Analyse L'accompagnatrice Nina Berberova
Publié le 05/04/2017
Extrait du document
«
Et en même temps, avec ces personnages pathétiques ou dérisoires, dépaysés par l'exil,
elle découvre les thèmes que paraissait attendre son tempérament de narratrice.
Elle
entreprend aussitôt de composer de courts récits qui ne seront publiés en France que 68
ans plus tard sous le titre Chroniques de Billancourt .
Brisée par la guerre, lasse de l'indifférence française, n'en pouvant plus de sa vie
d'émigrée crève la faim, Berberova en 1950, prend le bateau pour New York.
L'Amérique lui fait plutôt bon accueil.
Sept ans plus tard, la voici qui enseigne la
littérature russe à Yale puis à Princeton, goûte aux plaisirs de l'automobile, sillonne les
route du Missouri.
….
Pourtant son œuvre devra attendre encore pour être reconnue.
C'est grâce à une
traductrice, Lydia Chweitzer, et au flair d'un éditeur qu'en 1985 paraît en France un court
roman " l'Accompagnatrice ".
Depuis, au rythme de un par an, les éditions Actes Sud publient ses récits composés dans
les années 30 et 40.
Tous ces romans ont pour protagonistes ces " émigrés déclassés ".
Des histoires faites " de gloire, de misère, de folie et de boue ", écrit Nina Berberova à la
fin de ses Mémoires.
" L'ACCOMPAGNATRICE "
Résumé
C'est aujourd'hui le premier anniversaire de la mort de maman.
Je n'ai eu qu'une seule maman et je n'en aurai jamais d'autre.
Elle s'appelait Catherina
Vassilievna Antonovskaya.
Elle avait trente-sept ans quand je suis née, et je fus son
premier et unique enfant.
Elle était professeur de piano, et aucun de ses élèves ne fut au courant de ma venue au
monde.
Après mon apparition, maman cessa de les recevoir chez elle.
Elle était absente
de la maison des journées entières.
Une vieille bonne s'occupait de moi.
L'appartement
était petit, il n'y avait que deux pièces.
Un jour tout se sut et, une semaine, maman perdit
trois leçons ; un mois plus tard, il ne lui restait que Mitenka.
Il était impossible de vivre du
seul Mitenka.
Nous congédiâmes la bonne, nous vendîmes le piano, et sans attendre
davantage nous partîmes pour Pétersbourg.
Lentement, avec application maman alla vers
la conquête de la vie pour elle-même et pour moi.
Et dès le premier hiver elle se mit à
trotter toute la journée, dans la pluie et dans le gel.
J'appris tout au sujet de mon père d'une façon très simple.
J'avais quinze ans lorsqu'une
amie de maman vint nous voir.
C'était le soir, vers six heures.
Maman était sortie.
Nous
parlions, nous évoquions les années lointaines à N., mon enfance.
Il arriva je ne sais comment qu'elle me raconta que mon père était un ancien élève de
maman et qu'il n'avait, à l'époque, que dix-neuf ans.
Et qu'avant lui, elle n'avait aimé
personne.
Maman rentra.
Elle avait maintenant plus de cinquante ans, elle était petite et blanche,
comme le sont, il est vrai, la plupart des mamans.
Je ne comprenais pas moi-même ce qui
m'arrivait.
J'avais soudain pitié d'elle, tellement pitié que j'avais envie de me coucher et
de pleurer, et de ne pas me relever jusqu'à ce que mon âme se vide en sanglots.
Je me
sentais perdre la tête en pensant à l'outrageur.
Je compris que maman était ma honte, de
même que j'étais la sienne.
Et que toute notre vie était une irréparable " honte ".
Et puis ce fut la révolution.
J'étais préoccupée par les évènements, j'étais préoccupée par.
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