Analyse linéaire, Le barbier de Séville Acte I scène 4
Publié le 22/05/2023
Extrait du document
«
THEATRE ET STRATAGEME
LES BARBIER DE SEVILLE, 1775, ACTE I, SCENE 4, BEAUMARCHAIS
LE COMTE.
Ah ! si l’on pouvait écarter tous les surveillants !
FIGARO.
C’est à quoi je rêvais.
LE COMTE.
Pour douze heures seulement !
FIGARO.
En occupant les gens de leur propre intérêt, on les empêche de nuire à l’intérêt d’autrui.
LE COMTE.
Sans doute.
Eh bien ?
FIGARO, rêvant.
Je cherche dans ma tête si la pharmacie ne fournirait pas quelques petits moyens
innocents…
LE COMTE.
Scélérat !
FIGARO.
Est-ce que je veux leur nuire ? ils ont tous besoin de mon ministère.
Il ne s’agit que de les traiter
ensemble.
LE COMTE.
Mais ce médecin peut prendre un soupçon.
FIGARO.
Il faut marcher si vite, que le soupçon n’ait pas le temps de naître.
Il me vient une idée : le
régiment de Royal Infant arrive en cette ville.
LE COMTE.
Le colonel est de mes amis.
FIGARO.
Bon.
Présentez-vous chez le docteur en habit de cavalier, avec un billet de logement ; il faudra
bien qu’il vous héberge ; et moi, je me charge du reste.
LE COMTE.
Excellent !
FIGARO.
Il ne serait même pas mal que vous eussiez l’air entre deux vins…
LE COMTE.
A quoi bon ?
FIGARO.
Et le mener un peu lestement sous cette apparence déraisonnable.
LE COMTE.
A quoi bon ?
FIGARO.
Pour qu’il ne prenne aucun ombrage, et vous croie plus pressé de dormir que d’intriguer chez lui.
LE COMTE.
Supérieurement vu ! Mais que n’y vas-tu, toi ?
FIGARO.
Ah ! oui, moi ! Nous serons bien heureux s’il ne vous reconnaît pas, vous qu’il n’a jamais vu.
Et
comment vous introduire après ?
LE COMTE.
Tu as raison.
FIGARO.
C’est que vous ne pourrez peut-être pas soutenir ce personnage difficile.
Cavalier… pris de vin…
LE COMTE.
Tu te moques de moi.
(Prenant un ton ivre.) N’est-ce point ici la maison du docteur Bartholo,
mon ami ?
FIGARO.
Pas mal, en vérité ; vos jambes seulement un peu plus avinées.
(D’un ton plus ivre.) N’est-ce pas
ici la maison… ?
LE COMTE.
Fi donc ! tu as l’ivresse du peuple.
FIGARO.
C’est la bonne ; c’est celle du plaisir.
LE COMTE.
La porte s’ouvre.
FIGARO.
C’est notre homme : éloignons-nous jusqu’à ce qu’il soit parti.
INTRODUCTION
Introduction
Le Barbier de Séville est une pièce de théâtre écrite par Beaumarchais, jouée pour la première fois le 23 février 1775.
Lors de cette première représentation, la pièce composée de cinq actes connait un échec.
Beaumarchais la retravaille
alors : il la réduit à quatre actes et, cette fois, c'est un succès.
Le Barbier de Séville ou la Précaution inutile est le premier
volet de la trilogie intitulée Le roman de la famille Almaviva.
La suite se divise en deux autres volets : Le Mariage de
Figaro (1778) et L'Autre Tartuffe ou la Mère coupable (1792).
L'intrigue de la pièce est située en Espagne au XVIIIe
siècle et se concentre sur le comte Almaviva, qui cherche à épouser Rosine, une jeune fille déjà promise à son tuteur,
le médecin Bartholo.
C'est avec l'aide du barbier nommé Figaro que le comte y parviendra.
La pièce de Beaumarchais
est une comédie amoureuse inspirée du même schéma que la pièce L'Ecole des femmes de Molière.
Elle a été adaptée
plusieurs fois à l'opéra, inspirant entre autres Mozart en 1786 pour son opéra intitulé Le nozze di Figaro.
Dans la scène précédant notre extrait (scène 3), l’apparition au balcon de Bartholo et Rosine a interrompu la conversation entre Figaro et le comte.
Rosine a alors lancé du balcon un billet destiné au comte.
Bartholo, qui s’est douté de
quelque chose, a fermé la fenêtre.
Dans la scène 4, le comte et Figaro reprennent leur conversation.
LECTURE DU TEXTE
PROJET DE LECTURE
L’étude de texte s’articulera autour de 3 mouvements mettant en avant la façon dont Figaro orchestre l’ensemble de
la scène et renverse les rôles maître/valet.
MOUVEMENTS DU TEXTE/ANNONCE DU PLAN
Mouvement 1 : La réflexion
Mouvement 2 : L’élaboration du subterfuge
Mouvement 3 : La répétition
MOUVEMENT 1 LA REFLEXION
LE COMTE.
Ah ! si l’on pouvait écarter tous les surveillants !
FIGARO.
C’est à quoi je rêvais.
LE COMTE.
Pour douze heures seulement !
FIGARO.
En occupant les gens de leur propre intérêt, on les empêche de nuire à l’intérêt d’autrui.
LE COMTE.
Sans doute.
Eh bien ?
FIGARO, rêvant.
Je cherche dans ma tête si la pharmacie ne fournirait pas quelques petits moyens innocents…
LE COMTE.
Scélérat !
FIGARO.
Est-ce que je veux leur nuire ? ils ont tous besoin de mon ministère.
Il ne s’agit que de les traiter ensemble.
LE COMTE.
Mais ce médecin peut prendre un soupçon.
FIGARO.
Il faut marcher si vite, que le soupçon n’ait pas le temps de naître.
Il me vient une idée : le régiment de
Royal Infant arrive en cette ville.
LE COMTE.
Le colonel est de mes amis.
-
L’extrait commence par l’expression clairement formulée des vœux du comte « si l’on pouvait écarter tous les
surveillants ! », « Pour douze heures seulement ! ».
L’expression de l’hypothèse « si l’on pouvait… » met en
avant l’ambivalence du comte amoureux mais impuissant, qui ne doute pas un seul instant du fait qu’il va
réussir à séduire Rosine si le contexte lui est favorable mais qui, concrètement, ne met rien en place pour y
arriver.
-
C’est Figaro, son ancien valet, qui prend les rênes, qui réfléchit « C’est à quoi je rêvais.
», « Je cherche dans
ma tête », « Il me vient une idée » et qui prend ainsi, dès le début de l’extrait, l’ascendant sur son maître.
Cette inversion des rôles est mise en avant par la question du comte « Eh bien ? » qui dépend des idées de
son valet.
-
Le profil de Figaro se dessine aussi à travers ses manigances.
La formule « En occupant les gens de leur propre
intérêt, on les empêche de nuire à l’intérêt d’autrui », révèle la psychologie de Figaro, qui pourrait tout aussi
bien s’appliquer à son comportement vis-à-vis de son maître : servir son amour ne peut qu’être utile au
serviteur.
-
Au début de la scène, Bartholo vend au comte ses qualités d’intermédiaire en lui disant qu’il occupe, chez
Bartholo les rôles de barbier, de chirurgien et d’apothicaire.
Les formules « si la pharmacie ne fournirait pas
quelque petits moyens innocents » et « Il ne s’agit que de les traiter ensemble » sous-entendent que Figaro
est prêt à se servir de ses compétences médicales pour éloigner l’obstacle que forment les domestiques.
-
Le comte fait bien mine de s’indigner des libertés et des projets de Figaro en le traitant de « scélérat » mais
cette indignation n’est-elle pas plutôt de l’admiration, voire de la crainte vis-à-vis de l’audace ingénieuse du
valet « Mais ce médecin peut prendre un soupçon.
» Et d’ailleurs, il entre pleinement dans le stratagème dès
que Figaro lance sa 2ème idée en précisant « Le colonel est de mes amis.
»
-
Le rythme de la scène, la rapidité des échanges renforcent le comique et soulignent la....
»
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