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Analyse du prologue de Gargantua

Publié le 22/10/2012

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GARGANTUA  DE  FRANÇOIS  RABELAIS Quelle conception paradoxale de lecture Rabelais développe–t–il dans le prologue de Gargantua ?   Introduction    Issu du grec « pro- « et « logos « qui signifie ce qui précède le discours, le prologue désigne, dans l’Antiquité, la partie d’une œuvre théâtrale qui précède la pièce elle-même, dans laquelle un personnage vient présenter le sujet, avant l’entrée du chœur. Dans les œuvres modernes, il s’agit d’un texte introductif, à la manière d’une préface, qui peut remplir différentes fonctions, qu’elles soient explicatives, justificatives, critiques, polémiques. François Rabelais ouvre son Gargantua par un prologue en prose qui prolonge l’ « Avis aux lecteurs « en vers. Ce dernier plaçait le livre sous le signe du rire et de la légèreté, comme s’il s’agissait d’un ouvrage futile : « vrai est qu’ici peu de perfection/ Vous apprendrez, sinon en cas de rire «. Le prologue souligne-t-il lui aussi la futilité voire la grivoiserie du livre ou montre-t-il que cette légèreté cache en fait une réflexion beaucoup plus riche ? En somme, quelle conception paradoxale de lecture Rabelais propose-t-il dans ce prologue ? [Prévoir l’annonce du plan]   I.                   Une invitation à s’amuser 1.      Une relation auteur-lecteur placée sous le signe du jeu et de la complicité      La voix d’Alcofribas Nasier, prétendu auteur, anagramme de François Rabelais, pseudonyme comique sous lequel se dissimule F. Rabelais lorsqu’il publie Pantagruel et Gargantua, retentit dès le prologue. Alcofribas y interpelle constamment ses lecteurs : « Buveurs très illustres et vous vérolés très précieux (c’est à vous, à personne d’autre que sont dédiés mes écrits) « (p. 47), « à votre avis « (p. 49), « mes bons disciples « (p. 49), « mes amours « (p. 53). L’auteur se met lui-même en scène par la voix qu’il fait entendre à la première personne du singulier : il fait référence à son œuvre : « mes écrits «, « mes livres « (p. 53) comme aux livres populaires dont il s’est inspiré : « Gargantua, Pantagruel, Fessepinte, La Dignité des braguettes, Des Pois au lard assaisonnés d’un commentaire « (p. 49). Est donc définie une situation de lecture réunissant des lecteurs et un auteur. Il s’agit de la mise en place d’une situation classique dans un prologue. En effet, comme traditionnellement, le prologue est une sorte de seuil, d’entrée en matière, où un auteur annonce à ses lecteurs les enjeux du récit et établit un programme.     La fantaisie  de ce prologue réside dans le fait que Rabelais précise à quel lecteur il s’adresse. Et il ne s’adresse pas à n’importe qui. Il dresse ici le portrait du lecteur tel qu’il le voudrait : l’apostrophe initiale « Buveurs très illustres et vous vérolés très précieux (c’est à vous, à personne d’autre que sont dédiés mes écrits) « fait référence à un lectorat bachique, à un public de bons vivants appelé ici par Rabelais. Ce public d’élection est salué par les superlatifs absolus qui nous introduisent dans une épopée du corps et de ses plaisirs que pourrait être l’œuvre rabelaisienne. On peut rapprocher cette apostrophe initiale de l’inscription figurant aux portes de l’abbaye de Thélème : « Ci n’entrez pas, hypocrites, bigots / Vieux matagots, souffreteux bien enflés […] Ci entrez, et soyez les bienvenus / Bien réussis, vous tous, nobles chevaliers […] Vous serez mes intimes et mes familiers : / Gaillards et délurés, joyeux, plaisants, mignons, / Tous de la classe des gentils compagnons « (chap. 54, p. 361-363). Cette inscription commence par le public dont on ne veut pas, avant de préciser à qui elle est ouverte. La logique en est donc inversée par rapport au prologue. Le début et la fin de l’œuvre se répondent. Surtout, ce livre, comme l’inscription aux portes de l’abbaye, est refusé aux hypocrites que sont les moines, les maris jaloux, les rabat-joie (…) alors que l’auteur réserve son meilleur accueil aux gens de bonne compagnie. Le lecteur de Gargantua se doit donc d’être un bon vivant, il doit être à l’image du livre, « plein de pantagruélisme «. D’ailleurs Rabelais l’exhorte, dans la péroraison finale du prologue, à lire en buvant ...
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« lequel se dissimule F.

Rabelais lorsqu'il publie Pantagruel et Gargantua, retentit dès le prologue.

Alcofribas y interpelle constamment ses lecteurs : « Buveurs très illustres et vous vérolés très précieux (c'est à vous, à personne d'autre que sont dédiés mes écrits) » (p.

47), « à votre avis » (p.

49), « mes bons disciples » (p.

49), « mes amours » (p.

53).

L'auteur se met lui-même en scène par la voix qu'il fait entendre à la première personne du singulier : il fait référence à son oeuvre : « mes écrits », « mes livres » (p.

53) comme aux livres populaires dont il s'est inspiré : « Gargantua, Pantagruel, Fessepinte, La Dignité des braguettes, Des Pois au lard assaisonnés d'un commentaire » (p.

49).

Est donc définie une situation de lecture réunissant des lecteurs et un auteur.

Il s'agit de la mise en place d'une situation classique dans un prologue.

En effet, comme traditionnellement, le prologue est une sorte de seuil, d'entrée en matière, où un auteur annonce à ses lecteurs les enjeux du récit et établit un programme.     La fantaisie  de ce prologue réside dans le fait que Rabelais précise à quel lecteur il s'adresse.

Et il ne s'adresse pas à n'importe qui.

Il dresse ici le portrait du lecteur tel qu'il le voudrait : l'apostrophe initiale « Buveurs très illustres et vous vérolés très précieux (c'est à vous, à personne d'autre que sont dédiés mes écrits) » fait référence à un lectorat bachique, à un public de bons vivants appelé ici par Rabelais.

Ce public d'élection est salué par les superlatifs absolus qui nous introduisent dans une épopée du corps et de ses plaisirs que pourrait être l'oeuvre rabelaisienne.

On peut rapprocher cette apostrophe initiale de l'inscription figurant aux portes de l'abbaye de Thélème : « Ci n'entrez pas, hypocrites, bigots / Vieux matagots, souffreteux bien enflés [...] Ci entrez, et soyez les bienvenus / Bien réussis, vous tous, nobles chevaliers [...] Vous serez mes intimes et mes familiers : / Gaillards et délurés, joyeux, plaisants, mignons, / Tous de la classe des gentils compagnons » (chap.

54, p.

361-363).

Cette inscription commence par le public dont on ne veut pas, avant de préciser à qui elle est ouverte.

La logique en est donc inversée par rapport au prologue.

Le début et la fin de l'oeuvre se répondent.

Surtout, ce livre, comme l'inscription aux portes de l'abbaye, est refusé aux hypocrites que sont les moines, les maris jaloux, les rabat-joie (...) alors que l'auteur réserve son meilleur accueil aux gens de bonne compagnie.

Le lecteur de Gargantua se doit donc d'être un bon vivant, il doit être à l'image du livre, « plein de pantagruélisme ».

D'ailleurs Rabelais l'exhorte, dans la péroraison finale du prologue, à lire en buvant. »

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