Analyse linéaire: Harmonie du soir de Charles Baudelaire
Publié le 09/05/2020
Extrait du document
«
Le deuxième quatrain s’ouvre en reprenant le troisième vers.
Cet effet de retour participe à la
musicalité du poème, dont les répétitions engendrent une sorte de transe sonore.
Ces mêmes
répétitions figurent également la redondance du souvenir, qui revient sans cesse.
Ce langoureux souvenir n’est cependant jamais explicitement évoqué par le poète, qui le
maintient dans un mystère qui fascine le lecteur, et crée un effet d’attente.
Le poème dit la
sensation du souvenir, non le souvenir en lui-même.
Le sixième vers introduit néanmoins la souffrance, à travers une comparaison : « Le violon frémit
comme un cœur qu'on afflige ».
En assimilant son cœur souffrant à un instrument de musique,
Baudelaire désigne son œuvre poétique comme une esthétisation de ses souffrances
amoureuses.
Le poète connut en effet plusieurs amours malheureux.
Le pronom indéfini « on » maintient
cependant ces amantes dans un flou qui universalise les souffrances du poète.
La brutalité de l’allitération cassante « comme un cœur qu’on », désignant les souffrances
amoureuses, est adoucie par la volupté du « violon frémit ».
Le quatrain s’achève sur une seconde évocation du soir : « Le ciel est triste et beau comme un
grand reposoir » (v.8).
La conjonction de coordination reliant les adjectifs « triste et beau »
souligne leur équivalence dans l’esthétique baudelairienne.
Celle-ci sublime en effet la
souffrance, faisant du spleen une énergie élevant vers l’idéal.
En comparant le ciel à un reposoir, mobilier liturgique précieux car il porte l’hostie, le poème
divinise la nature.
Cette expérience des « Correspondances » entre les sensations et les temps
s’apparente à une expérience mystique.
La majesté qui règne en ce poème s’oppose à la noirceur lugubre de bien d’autres poèmes.
La
poésie baudelairienne est ainsi en proie à de puissants écarts, entre « Spleen et Idéal ».
Notons ici la constance des rimes, tout le long du poème, en ige/oir.
Elles contribuent à son
harmonie d’autant plus qu’elles reprennent quasiment les sonorités du titre.
Leur régularité et les
répétitions, associées aux vers nouveaux, suscitent un balancement musical, qui est celui de la
mémoire.
II La nuit tombe sur le poète mélancolique
(Troisième et quatrième quatrain)
La reprise du sixième vers au début du troisième quatrain intensifie l’expression de la souffrance :
« Le violon frémit comme un cœur qu’on afflige ».
Cette répétition développe également l’évocation du cœur : « Un cœur tendre ».
La répétition
n’est donc pas une stricte réitération, mais une intensification et un approfondissement de ce qui
a été dit.
Le travail poétique creuse la sensation pour énoncer le fond de l’être.
Le poète insiste sur sa fragilité sentimentale et sa sensibilité.
Cet autoportrait explique la
puissance des souvenirs sur lui.
Le poète maintient néanmoins à distance cet autoportrait,
puisqu’il parle d’ « un cœur ».
Le déterminant indéfini universalise cet autoportrait.
2.
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