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Analyse Candide chapitre 3

Publié le 03/04/2020

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Rien n’était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu’il n’y en eut jamais en enfer. Les canons renversèrent d’abord à peu près six mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface. La baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d’hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu’il put pendant cette boucherie héroïque.    Enfin, tandis que les deux rois faisaient chanter des Te Deum, chacun dans son camp, il prit le parti d’aller raisonner ailleurs des effets et des causes. Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants, et gagna d’abord un village voisin ; il était en cendres : c’était un village abare que les Bulgares avaient brûlé, selon les lois du droit public. Ici des vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes ; là des filles, éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros, rendaient les derniers soupirs ; d’autres, à demi brûlées, criaient qu’on achevât de leur donner la mort. Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés.    Candide s’enfuit au plus vite dans un autre village : il appartenait à des Bulgares, et des héros abares l’avaient traité de même. Candide, toujours marchant sur des membres palpitants, ou à travers des ruines, arriva enfin hors du théâtre de la guerre, portant quelques petites provisions dans son bissac, et n’oubliant jamais mademoiselle Cunégonde. Ses provisions lui manquèrent quand il fut en Hollande ; mais ayant entendu dire que tout le monde était riche dans ce pays-là, et qu’on y était chrétien, il ne douta pas qu’on ne le traitât aussi bien qu’il l’avait été dans le château de monsieur le baron avant qu’il en eût été chassé pour les beaux yeux de mademoiselle Cunégonde.

François Marie Arouet, dit Voltaire est sans doute le philosophe des Lumières le plus célèbre et le plus populaire en raison de ses contes philosophiques, mais aussi de son combat mené toute sa vie contre les erreurs judiciaires.

Nous sommes ici au début du chapitre 3, Candide a été chassé du château, et découvre brutalement la guerre, le premier Mal qui touche le monde.

Problématique : Comment Voltaire arrive-t-il à dénoncer la guerre de façon aussi magistrale ?

Lecture

Annonce de plan : Nous étudierons de près la mise en scène décalée de la guerre qui va nourrir une critique virulente dénonçant ce fléau ; pour ensuite s’attaquer au véritable responsable.


 

1er axe : Une mise en scène décalée

 Un spectacle grandiose

Le début du chapitre 3 commence par l’utilisation de l’antiphrase, procédé très efficace de l’ironie. En effet, la répétition de l’intensif « si » au service d’adjectifs mélioratifs « beau » « brillant », propose une description dithyrambique de la guerre, qui sonne faux bien sûr. Les sens sont sollicités également : la vue puis l’ouïe, avec l’énumération des instruments de la fanfare « tambour », « trompette ». On note l’usage du pluriel, qui multiplie à l’envie ces derniers et crée un écho sonore. Le rythme allègre, enlevé (« leste ») évoque l’armée en marche. Les labiales en b enrichissent aussi le rythme.

L’antithèse formée par le rapprochement entre « harmonie » et « enfer » accentue le ridicule.

Une armée de pacotille

Pour accentuer le côté grotesque, l’auteur joue sur les balancements en évoquant les forces en présence. L’effet visuel est certain. « 6000 hommes » « 9 à 10 mille coquins » « quelques milliers d’hommes » « une trentaine de mille âmes ». Toutes ces expressions sont contrebalancées par des tournures approximatives qui déshumanisent les soldats et les transforment en « soldats de plomb ».

« 1er axe : Une mise en scène décalée Un spectacle grandiose Le début du chapitre 3 commence par l’utilisation de l’antiphrase, procédé très efficace de l’ironie.

En effet, la répétition de l’intensif « si » au service d’adjectifs mélioratifs « beau » « brillant », propose une description dithyrambique de la guerre, qui sonne faux bien sûr.

Les sens sont sollicités également : la vue puis l’ouïe, avec l’énumération des instruments de la fanfare « tambour », « trompette ».

On note l’usage du pluriel, qui multiplie à l’envie ces derniers et crée un écho sonore.

Le rythme allègre, enlevé (« leste ») évoque l’armée en marche.

Les labiales en b enrichissent aussi le rythme. L’antithèse formée par le rapprochement entre « harmonie » et « enfer » accentue le ridicule. Une armée de pacotille Pour accentuer le côté grotesque, l’auteur joue sur les balancements en évoquant les forces en présence.

L’effet visuel est certain.

« 6000 hommes » « 9 à 10 mille coquins » « quelques milliers d’hommes » « une trentaine de mille âmes ».

Toutes ces expressions sont contrebalancées par des tournures approximatives qui déshumanisent les soldats et les transforment en « soldats de plomb ». Le champ lexical de la destruction « renversé, infecté, mort, enfer » amène le spectre de la mort. 2ème axe : Un chaos tragique Le choix des innocents Ce sont les civils, les innocents qui sont les premiers à subir l’horreur des massacres : dans un réalisme étourdissant, Voltaire, touché au plus près dans sa chaire, l’âme meurtrie opère une volte-face et nous plonge dans le chaos. Les images chocs se succèdent, s’inscrivant dans la fixité avec les participes passés « criblés », « égorgées », « éventrées ».

Les repères spatiaux « ici et là » nous plongent également dans l’horreur.

L’ironie désormais grinçante s’attaque aux héros qui commettent des atrocités sur des femmes… Enfin la dernière phrase, « des cervelles…jambes coupées » signe l’abnégation de l’humain. Un réalisme étonnant Cette séquence étourdissante préfigure le tableau Guernica de Pablo Picasso qui décrit le bombardement d’un village durant la guerre d’Espagne en 1937.

Comme le peintre cubiste, l’écrivain traduit sa colère et son épouvante au travers d’images chocs : « une femme hurlante tenant son enfant mort, des bouches béantes, des bras levés, la dislocation des corps… ».

Paradoxe chez notre auteur : l’horreur est telle que les femmes pour abréger leurs souffrances crient, non pour appeler à l’aide afin de survivre, mais pour qu’on les achève… La désignation des responsables L’auteur ne donne explication, mais joue sur les parallélismes : les soldats tombent des 2 côtés, les deux rois dans une parfaite harmonie, font chanter des te deum. Ni vainqueur ni vaincu, la guerre est parfaitement inutile, les souverains sont les seuls responsables et Frédéric II de Prusse que Voltaire croyait souverain éclairé et pacifiste, déclencha la guerre des 7 ans.

Voltaire s’attaque également à certains philosophes, et n’hésite pas à porter quelques coups.

En effet, Candide réagit comme un déserteur « il tremblait comme un philosophe ».

Ici notre auteur remet en cause la théorie optimiste du philosophe Leibniz qui est mise à mal et qui ne tient pas face aux horreurs « dans le meilleur des mondes ». Conclusion Voltaire dénonce la guerre par l'ironie et par le tableau réaliste qu'il fait de ses conséquences sur la population civile.

La condamnation porte aussi sur le rôle des rois et de la religion et de la cruauté des soldats.

Ce passage critique aussi l'optimisme par l'attitude de Candide chassé du paradis que représentait le château du baron.

Il fait ici la rencontre avec le mal, mais encore sous l'influence de Pangloss, il est impossible de réagir comme il le faudrait.

La condamnation de la guerre est récurrente dans Candide, notamment au chapitre 7 lorsque Cunégonde raconte ce qu'elle a vécu ou au chapitre 11 : le récit de la vieille.. »

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