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Analyse des SCÈNES 5 ET 6 du troisième acte du TARTUFFE de Molière

Publié le 22/02/2012

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Dès qu'Orgon apparaît, Damis se précipite pour lui annoncer la trahison de Tartuffe. Il use d'abord du « nous» pour associer Elmire à son initiative. Puis, comprenant qu'elle refuse d'entrer dans son jeu, il parle pour son propre compte. En dépit de son assurance, Damis perçoit vaguement qu'en agissant ainsi il se substitue à sa belle-mère. Damis prouve son absence totale de jugement et de psychologie en accusant Tartuffe avant même d'informer son père de la matérialité des faits. Elmire, furieuse de l'insolence de son beau-fils, refuse de le soutenir et marque sa désapprobation dans des termes suffisamment flous pour laisser Orgon dans la plus grande perplexité. Puis elle se retire. Orgon se tourne alors vers Tar-truffe pour lui demander des explications :

« Tartuffe est, d'autre part, un virtuose du langage à double sens.

Tout en faisant semblant d'accepter lesaccusations de Damis, il les considère comme un moyen de mortifier son orgueil, comme une épreuve envoyée par leCiel : «Chaque instant de ma vie est chargé de souillures; Elle n'est qu'un amas de crimes et d'ordures; Et je vois que le Ciel, pour ma punition, Me veut mortifier en cette occasion. De quelque grand forfait qu'on me puisse reprendre, Je n'ai garde d'avoir l'orgueil de m'en défendre.» Tout en confirmant l'image d'humilité contrite à laquelle il s'est identifié une fois pour toutes dans l'esprit d'Orgon, ilse donne même le luxe de dire la vérité sur lui-même de façon à faire passer cet aveu pour un excès de scrupule dûà sa très grande piété : «Et je ne suis rien moins, hélas! que ce qu'on pense; Tout le monde me prend pour un homme de bien; Mais la vérité pure est que je ne vaux rien.» Selon les indications de Molière, Tartuffe se prosterne devant Damis qui apparaît de plus en plus comme uncalomniateur et l'injuste persécuteur du «pauvre homme».

D'abord agenouillé sur un genou, l'hypocrite se met ensuite à deux genoux; cette exagération dans l'attitude accompagnant sans doute la gradation par laquelle ilavoue son indignité (vers 1101-1102). Orgon se jette alors à son tour à terre sur deux genoux.

Quand la pitié pour Tartuffe se retournera en colère contreson fils, il se relèvera pour prendre un bâton afin de châtier et de chasser ce dernier.

Ainsi, la comédie de Molière,après avoir côtoyé le drame psychologique, rebondit dans un mouvement de farce. La colère d'Orgon Cette scène met à nu les fibres par lesquelles Tartuffe tient Orgon.

Il apparaît de plus en plus que la dévotion n'estque le prétexte d'un véritable conditionnement psychologique.

Orgon est fasciné par celui qui flatte secrètement sonorgueil et sa volonté d'affirmer sa supériorité.

Ces sentiments peu avouables se dissimulent sous un alibi tout-puissant, la conviction de réparer les injustices dont est victime celui qu'Orgon prend pour un saint homme. La fascination proche de l'envoûtement que Tartuffe exerce sur son bienfaiteur est due à la compassion qu'il a su luiinspirer.

Certes, Orgon croit ainsi remplir le devoir de charité chrétienne.

En réalité, Tartuffe vient combler un videaffectif et moral chez ce bourgeois, au fond mal dans sa peau, plein de ce que l'on appellerait aujourd'hui « descomplexes » et qui a besoin de s'affirmer et de trouver un sens à sa vie.

Le désir tout-puissant, excessif,disproportionné d'aider Tartuffe est chez Orgon non de l'ordre de la morale mais de l'ordre du plaisir, le plaisir dedonner lié à la jouissance du pouvoir.

Quand Orgon, dans sa colère contre Damis, extériorise les motifs qui l'animent,il montre l'une des clés de son comportement : « Et je vais me hâter de lui donner ma fille, Pour confondre l'orgueil de toute ma famille... [...] Ah! je vous brave tous, et vous ferai connaître Qu'il faut qu'on m'obéisse et que je suis le maître.» La colère d'Orgon va le pousser à maudire et à rejeter son fils, à donner sa fille à Tartuffe et à déposséder toute safamille, à se déposséder lui-même au profit de celui que son imagination lui peint comme une victime innocente de laméchanceté humaine. La conduite d'Orgon est celle d'un homme dominé par la passion, une passion si excessive qu'elle s'apparente à lafolie.

Or, cette passion n'est pas celle de la charité, de la générosité même mal placée, mais celle du pouvoir.

Orgonest possédé par la volupté d'exercer un pouvoir fondé non sur la raison mais sur le caprice.

Ce n'est qu'une formeoutrancière d'individualisme, de délectation de soi, de la soif de jouir de sa volonté, de faire peser cette volonté surceux qui dépendent de lui. Le paradoxe, chez Orgon, vient de ce que cette idée fixe qui l'aveugle, qui le prive de son jugement, n'est pascausée par le vice, mais par la vertu.

Tartuffe a su exploiter cette passion pour la vertu.

Pour cela, il n'a même pasà se compromettre.

Il lui suffit de laisser Orgon agir et de recevoir des faveurs qu'il ne se donne même pas la peinede solliciter. Apparemment, Tartuffe est irréprochable.

A aucun moment on ne le voit quémander, intriguer, manoeuvrer pours'approprier le bien d'Orgon, pour épouser Mariane.

On ne le voit et on ne l'entend se manifester qu'à deux reprises,lorsqu'il fait la cour à Elmire, c'est-à-dire lorsqu'il prend le risque de tout perdre.

Ce comportement n'est pas le fait. »

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