Analyse Incipit - La fée Carabine de Daniel Pennac

« Le narrateur utilise beaucoup de progression constante en enchainement rapide dans ce récit.« Oui, sur la plaque de verglas, il y avait une femme, très vieille, debout, chancelante.

Elle glissait une charentaise devant l'autre avec une millimétrique prudence.Elle portait un cabas d'où dépassait un poireau de récupération, un vieux châle sur ses épaules et un appareil acoustique dans la saignée de son oreille.

A force deprogression reptante , ses charentaises l'avaient menée, disons, jusqu'au milieu du Sahara, sur la plaque à forme d'Afrique.

Il lui fallait encore se farcir tout le sud, lespays de l'apartheid et tout ça.

A moins qu'elle ne coupât par l'Erythrée ou la Somalie, mais la mer Rouge était affreusement gelée dans le caniveau.

» « Déçu, le blondinet jura entre ses dents.

Il avait toujours trouvé amusant de voir quelqu'un se casser la figure.

Cela faisait partie du désordre de sa tête blonde.Pourtant, vue du dehors, impeccable, la petite tête.

Pas un poil plus haut que l'autre, à la surface drue de la brosse.

Mais il n'aimait pas trop les vieux.

Il les trouvaitvaguement sales.

Il les imaginait par en dessous, si on peut dire.

Il était donc là, à se demander si la vieille allait se rétamer ou non sur cette banquise africaine, quandil aperçut deux autres personnages sur le trottoir d'en face, qui n'étaient d'ailleurs pas sans rapport avec l'Afrique : des Arabes.

Deux.

Des Africains du Nord, quoi, oudes Maghrébins, c'est selon.

Le blondinet se demandait toujours comment les dénommer pour ne pas faire raciste.

C'était très important avec les opinions qui étaientles siennes de ne pas faire raciste.

Il était Frontalement National et ne s'en cachait pas.

Mais justement, il ne voulait pas s'entendre dire qu'il l'était parce que raciste.Non, non, comme on le lui avait appris jadis en grammaire, il ne s'agissait pas là d'un rapport de cause, mais de conséquence.

Il était Frontalement National, leblondinet, en sorte qu'il avait eu à réfléchir objectivement sur les dangers de l'immigration sauvage ».Bien L’énonciationDans cet incipit, nous voyons des expressions implicites que le narrateur n’explique pas et qu’il suppose que le lecteur comprenne déjà.

Par exemple « Belleville » estun quartier de Paris.

Le narrateur n’a pas besoin de donner plus d’information là-dessus c’est un savoir partagé. D’autres savoirs partagés dans cet incipit sont les thèmes de chômage, des vieilles, d’être ‘frontalement national’, immigration sauvage, la sécurité : oui, tout à fait,cela s’inscrit dans un contexte social et politique que le narrateur suppose connu. Repérer ce qui est explicite et implicite ? vous avez dit l’essentiel à ce sujet. Le pacte de lectureDans cet incipit, le lecteur ne peut pas faire un lien entre le récit et le titre du roman.

L’incipit met le lecteur en suspense car en lisant, on s’attend à en savoir plus,pourquoi le narrateur nous présente ces personnages différents ? Pourquoi donner beaucoup de place à la description des personnages ? Quel est le lien entre cespersonnages ? Donc, l’incipit remplit sa fonction de séduction parce que le lecteur va vouloir continuer à lire pour savoir ce qui se passe entre les personnages.

oui - Fonctions et types d’incipit : critères de délimitation de l’incipit, les fonctions (codification, séduction…) - Les instances énonciatives : je narrant/je narré Ici, il n’y a pas de « je » mais un narrateur extradiégétique et des personnages, et une superposition de points de vue. - L’ethos Les niveaux narratifs : extra/intra-diégétiqueLa voix qui raconte dans cette narrative montre la présence d’un narrateur hétérodiégétique, le narrateur qui écrit.

Il est absent comme personnage (il est doncextradiégétique) mais il a pu faire des intrusions comme narrateur.

Il sait ce que pensent certains personnages :« Ces supputations gambadaient sous la brosse du blondinet à loden vert qui observait la vieille depuis son trottoir.

Et il se trouvait une assez jolie imagination, enl'occurrence, le blondinet.

» Le point de vueDans cet incipit, nous avons un point de vue qui semble être raconté par deux narrateurs différents: un narrateur externe qui raconte à la troisième personne dusingulier et qui ne joue aucun rôle dans l'histoire, et l’autre est le personnage « blondinet » qui joue un rôle dans l'histoire. « Ces supputations gambadaient sous la brosse du blondinet à loden vert qui observait la vieille depuis son trottoir.

Et il se trouvait une assez jolie imagination, enl'occurrence, le blondinet.

Soudain le châle de la vieille se déploya comme une voilure de chauve-souris et tout s'immobilisa.

Elle avait perdu l'équilibre ; elle venaitde le retrouver.

Déçu, le blondinet jura entre ses dents.

Il avait toujours trouvé amusant de voir quelqu'un se casser la figure.

Cela faisait partie du désordre de sa têteblonde.

» D’après ce paragraphe ci-dessous, il semble que tous ce qui est écrit avant sont les pensées du blondinet ou le narrateur externe est conscient de tout ce que pense leblondinetIci il faut détailler, en répartissant les jugements de valeur entre le personnage et le narrateur.Il y a beaucoup d’évaluations mais certaines sont faites par Vanini et d’autres (largement implicites, relevant de l’ironie) faites par le narrateur.

C’est ce jeu del’ironie qu’il faut détailler. Conclusion Un texte qui cultive la connivence narrateur / lecteur, et qui comporte pas mal de traits d’oralité.. »