Analyse linéaire Le Mal, Cahier de Douai, Rimbaud
Publié le 02/01/2024
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«
Le Mal, Rimbaud
En 1870, la France dirigée par l’empereur Napoléon III déclare la guerre à la
Prusse, chacune des deux puissances tentant de conforter sa puissance sur la
scène internationale.
Cependant, l’armée française est mal préparée et n’a pas
de plan.
S’ensuit un conflit bref et sanglant conduit à la défaite des Français
(perte de l’Alsace-Lorraine) et à la chute du second empire (Napoléon III
abdique).
C’est dans ce contexte de chute de la popularité de Napoléon III que Rimbaud
écrit le poème « Le Mal », publié dans les Cahiers de Douai.
Rimbaud a 16 ans
lorsqu’il écrit ce poème.
Il pose un regard critique sur la guerre et ses
responsables.
Il y accuse les hommes politiques d’être responsables de la mort
des hommes et d’être complices de la religion.
Problématique : par quels moyens Rimbaud dénonce-t-il la guerre
et la religion dans ce sonnet ?
Pour répondre à cette question, nous suivrons le mouvement du texte qui
dépasse le simple découpage des strophes :
- 1er mouvement, vers 1 à 6 est une représentation picturale de
l’horreur du combat.
- 2e mouvement, vers 7 et 8 introduit le thème de la Nature.
- 3e mouvement= 1er tercet est consacré à la critique de Dieu
- 4e mouvement= dernier tercet donne à voir la misère et la tristesse du
peuple.
Mouvement 1, vers 1 à 6 : représentation picturale de l’horreur du
combat
Effet de surprise pour accentuer l’horreur
- Le poème s’ouvre mystérieusement sur une proposition subordonnée
conjonctive circonstancielle de temps introduite par “Tandis que”.
Le
verbe principal de la phrase ne sera révélé qu’à la troisième strophe.
Le poète veut, alors qu’il s’apprête à décrire les horreurs de la guerre, que
le lecteur se souvienne qu’il se passe quelque chose pendant les
affrontement.
La représentation de la violence
- Champ lexical de la guerre : crachats rouges ” ; “mitraille” ; “sifflent” ;
“Roi” ; “bataillons” ; “feu” qui indique la violence et l’intensité du tableau.
- Métaphore des “crachats rouges de la mitraille” peut évoquer le sang
craché par les soldats à l’agonie= Le premier vers plonge de suite le
lecteur dans un univers de violence et de sang.
- Utilisation d’un vocabulaire vulgaire= “crachat”, vulgaire et aux
sonorités dures, dévalorise la guerre.
La violence n’est pas idéalisée.
- L’enjambement du vers 1 au vers 2 renvoie le verbe de la phrase
“sifflent” au début du vers suivant et créé un sentiment d’instabilité.
Aussi, le lecteur peut avoir l’impression d’entendre soudainement la
mitraille lui siffler à l’oreille.
- Sonorités :
1
o
Allitération en -f (sifflent ; infini) qui imite le bruit des balles frôlant
les soldats.
Le lecteur se retrouve donc immergé dans l’horreur du
combat.
o allitération en -r qui fait entendre le chaos régnant sur le champs
de bataille (vers 3)
- hyperbole “tout le jour” pour montrer que le combat ne faiblit à aucun
moment.
Rimbaud insiste sur le fait que les soldats n’ont aucun repos.
- Couleurs :
o Pourtant, une couleur douce et rassurante subsiste, il s’agit de
“l’infini du ciel bleu”.
Ici, le poète prépare son évocation de la
Nature divine et salvatrice.
Cependant, l’apaisement du bleu n’est
que de courte durée puisque le rouge revient, encore plus intense,
au vers 3 avec l’adjectif “écarlates”.
On comprend que la guerre
efface la nature.
o Au niveau des couleurs, le rouge est omniprésent : “rouges” ;
“écarlates” ; “feu”.
Il illustre la violence, le sang et le mal en
général.
o On note également la présence du vert avec l’adjectif “verts”.
Il fait
référence à la couleur de l’uniforme des soldats prussiens (les
français sont en rouge).
Rimbaud déplore les pertes inutiles dans
les deux camps.
Cette première strophe revêt donc un caractère profondément pictural.
Rimbaud
nous montre une scène de combat de loin en insistant sur les couleurs : on ne
distingue que le rouge du sang, les uniformes des soldats, et le ciel bleu audessus.
-
-
-
La figure du “Roi” est vivement critiquée.
Cette autorité représente en
fait l’empereur Napoléon III, et plus généralement, toute figure de tyran.
On voit qu’il ne se soucie pas des pertes humaines, au contraire il “raille”
les soldats.
Cela montre bien l’aversion de Rimbaud pour la guerre et les
hommes au pouvoir qu’il tient pour responsables.
Si le roi est mentionné de manière individuelle, ce n’est pas le cas des
soldats qui sont déshumanisés par leur nombre : ils sont des “bataillons”,
“une masse” puis “cent milliers d’hommes” et enfin un “tas fumant”.
Il est clair ici que le poète souligne le désintérêt du Roi pour ses soldats.
Ils ne sont qu’un contingent informe, sacrifiable et remplaçable.
Métaphore filée du bucher, ou du brasier (“dans le feu” puis “tas
fumant”) suggère que les soldats ne tombent “en masse” que pour
alimenter un chaos de plus en plus grand et de plus en plus dévorant.
Ici,
il ne semble pas y avoir de vainqueur.
Les vers 3 et 4 laissent entendre une assonance en -a qui peut
justement évoquer les cris d’agonie des soldats sacrifiés.
2e tercet
-
2
De nouveau, s’ouvre sur une subordonnée de temps introduite par
“Tandis que”.
Le poète n’a pas terminé de peindre le chaos.
Il allonge sa
phrase sans utiliser de ponctuation forte comme pour symboliser la lutte
qui s’éternise.
Ainsi, le combat déborde dans la seconde strophe,
comme s’il était impossible de le contenir en seulement 4 vers.
-
-
Métaphore “une folie épouvantable” (groupe nominal) = représente la
guerre, voire la folie du roi qui mène son pays à la boucherie.
Adjectif “épouvantable” laisse transparaître la position du poète qui se
révèle profondément choqué par l’horreur de la guerre.
Verbe broyer fin vers 5 : L’horreur est renforcée
Hyperbole la transformation de “cent milliers d’hommes” en “un tas
fumant” = montre que le
tableau de la guerre se clôt par la mort des soldats, la transformation de
“cent milliers d’hommes” (hyperbole) en “un tas fumant”.
Emploi du verbe “faire” montre que la guerre possède un pouvoir de
transformation, qui s’apparente en fait plus à défaire qu’à réellement
faire.
Enfin, le “tas fumant” parachève de déshumaniser et dévaloriser les
soldats
qui
ne
sont
plus
qu’un
amas
de
chair
meurtrie.
L’adjectif “fumant” peut faire penser à un tas de fumier, ultime
dévalorisation qui insiste sur la manière dont le roi voit son peuple.
Après avoir exposé au lecteur le tableau terrible d’une guerre sale, Rimbaud
ouvre une fenêtre d’espoir lyrique, l’espace de seulement deux vers, qui
s’incarne sous les traits de la Nature.
Mouvement 2, vers 7 et 8 : représentation picturale de l’horreur du
combat
- Le tiret au début du vers indique le poète prend directement la parole.
- La ponctuation expressive (3 points d’exclamation et les points de
suspension) : submergé par l’horreur, il sombre dans le registre
pathétique et le lyrisme.
Tranche avec le regard extérieur qui était
proposé dans les 6 premiers vers.
Ici, le poète s’implique, révèle ses
sentiments.
Le groupe nominal “pauvre morts” montre pour la première
fois une véritable....
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