ciel, Muse2 ! et j’étais ton féal3 ; Reprise du verbe « aller ».

Là encore, il s’agit d’évoquer un élan.

L’espace géographique de cet élan est infini.

Le ciel est ici un référent qui transpose dans l’espace le désir d’aventure du jeune homme.

Le ciel connote aussi l’idéal, l’idée d’une supériorité.

Là où la route s’arrête, le ciel continue et il s’agit pour le locuteur de construire l’idée d’un espace extérieur.

C’est un élan dans la nature, en dehors donc des lieux construits pas l’homme.

Discrètement, il évoque l’émancipation de la civilisation.

Le ciel est par essence l’espace naturel qui exclut l’humanité. L’apostrophe à la « Muse » va permettre de faire le lien entre cette aventure et la poésie. Conformément à l’esprit de la « bohème », le locuteur entretient un rapport étroit à l’art que la muse permet de dire.

La modalité exclamative manifeste l’enthousiasme de ce moment de liberté mais aussi de création.

Ici, il s’agit d’un enthousiasme étymologique : (État d'exaltation de l'esprit, d'ébranlement profond de la sensibilité de celui qui se trouve possédé par la Divinité dont il reçoit l'inspiration, le don de prophétie ou de divination.) L’emploi de la P2 montre qu’il tutoie la muse, c’est-à-dire qu’il entretien un rapport intime avec la poésie. Mais ce rapport est aussi un rapport de soumission.

Le mot « féal » évoque la supériorité qu’il octroie à la poésie même si la désuétude du mot trahit discrètement l’ironie du locuteur.

Il a conscience que la vie de bohème est un topos.

Le verbe « être » traduit une posture existentielle en même temps que le passé (imparfait) renvoie cette attitude à un jugement présent qui peut faire penser que le poète relie cette aventure a postériori avec une distance légèrement ironique. Oh ! là là ! que d’amours splendides j’ai rêvées ! Là encore, la présence des modalités exclamatives vient mimer l’enthousiasme du jeune homme, enthousiasme qui perdure dans le souvenir de cette époque. La mention des « amours splendides » renvoie là encore à la bohème qui place au centre de l’existence des expériences sensibles et sentimentales intenses.

En même temps le pluriel relativise ces expériences (ce que confirmera le fait de les avoir « rêvées »).

C’est le temps du fantasme, qu’évoque le terme de « fantaisie » dans le titre : cette expérience bien réelle de la fugue est comme amplifiée par l’imagination qui l’accompagne.

C’est un moment de solitude dans la nature propice à la rêverie.

Il n’est pas possible de vivre à son âge et en si peu de temps un grand nombre d’amours véritables, sincères et authentiques.

Cela est possible parce que la vie de bohème est une nouvelle fois un cliché. Mais la formule familière « oh ! là là », très proche d’une oralité populaire montre à la fois l’autodérision du poète et son souci de proposer une poésie en rupture avec les codes 1 Paletot : veste ou manteau Muse : les Muses, la Muse.

Les belles-lettres, notamment la poésie ; l'inspiration, l'invention poétique. 3 Féal : (Personne) qui est fidèle à une autorité supérieure. 2 bourgeois de la littérature.

L’expression mime aussi la spontanéité et la sincérité des sentiments juvéniles du locuteur. Mon unique culotte avait un large trou. La bohème, c’est avant tout des conditions matérielles insuffisantes.

Le singulier est la mar La pauvreté est la condition sine qua non de la bohème.

Notion d’ascèse.

Le dépouillement est la condition nécessaire d’une bohème pleinement réussie. En même temps, le « trou à la culotte » est le signe d’une appartenance (« les gueux » chers à Victor Hugo) et un détail humoristique.

L’expression « large trou » est symbolique de la bohème : ce qu’on possède à profusion, c’est ce qui manque. Il y a un plaisir à se souvenir de cela et un renversement des valeurs.

Ce qui devrait relever d’une humiliation procure au contraire un plaisir proche de l’orgueil.

La bohème de Rimbaud est aussi une bohème qui regarde le cliché de la bohème pour s’en moquer.

Il y a là une complexité qui fait le prix de la poésie de Rimbaud.

Le poème est d’une grande et vraie précision.

Il aime ce moment mais en comprend aussi les limites.

Et ce sera le drame de Rimbaud et sans doute l’un des aspects qui l’inciteront à abandonner la poésie.

La.... »

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