Analyse linéaire : Les Colchiques d'Apollinaire
Publié le 23/07/2012
Extrait du document
L'automne est une saison chère à Apollinaire. Mais elle est peut être traitée de différentes façons : -Plus dans un rapport avec l'étymologie (du verbe « augere «, valeur de gain, de récolte) dans Automne Malade, « de fruits murs «, « les fruits tombant sans qu'on les cueille «, ou dans Vendémiaire « les raisins de nos vignes on les a vendangés... « -plus avec les thèmes agricoles et de la mort dans Automne -Plus avec les thèmes de la mort et d'une autre fleur violette, la bruyère dans Adieu. Dans Les Colchiques, Apollinaire nous présente un paysage d'automne au travers duquel se profile la femme aimée, réduite à ses yeux et ses paupières. C'est la forme du blason qui est revisitée, ainsi que l'élégie au travers de la métonymie de la femme. L'être aimé est absent, et le narrateur n'a qu'une très faible voix : « ma vie «. Mais on peut le voir et au travers des vaches qui s'empoisonnent, et au travers du berger qui par son chant, protège et fait faire le deuil, au travers des enfants...
«
-------------automne
-------------paissant Ø
-------------empoisonnent
-------------lilas
-------------fleur-là
-------------automne
-------------empoisonne
-------------fracas
-------------harmonica
-------------mères
-------------paupières
-------------dément
-------------doucement
-------------abandonnent
-------------automne
Les finales des vers sont des rimes suffisantes à l'exception de automne/empoisonnent pour lesquels on a la reprise d'un mot entier.
La structure du poème en rimesplates ne correspond pas à la structure du sonnet en abba abba ccd eed/ede.
Ici, on a aXabbaa ccdde eaa.
Il y a toutefois un écho de structure.
La forme poétique des colchiques montre une poésie en plein renouvellement : il y a bien utilisation de certains éléments du sonnet.
On pourrait peut-être parler icid'un sonnet irrégulier.
Irrégulier aussi du fait de son élasticité métrique et prosodique, ce qui provoque chez l'auditeur un déséquilibre, une dissonance, qui évoque ledésordre amoureux et l'empoisonnement d'un point de vue sémantique, et un accord non résolu avec le vers classique d'un point de vue poétique.
Analyse linéaire
1er vers « Le pré est vénéneux / mais joli en automne »
Dès ce premier vers est fixé le cadre bucolique.
Il s'agit d'un alexandrin régulier.
Le vocabulaire est un vocabulaire simple du quotidien, ce qui questionne par rapportau sonnet où on traite habituellement de thèmes nobles.
Les mots sont des mots courts de 2 syllabes max.
À l'exception de vénéneux de 3 syllabes.
De plus, vénéneuxest sous l'accent de la césure.
Donc intérêt accru sur ce mot scientifique qui vient du latin classique venenum, puis venimen en bas latin, et qui signifie « décoction deplantes magiques »ET qui a le sens de « charme, philtre » avant de prendre définitivement le sens de « poison ».
Il s'agit d'un étymologisme , mot pris dans son sensétymologique.
« Venenum » provient sans doute du nom « venes » « philtre d'amour », « venes » se rattachant à la même racine indo-européenne que « Vénus ».
Àtravers ce mot « vénéneux » apparaît donc 2 paradigmes sémantiques : -amour magique
-poison, qui sont les thématiques développées dans le texte...
« Vénéneux » est attribut de « pré » dans le texte, et lié à « joli », (attribut aussi de « pré ») par la conjonction de coordination « mais » à valeur adversative.
Or lavaleur adversative est amplifiée, car « vénéneux », situé entre « pré » et « joli » crée une dysphorie, accentuée par l'assonance en [e].
Si l'on supprime « vénéneuxmais »dans le texte, on obtient un syntagme simple à valeur positive.
Et l'adjonction de ces 2 mots crée un malaise, par l'opposition de « vénéneux mais joli » quicaractérisent tous 2 le pré : « vénéneux » donne clairement une idée fortement négative et « joli » une idée clairement positive.
De plus, « vénéneux » ne peuts'appliquer directement à « pré » d'un point de vue sémantique.
On a donc une hypallage.
On parlerait plutôt d'un champignon vénéneux ou là en l'occurrence d'unefleur vénéneuse.
Le pré, c 'est un tout : figure de style de la métonymie.
C'est un pré de fleurs vénéneuses, les colchiques.
Finalement, ce vers qui n'en a pas l'air contient un langage poétique très fort : c'est à dire que malgré le vocabulaire très simple, presque trivial, les procédés delangage font sens et donnent une dimension presque inattendue à ce vers.
Pour finir, le dernier mot du vers 1, « automne », est un mot d'appel, qui sera répété 2 autres fois dans le texte (au vers 6 et au vers 15), c'est à dire en positionmédiane et finale.
Ce qui fait un phénomène d'écho, et donc de musicalité.
2ème et 3ème vers : « Les vaches y paissant
Lentement s'empoisonnent »
Dans le 2ème vers, le thème bucolique est filé.
Le [v] des « vaches » fait écho au [v] de « vénéneux ».
De plus, « y » reprend tout le premier vers, et du fait de la séparation en 2 de la composition en 2 hexasyllabes,fait que ce « y » est en position centrale dans le vers 2 : la syntaxe mime le fait d'un enchassement du vers 1 dans le vers 2.
Cette mise en abîme évoque pour moi unestructure presque géométrique qui est déjà apparue dans la structure en chiasme des vers 3 par 3 au niveau du sens.
Dans le 3ème vers, assonance en [ã] qui souligne le glissement au niveau du vocabulaire : « paissant »(neutre), « lentement », puis « s'empoisonnent »(très négatif).De nouveau, « s'empoisonnent » est un mot de 3 syllabes, comme « vénéneux ».
Au rythme régulier, qui crée une impression de monotonie, s'oppose la juxtaposition de deux mots : « empoisonnent » et « lentement », 2 mots presque antinomiques(il y a de la violence dans l'empoisonnement qui conduit à la mort, et lentement donne une notion de calme).
Cette opposition, qui rappelle celle de «vénéneux mais.
»
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