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Analyse du monologue de Don Diègue (Acte I, sc. 5). Le Cid de Corneille. Commentaire

Publié le 13/02/2012

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ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie ! N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers  Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ? Mon bras qu'avec respect toute l'Espagne admire,  Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,  Tant de fois affermi le trône de son roi, Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ? ô cruel souvenir de ma gloire passée ! Oeuvre de tant de jours en un jour effacée ! Nouvelle dignité fatale à mon bonheur ! Précipice élevé d'où tombe mon honneur ! Faut-il de votre éclat voir triompher le comte,  Et mourir sans vengeance, ou vivre dans la honte ? Comte, sois de mon prince à présent gouverneur ;  Ce haut rang n'admet point un homme sans honneur ; Et ton jaloux orgueil par cet affront insigne  Malgré le choix du roi, m'en a su rendre indigne. Et toi, de mes exploits glorieux instrument,  Mais d'un corps tout de glace inutile ornement,  Fer jadis tant à craindre, et qui, dans cette offense,  M'as servi de parade, et non pas de défense,  Va, quitte désormais le dernier des humains,  Passe, pour me venger en de meilleures mains.

Circonstances. - La dispute s'est envenimée. Les réponses calmes, judicieuses du vieillard ont eu pour effet de mettre le comte hors de lui-même. La dernière réplique : ce vous! asséné froidement, comble la mesure; don Gormas passe aux voies de fait : il soufflette don Diègue. Celui-ci dégaine. Hélas! son bras affaibli « trahit « sa « querelle «. Après un dernier sarcasme, l'offenseur s'éloigne, laissant sa noble victime en proie au « désespoir «....

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« physique, sa force premiere, en lui interdisant de brandir la lourde epee. De la cette double apostrophe de don Diegue au membre qui le trahit. Tout naturellement encore, ii oppose au cher passé, rempli des prouesses de ce bras invincible, le triste present, la fatale dignite qui lui promettait une elevation meritee et le precipite tout a coup dans un abime d'igno- minie.

Du present, point instable et fugace, it passe a l'avenir tout proche. II n'y trouve qu'incertitude et contradiction.

Mourra-t-il sans vengeance? Vivra-t-il dans la honte? Laissera-t-il le comte triompher insolemment? Exer- cera-t-il sa fonction de gouverneur? Non, it en est desormais indigne, l'abandonnera a son envieux.

Mais avant de se resigner a son « destin malheureux une fois encore it contemple sa fidele epee.

Mouvernent bien naturel, si l'on considere la place que tenait cette arme dans la vie du chevalier : elle etait son inseparable compagne, !'instrument de ses exploits, la gardienne de son honneur.

Aussi gemit-il en songeant que ce « fer » redoutable n'est plus qu'un ornement inutile.

Eh quoi? va-t-il la rejeter? Non.

Un éclair jailli soudain de la bonne lame a illumine l'Ame du vieillard &courage.

N'a-t-il pas un fils?...

Le trait est decisif.

A la rage fera place le calme, au desespoir la confiance.

Apres avoir maudit la 1 vieillesse ennemie I., don Diegue benit en Rodrigue la jeunesse amie : il sera venge. En recherchant le lien qui rattache les diverses parties de ce mono- logue, nous en avons déjà demontre la Write psychologique, et nous avons fait plus ample connaissance avec don Diegue.

Nous avons constate corn- bien naturel chez le vieillard, est ce long retour sur son passé; combien vif est chez le chevalier du moyen age le sentiment de I'honneur; combien abondante, voire grandiloquente est, chez cet Espagnol, !'expression de la douleur; combien ferme, chez ce pere, l'espoir en sa race. 4.

Importance dramatique de ce monologue.

- Important au point de vue psychologique, ce morceau ne l'est pas moins au point de vue drama- tique.

De ces vingt-quatre vers depend toute la piece.

Si le noaud se forme au soufflet, it se resserre singulierement ici.

L'action, qui semble un instant ralentie par les doleances du vieillard, reprend sa vive allure, s'elance d'un bon vigoureux dans les deux derniers vers : Va, quitte desormais le dernier des humains, Passe pour me venger en de meilleures mains. Cette brusque resolution, qui seule, en cette tirade, fait effectivement avancer l'action, gagne toutefois a etre precedee des reflexions que nous connaissons.

Outre qu'elles permettent a don Diegue de nous reveler le fond de son Arne, par des degres habilement menages elles nous preparent ce qui va suivre.

Sachant a quel prix le vieux chevalier met son honneur, nous serons moins &tonnes, tout a l'heure, de ses exigences vis-à-vis de Rodrigue.

Le re meurs ou tue ne nous choquera plus. 5.

Valeur formelle de ce monologue.

Vrai, utile quant au fond, ce mono- logue est admirable par la forme. Les exclamations, les interrogations, les apostrophes, qui se heurtent dans ces vers sont bien !'expression d'une violente agitation interieure; it y a done equation parfaite entre le ton general du morceau et l'etat d'ame du personnage, et c'est IA le premier et le principal merite formel.

A cette qualite d'ensemble, s'ajoutent de nombreuses beautes de detail! Voici l'antithese, se reproduisant comme un leit-motiv, qui engendre dans la pensee autant que dans le rythme une sorte de balancement : ...N'ai-je donc tant vecu que pour cette infamie...Que pour voir en un jour fletrir tant de lauriers ...CEuvre de taut de jours en an jour effacee... ...Precipice eleve d'ou tombe mon honneur... Cela se prolonge d'un bout a l'autre, et confere a ces vers une harmonie fres speciale. En developpant cette antithese, a la fois savante et naturelle, le poke cueille au passage le mot, la figure, !'image qui piquent !'attention du spec- tateur, qui le transportent de l'abstrait dans le concret.

Il fait de la vieil- lesse l'ennemie personnelle de don Diegue; d'un mot it evoque les cheveux blancs qui rencient le vieillard venerable, sympathique : « Et ne suis-je blanchi » ?...; la gloire est symbolisee par les lauriers qui couronnent le physique, sa force première, en lui interdisant de brandir la lourde épée.

De là cette double apostrophe de don Diègue au membre qui le trliliit.

Tout naturellement encore, il oppose au cher passé, rempli des prouesses de ce bras invincible, le triste présent, la fatale dignité qui lui promettait une élévation méritée et le précipite tout à coup dans un abime d'igno­ minie.

Du présent, point instable et fugace, il passe à l'avenir tout proche.

II n'y trouve qu'incertitude et contradiction.

Mourra-t-il sans vengeance? Vivra-t-il dans la honte? Laissera-t-ille comte triompher insolemment? Exer­ cera:-t-il sa fonction de gouverneur? Non, il en est désormais indigne, il l'abandonnera à son envieux.

Mais avant de se résigner à son « destin malheureux », une fois encore il contemple sa fidèle épée.

Mouvement bien naturel, si l'on considère la place que tenait cette arme dans la vie du chevalier : elle était son inséparable compagne, l'instrument de ses exploits, la gardienne de son honneur.

Aussi gémit-il en songeant que ce «fer» redoutable n'est plus qu'un ornement inutile.

Eh quoi'? va-t-il la rejeter? Non.

Un éclair jailli soudain de la bonne lame a illuminé l'âme du vieillard découragé.

N'a-t-il pas un fils? ...

Le trait est décisif.

A la rage fera :place le calme, au désespoir la confiance.

.Après avoir maudit la « vieillesse ennemie :.

, don Diègue bénit en Rodrigue la jeunesse amie : il sera vengé.

En recherchant le lien qui rattache les diverses parties de ce mono­ logue, nous en avons déjà démontré la vérité psychologique, et nous avons fait plus ample connaissance avec don Diègue.

Nous avons constaté com­ bien naturel chez le vieillard, est ce long retour sur son passé; combien vif est chez le chevalier du moyen âge le sentiment de l'honneur; combien abondante, voire grandiloquente est, chez cet Espagnol, l'expression de la douleur; combien ferme, chez ce père, l'espoir en sa race.

4.

Importance dramatique de ce monologue.

- Important au point de vue psychologigue, ce morceau ne l'est pas moins au point de vue drama­ tique.

De ces vmgt-quatre vers dépend toute la pièce.

Si le nœud se forme au soufflet, il se resserre singulièrement ici.

L'action; qui semble un instant ralentie par les doléances du vieillard, reprend sa vive allure, s'élance d'un bon vigoureux dans les deux derniers vers : · Va, quitte désormais le dernier des humains, Passe pour me venger en de meilleures mains.

Cette brusque résolution, qui seule, en cette tirade, fait effectivement avancer l'action, gagne toutefois à être précédée des réflexions que nous connaissons.

Outre qu'elles permettent à don Diègue de nous révéler le fond de son âme, par des degrés habilement ménagés elles nous préparent à ce qui va suivre.

Sachant à quel prix le vieux chevalier met son honneur, nous serons moins étonnés, tout à l'heure, de ses exigences vis-à-vis de Rodrigue.

Le « meurs ou tue »· ne nous choquera plus.

5.

Valeur formelle de ce monologue.

Vrai, utile quant au fond, ce mono­ logue est admirable par la forme.

Les exclamations, les interrogations, les apostrophes, qui se heurtent dans ces vers sont 'bien l'expression d'une violente agitation intérieure; il y a donc équation parfaite entre le ton général du morceau et l'état d'âme du personnage, et c'est là le premier et le principal mérite formel.

A cette qualité d'ensemble, s'ajoutent de nombreuses beautés de détail 1 Voici l'antithèse, se reproduisant comme un leit-motiv, qui engendre dans la pensée autant que dans le r~thme une sorte de balancement : ...

N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ...

Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ...

Œuvre de tant de jours en un jour effacée ...

...

Précipice élevé d'où tombe mon honneur ...

Cela se prolonge d'un bout à l'autre, et confère à ces vers une harmonie très spéciale.

· En développant cette antithèse, à la fois savante et naturelle, le poète cueille au passage le mot, la figure, l'image qui piquent l'attention du SJ?ec­ tateur, qui le transportent de l'abstrait dans le concret.

Il fait de la VIeil­ lesse l'ennemie personnelle de.

don Diègue; d'un mot il évoque les cheveux blancs qui ren"-ent le vieillard vénérable, sympathique : « Et ne suis-je blanchi » '1 ...

; la gloire est symbolisée par les lauriers qui couronnent le. »

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