Analyse du texte poètique
Publié le 26/12/2014
Extrait du document
«
c.
Poésie et image
La poésie peut également être définie comme une « langue à images », c’est-à-dire un art qui
se sert du langage pour créer des « images » .
Quel rapport entretient la poésie avec les « images » ?
En première approximation, une « image », production de l’imagination poétique, se distingue du
« concept », production de la pensée intellectuelle.
L’image poétique crée de nouveaux rapports
entre les choses, entre les mots et les choses, entre monde réel et monde imaginaire.
Dans un texte
célèbre, Baudelaire écrit que l’imagination, la « reine des facultés » a le pouvoir de décomposer le
monde pour le recomposer, le recréer, en fonction de ses propres finalités.
Toute « image » procède
à une sorte de synthèse poétique de la réalité (externe ou interne) ; procédant par analogie – par
comparaison, métaphore, symbole, allégorie, etc.
– l’image « donne à voir » (Eluard) le monde, non
plus sous l’angle de la pensée analytique mais sous celui de l’imagination.
Les images poétiques ne
sont pas si éloignées de celles du rêve…
Ceci dit, la place et la fonction des images ont beaucoup varié au cours de l’histoire de la
littérature.
On envisagera ici brièvement que les transformations qui affectent la conception de la
poésie française entre le 17 e
et le 20 e
siècle.
Dans l’Antiquité (Aristote, La Poétique ), on a élaboré une conception mimétique de la
littérature (théâtre, épopée) qui a pu être appliquée aussi à la poésie.
En ce sens, celle-ci viserait à
produire une représentation mimétique de la réalité (le monde, la nature, mais aussi la vie
intérieure).
La formule du poète latin Horace : « ut pictura poesis » (il en est de la poésie comme de
la peinture) énonce ce paradigme mimétique de l’art appliqué à la poésie en particulier.
Cette
vision de la poésie sera encore défendue par les Classiques ; mais elle sera rejetée par les
Romantiques (à partir des années 1815-1820) et plus globalement par les Modernes.
A l’exigence de « représentation » (soumise aux contraintes classiques), les Romantiques
substituent celle d’ « expression » et opèrent ainsi un véritable renversement : au lieu que
l’expression se soumette aux contraintes formelles traditionnelles, c’est désormais la forme qui va
se plier aux besoins expressifs de la langue poétique.
De plus, l’image poétique n’est plus
considérée comme un outil mimétique mais comme un instrument de transfiguration de la réalité,
voire comme un moyen de créer un monde purement poétique, indépendant de la réalité.
Chez
Baudelaire par exemple, le poème est censé suggérer à travers des images sensibles une réalité
spirituelle : le sonnet des Correspondances où Baudelaire met en œuvre cette théorie préfigure ce
qu’on appellera la poésie symboliste (à la fin du XIXe siècle).
La « lettre dite du voyant » écrite par
Rimbaud en 1870 propose une autre version de ce pouvoir de transfiguration de l’image poétique.
Mais avec son recueil des Illuminations , le même Rimbaud conçoit le poème et l’image poétique
comme un objet auto-référentiel : le monde poétique qu’il décrit ne renvoie à aucune réalité que
celle du poème.
Le mouvement surréaliste (qui nait en 1924) accorde également une grande importance à
cette fonction de l’image poétique.
Dans la préface de son recueil Signe Ascendant (dont le titre
annonce le programme poétique du poète), A.
Breton, le fondateur du mouvement, définit ainsi
l’image poétique : L’analogie poétique a ceci de commun avec l’analogie mystique qu’elle
transgresse les lois de la déduction pour faire appréhender à l’esprit l’interdépendance de deux
objets de pensée situés sur des plans différents, entre lesquels le fonctionnement logique de l’esprit
n’est apte à jeter aucun pont et s’oppose a priori à ce que toute espèce de pont soir jeté.
(…) Au
terme actuel des recherches poétiques il ne saurait être fait grand état de la distinction purement
formelle qui a pu être établie entre la métaphore et la comparaison.
Il reste que l’une et l’autre
constituent le véhicule interchangeable de la pensée analogique et que si la première offre des
ressources de fulgurance, la seconde présente de considérables avantages de suspension.
(…) On
se souvient qu’il y a trente ans, Pierre Reverdy, penché le premier sur la source de l’image, a été
amené à formuler cette loi capitale : « Plus les rapports des deux réalités rapprochées seront
lointains et justes, plus l’image sera forte – plus elle aura de puissance émotive et de réalité
poétique » .
3
Si Breton reprend à Reverdy sa théorie du « compas ouvert » (l’image rapprochant des
3
André Breton, Signe ascendant , 1949, p.
9-11..
»
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