Analyse de L'espace dans Fin de partie de Samuel Beckett
Publié le 18/11/2011
Extrait du document
Il faut signaler que Clov serait même prêt à aller chercher « la chaîne «, c’est-à-dire l’outil d’arpenteur, afin de mesurer, pour placer Hamm exactement au centre. Clov avait par ailleurs précisé en commençant que sa cuisine était constituée d’un cube parfait de « trois mètres sur trois mètres sur trois mètres « (p. 14, il précise d’ailleurs : « ce sont de jolies dimensions «) Cette géométrie n’est ni neutre ni fortuite : elle organise l’espace scénique à l’image du cosmos, lui aussi géométriquement organisé (rapport micro-macrocosme).
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Cet espace en est un au sens géométrique du terme.
Le décor et les pantomimes de Clov dessinent en effet lestrois dimensions constitutives de tout espace : la hauteur, la largeur et la longueur ou profondeur.
Dès le début de la pièce, l'espace est défini par un décor qui installe ces trois dimensions :
- largeur: « Aux murs de droite et de gauche »
- profondeur : « vers le fond »
- hauteur : « deux petites fenêtres haut perchées »
Ces différentes « lignes » s'organisent autour d'un point central : « Au centre, […] Hamm ».
L'espace est ensuite défini par les déplacements de Clov, méticuleusement décrits par Beckett dans la longuedidascalie initiale et consignés quasi mathématiquement dans son cahier de notes pour la mise en scène de 1967.
Clov arpente l'espace abstrait mis en place par l'auteur, au sens propre comme au sens figuré.
[Il ne faut pas oublier que le père de Beckett, Bill, était métreur, c'est-à-dire collaborateur d'architecte chargéd'effectuer (en utilisant à l'époque encore une chaîne d'arpenteur) des mesures préliminaires aux plans et auxtravaux, d'où peut-être la propension de ses personnages à marcher, à parcourir leur espace …]
Il trace tout d'abord une ligne transversale entre les deux fenêtres et partage ainsi l'espace entre gauche et droitede manière très précise, d'abord par le regard vers chaque fenêtre, puis par un déplacement.
Les pas de Clov,précisément comptés, imposent une scénographie précise au metteur en scène : les fenêtres doivent êtreparfaitement symétriques pour permettre de juger de la démarche du personnage, de sa succession de six, puistrois, puis un pas effectués sous les fenêtres (12).
Après ce tracé horizontal, Clov s'occupe des verticales en montant sur l'escabeau sous la fenêtre de gauche, puisdroite, pour tirer les rideaux avant de réitérer le même mouvement, gauche puis droite, cette fois en regardant parla fenêtre.
Cette décomposition précise des mouvements ne vise pas, ou pas seulement, à produire du comique (d'ailleurs les «rires brefs », étranges du personnage et qui ponctuent chacun des regards lancés au monde extérieur nedésamorcent-ils pas d'une certaine façon ceux des spectateurs ?), ni à traduire les caractéristiques physiques et/oupsychologiques du personnage, mais à tracer des lignes de force où l'action va prendre place.
A l'intérieur de ce cadre de droites, Hamm va demander plus tard à Clov de tracer un cercle en le promenant sur sonfauteuil à roulettes, au plus près des murs, avant de le ramener parfaitement au centre de cette circonférence (p.40-41).
Après les lignes droites, horizontales et verticales, Beckett trace un cercle et finit par le point : les figuresgéométriques de base sont donc en place.
Hamm serait alors le centre, l'axe, le pivot d'un monde endécomposition…Mais il y a un paradoxe : ce personnage central, censé rayonner sur les dimensions de l'espace nepeut voir, d'où la nécessité de mesurer verbalement l'espace : il interroge sans cesse Clov sur sa place, et accordeune minutie extrême à la détermination du centre (par la même occasion : détermination des quatre pointscardinaux…) Chaque personnage semble avoir une place impartie : à part Clov, ils ne peuvent se déplacer.
Changerde place, ce serait risquer de perturber un équilibre instable.
Seul Clov peut se déplacer ; son départ signifierait-ill'effondrement de ce monde ?
Il faut signaler que Clov serait même prêt à aller chercher « la chaîne », c'est-à-dire l'outil d'arpenteur, afin demesurer, pour placer Hamm exactement au centre.
Clov avait par ailleurs précisé en commençant que sa cuisineétait constituée d'un cube parfait de « trois mètres sur trois mètres sur trois mètres » (p.
14, il précise d'ailleurs : «ce sont de jolies dimensions »)
Cette géométrie n'est ni neutre ni fortuite : elle organise l'espace scénique à l'image du cosmos, lui aussigéométriquement organisé (rapport micro-macrocosme).
b) Un espace clos.
« L'action » de la pièce se déroule dans un lieu unique et clos, en ce sens l'unité de lieu chère aux classiques estrespectée.
Les didascalies et les dialogues insistent sur la présence des murs, et ce dès la didascalie initiale :.
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